Enfin, les dessous du douloureux épisode qui a mené à l’excision des Chagos du territoire mauricien nous sont contés ! Par qui ? Par nul autre que le président d’honneur du Parti travailliste, sir Satcam Boolell.
Le hiérarque rouge lève le voile dans l’interview qu’il nous accorde en page 8 de cette édition. Il avance que, sans être un troc, «l’excision des Chagos était liée à notre indépendance» et, qu’à cette époque, «il n’y avait aucune indication que les Chagos étaient habités».
Sir Satcam pousse le bouchon encore plus loin en disant que tous ceux présents à Londres en 1965 - à savoir Chacha Ramgoolam, Razack Mohamed, des membres de l’Independent Forward Block et même des pontes du secteur privé - n’avaient fait montre d’aucune réticence à la demande britannique. Sauf Jules Koenig, du Parti mauricien, qui était d’un avis contraire mais qui s’est finalement plié au vœu de la majorité.
Voilà le tableau. Grotesque et honteux troc.
Voilà comment, au nom d’une indépendance sans effusion de sang, nos dirigeants ont fait dans du vulgaire négoce. Le ‘Barter system’ a prévalu sur la dignité d’hommes et de femmes sommés de vider les Chagos manu militari, parqués comme du bétail sur un navire et acheminés vers Maurice.
Diégo, Peros, Salomon. Des noms d’îles lointaines qui donnent de la nostalgie à un peuple de déracinés qui veut se battre. Les Chagossiennes, comme toujours, sont au front, à l’image de la bonne vieille Charlézia. Elles se battent, avec pour seule arme, leur audace. Leur ultime but : la reconquête d’un archipel jalousement occupé par les GI.
C’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Les exilés en ont pris la mesure, mais refusent de baisser les bras. Ils envisagent d’aller jusqu’au bout de leur quête. Quitte à y laisser la peau.
Leur héroïsme est sans fard. Mais les Chagossiens sont en même temps très remontés. Non seulement contre les Britanniques. Ils fustigent aussi les politiciens qui ont ‘vendu’ leur patrimoine par manque de vision. Ils l’ont fait savoir bruyamment, mardi dernier, devant la Haute commission britannique (voir texte en page 12).
Cette colère est d’autant plus justifiée quand on considère avec quelle légèreté nos dirigeants d’alors ont négocié une partie du territoire mauricien contre une indépendance quasi inévitable. L’indépendance était, certes, nécessaire. Mais de là à sacrifier tout un peuple à l’autel de la liberté, c’était du crétinisme à l’état brut.
La démarche de notre Premier ministre de saisir la Cour Internationale de Justice (CIJ) à titre consultatif est louable. Le leader du MMM se ratrappe. Dans un document en date du 7 juillet 1982, le gouvernement MMM/PSM - dont faisait partie Paul Raymond Bérenger - stipule que les Chagossiens abandonnent leur droit de retour dans l’archipel et qu’ils seront logés sur le sol mauricien.
Les masques tombent finalement, même après des années. L’hypocrisie de certains tartuffes de l’Opposition est aussi mise à nu sur l’épineuse question des Chagos.
Qu’importe la posture caméléon de nos politiques, les Chagossiens sont en guerre permanente. Même si Charlézia ne savourera peut-être jamais le bonheur de fouler à nouveau un jour sa terre natale, d’autres - ses arrière-petits-enfants sans doute - peuvent rêver. Pour ceux-ci, l’espoir de pouvoir fleurir les tombes de leurs aïeux n’est pas qu’un vain mot. Une guerre se gagne aussi avec la fleur au bout du fusil.