Alors là, il doit être fort ce Navin Beekarry ! Quel homme solide ! Faut être robuste pour se permettre d’afficher une telle indifférence, faut être habile pour être capable de choisir ce silence sonore à chaque fois que pleuvent les critiques sur l’ICAC, l’institution qu’il dirige.
À croire que le directeur de la commission anti-corruption vit dans une bulle opaque. À moins qu’il soit devenu complètement sourd et qu’il n’en ait pipé mot à personne. Cet homme est si adroit qu’il pourrait nous avoir joué ce tour.
Et si c’est le cas, c’est le Premier ministre qui est dans une position bien inconfortable. Car encore une fois, une énième fois, le PM a eu des mots musclés à
l’égard de cette commission anti-corruption.
À l’Assemblée Nationale mercredi et vendredi derniers, le chef du gouvernement nous l’a joué menace et colère. L’ICAC continue de ‘faner’, juge Paul Bérenger ponctuant son intervention de sa formule préférée et passe-partout sur l’ICAC : ‘Enough is enough.’ Sauf que cette fois, Paul Bérenger veut bien faire comprendre que son exaspération a touché le fond. “Je suis d’avis qu’il est temps d’apporter des amendements à la Prevention of Corruption Act’,” dit-il comme pour bien préciser à qui de droit que ses mains ne sont pas complètement liées.
Sur ce dossier, Paul Bérenger peut se permettre d’être en colère. Même très en colère, d’autant plus qu’il a pour l’une des rares fois, le soutien de l’Opposition. Car si l’Opposition et le gouvernement sont d’accord sur au moins un sujet, c’est bien la gestion de l’ICAC.
Vendredi dernier, alors que le Premier ministre révélait le budget accordé à l’ICAC ainsi que le montant du salaire mensuel de son directeur à l’Assemblée Nationale, les membres de l’Opposition n’ont pas lésiné sur les critiques. L’un d’eux, Siddick Chady, est même allé jusqu’à demander une réduction d’une roupie
symbolique sur le salaire de Navin Beekarry.
Mais l’ICAC, comme tout le monde le sait, n’a jamais fait l’unanimité et provoque deux ans après sa création des remous. La question, elle, reste toujours la même. Pourquoi une décision n’est-elle toujours pas prise à son sujet ? Devrait-on finir par croire que c’est parce que Navin Beekarry a le soutien du président de la République ?
Si c’est le cas, les Mauriciens ont au moins le droit de savoir. Car cette institution perd de sa crédibilité de jour en jour. Et les raisons sont multiples. Nous n’allons pas ressasser ses méthodes controversées, ses arrestations de nuit, ses guerres intestines, les allégations faites contre son directeur, les licenciements jugés injustifiés,
la polémique autour de sa commission parlementaire. Le public a déjà son idée sur cette institution.
Ce qu’on veut savoir, c’est si cette commission
anti-corruption pourra continuer son travail qui est
de combattre avant tout la corruption. Car tous ces problèmes entourant l’ICAC ne font que fragiliser cette institution. C’est le Premier ministre lui-même qui a révélé à l’Assemblée Nationale le salaire mensuel de Navin Beekarry : Rs 275,000. À ce prix-là, Navin Beekarry devrait avoir des comptes à rendre.
Pourra-t-on s’attendre à une réaction de lui ?
Le directeur de l’ICAC sortira-t-il de sa léthargie ou alors balancera-t-il un de ces communiqués auxquels il nous a habitués dans le passé et qui n’ont pour but que
de contribuer au flou qui perdure depuis trop longtemps ? Seul Navin Beekarry détient ses cartes pour les jours à venir. Mais faut le reconnaître,
son indifférence témoigne de sa force....