C’est un matin pas comme les autres en ce dimanche. Aujourd’hui, Maurice assiste au retour triomphal de ses enfants champions, ses héros, ses dieux locaux du stade.
Stéphan Buckland, Jonathan Chimier et Eric Milazar, nos porte-drapeaux à Athènes, ceux-là mêmes qui nous ont donné tant de frissons, de beaux rêves et surtout du bonheur en grande quantité, débarquent avec le sentiment d’avoir été jusqu’au bout d’eux-mêmes, avec l’impression d’avoir défendu nos couleurs brillamment chez les Grecs.
Ce qui est vrai. Et qu’importe si nos jeunes n’ont pu accéder à un podium tant espéré par la population, qu’importe si nous y avions tellement cru au point où la déception - si brève fût-elle - avait un arrière-goût amer, qu’importe si le sommeil fut si difficile à trouver jeudi soir.
Jamais sans doute auparavant, Maurice ne s’était autant accrochée aux jambes de trois hommes. Jamais peut-être n’avait-on vécu cette insoutenable attente que celle du jeudi soir entre l’envol de Jonathan, notre goéland à nous, et les interminables secondes du 200 mètres de notre roi du stade, ce Buckland dont la rage de vaincre gagnerait à être contagieuse.
Grâce à ces athlètes, décidément d’une autre trempe, nos soirées furent longues et exaltantes. Nos nuits, malgré l’hiver, furent, ô combien, plus belles que nos jours.
Grâce à nos champions, nos yeux se sont embués régulièrement de ces larmes incontrôlables de joie. Et pour eux, nous avons mis entre parenthèses ces sujets gris d’une actualité de plus en plus morbide si ce n’est traumatisante - la dernière remontant à hier avec la découverte des dix cadavres à St- Paul.
Et maintenant qu’ils sont de retour au pays, accueillis comme des stars, what next ? a-t-on envie de demander d’autant plus que les commentaires de Stéphan Buckland – dans l’interview accordée à l’Express de vendredi – donnent une idée de l’état d’esprit des athlètes. «Maurice vient de marquer une page de son histoire sportive. (..) Maintenant je laisse tout entre les mains des autorités pour voir ce qu’elles vont faire. Souvent, elles ne réalisent pas ce qu’on a fait pour
arriver là, par quels sacrifices et moments durs on est passé pour atteindre un tel niveau. Zordi zotte dans tam tam, demain zotte blié toi. Ils ne pensent pas que quand on est sur le podium,
c’est l’hymne national de notre pays qui retentit et c’est le drapeau mauricien qui est levé, on ne voit pas le nom de l’athlète. »
Que dire de plus si ce n’est que Stéphan Buckland sait certainement de quoi il parle pour tenir de tels propos. Que dire si ce n’est qu’on souhaite que nos sportifs - pas seulement le trio Milazar/Chimier/ Buckland, mais aussi les autres, ceux-là qui n’en sont qu’à leurs débuts mais qui méritent tant notre encouragement - soient mieux encadrés et obtiennent les moyens nécessaires pour continuer à progresser dans leurs disciplines respectives.
Nos trois représentants aux JO d’Athènes démontrent aussi qu’avec une volonté de fer, une préparation minutieuse et un entraînement régulier, Maurice peut, elle aussi, avoir son rêve. Chimier, Buckland et Milazar prouvent également que la réussite n’arrive pas nécessairement aux âmes bien nées, qu’on peut être issu de la Cité Mangalkhan, d’un faubourg de Port Louis, Tranquebar, ou d’un petit village de Rodrigues, Camp du Roi, mais que les efforts finissent toujours par payer.
Des efforts qui rythmeront encore leur vie lors de ces prochaines années à lire leurs déclarations. Stéphan Buckland nous donne déjà rendez-vous dans quatre ans à Beijing (pour les Jeux Olympiques de 2008) où, dit-il, il sera présent pour « try » son « best ». Même écho chez Jonathan Chimier qui, lui aussi, « remet ça dans quatre ans.» (Le mauricien de vendredi).
En attendant, souhaitons que les autorités aient reçu le message de Buckland. Pour qu’encore d’autres matins, nos champions rentrent au pays comme des héros…