Oui, c’est vrai, les raisons invoquées par ‘Floreal Knitwear’ sont bien réelles : conjoncture internationale, ouverture des marchés, situation économique précaire, main-d’œuvre moins chère ailleurs, fin prochaine des quotas.
Les spécialistes jetteront, pour leur part, un regard exercé et disserteront sur le manque de vision des partenaires de la zone franche. Les économistes feront de même. Chacun, comme d’habitude, trouvera des raisons, justifiées ou pas.
Toujours est-il que les faits sont bien réels et que le secteur du textile mauricien doit depuis quelque temps compter avec. La vérité est ainsi, si cruelle soit-elle.
Cruelle surtout pour ces employés, mères et pères de famille qui, du jour au lendemain, voient s’écrouler leur monde. Cruelle, parce qu’ils ne sont pas préparés à faire face à cette dure réalité. Lui, c’est Mohit Ramkissoon. Il a 54 ans et a travaillé dans cette usine pendant 33 ans. Elle, c’est Geneviève; elle a 42 ans et compte 18 ans de service dans cette même usine. Un homme, une femme. Même vécu, même drame. Aujourd’hui, les deux sont révoltés. (Voir texte page 10).
Et ce, malgré toutes les explications rationnelles que peuvent donner les responsables de ‘Floreal Knitwear’. Car ces employés ont surtout l’impression d’avoir donné leur vie pour cette usine pour, finalement, se voir jeter aujourd’hui sur le pavé.
«Mone rente dans lizin la zen, mo pe sorti vié», témoigne Mohit. On peut comprendre son amertume, lui qui a passé 33 ans dans cette entreprise. Car, doit-il se demander, de quoi sera fait demain? Quel avenir l’attend ?
Si on peut apprécier le geste des responsables de ‘Floreal Knitwear’ qui, dans un souci d’assurer un quelconque suivi de leurs employés licenciés, accompagnent leur lettre de licenciement d’une invitation à suivre un cours de formation prévu la semaine prochaine, on peut s’interroger sur la pertinence de ce recyclage.
Même si, selon l’adage, on apprend à tout âge, on peut se demander d’où Mohit Ramkissoon puisera le courage et la volonté nécessaires, à 54 ans, pour suivre un cours de formation dans un des sujets mentionnés dans le «care project» de Floreal Knitwear à savoir l’artisanat, l’hôtellerie, la conservation et la préservation de fruits, la pâtisserie, les soins aux personnes âgées, la bijouterie, le textile - chemises, t-shirts, broderie – l’agriculture.
Voilà des hommes et des femmes dont l’univers s’est résumé, pendant de très longues années, au rythme d’un travailleur d’usine à qui l’on conseille de se recycler dans un autre domaine comme, par exemple, la pâtisserie.
Le choc brutal est compréhensible. D’autant plus qu’on pourrait se demander - comme le fait Dorine, autre licenciée (voir page 10) - si après cette formation «pu gagne travail aster.»
Cette situation, que connaîtront malheureusement d’autres employés d’usine (ceux d’Arvind Overseas sont toujours dans l’incertitude), vient démontrer à quel point la formation fait défaut à Maurice.
Ces licenciements massifs commencés depuis quelque temps devraient servir d’exemple à cette poignée de Mauriciens qui, souvent, après, avoir subi un échec au CPE, s’en vont chercher «ene ti travail» sans penser à demain. Ce sont ceux-là qui, la plupart du temps, se retrouvent après à s’échiner à l’usine... avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui.
Si au moins ces employés avaient reçu une formation ou si dans leur quotidien à l’usine ils avaient bénéficié d’une formation continue, au moins auraient-ils aujourd’hui, à l’heure où ils de se retrouvent sur le pavé, une alternative aux raisons données par ‘Floreal Knitwear’.