Les rédactions des journaux et des radios privées doivent-elles être des clones de la MBC ?
À écouter les élucubrations de certains parlementaires à l’Assemblée nationale la semaine écoulée, il semble qu’ils caressent le doux rêve que tous les journalistes soient à leurs bottes.
Sinon, comment expliquer les virulentes sorties de Paul Bérenger, d’Anil Gayan et d’Ivan Collendavelloo - pour ne citer que ceux-là - contre ce que le PM a qualifié de “quelques dingues de la presse et des radios privées” ?
Accepter la contradiction est le propre de tout homme responsable. Reconnaître les divers courants de pensée est une preuve de maturité. Concéder que les autres peuvent aussi avoir des idées donne de l’épaisseur à l’être. Belle leçon d’honorabilité que certains de nos élus gagneraient à retenir. Mais - et c’est là le malheur - certains s’autoproclament rédacteurs en chef.
La preuve, c’est quand Anil Gayan décide quels sujets traiter en une. Selon sa hiérarchie des nouvelles, les journalistes doivent éviter de rapporter les malheurs des touristes chez nous même si ces derniers se font violer, voler ou escroquer. Il faut plutôt aider à combattre le fléau des chiens errants qui gâche l’image touristique de notre île.
Un autre donneur de leçons est Ivan Collendavelloo. Selon qu’il porte la robe de l’avocat ou le costard du parlementaire émérite, il estime que la presse aime trop faire son chou gras des affidavits jurés en fin de semaine, avec photos des protagonistes à l’appui. “Il faut avoir du fiel pour supporter une telle situation ”, a-t-il dit à l’Assemblée nationale lundi dernier. Il souhaite même que l’autorité régulatrice en prenne note. Soit.
La presse ne rapporte que les faits. Qu’ils soient divers ou politiques. Elle ne les invente pas, encore moins ne les provoque-t-elle. Pourquoi tant d’aigreur envers notre profession? Pourquoi tant de haine et de ressentiment ? Pourquoi ce rapport conflictuel, devenu permanent, entre les grosses pointures de l’Hôtel du gouvernement et ces “dingues” de la presse ?
Il est bon de rappeler à ces honorables, de la majorité comme de l’Opposition, l’essentiel de notre métier qui est l’honnêteté. On ne peut être bons quand on couvre des fonctions officielles - souvent banales - et mercenaires quand on émet des critiques. Certains, intolérants et insolents, utilisent des artifices comme le ‘gagging order’ pour nous museler... en fin de semaine. Mais ils butent sur notre indépendance d’esprit qui nous évite la complaisance. Cette posture les dérange. Et c’est tant mieux.
Petite leçon de journalisme de ceux qualifiés de “dingues” aux rédacteurs en chef autoproclamés : si un chien mord le pape, it’s no news, dit l’Anglais. Mais si le pape mord un chien, cela fait automatiquement la une.