C’est une photo insupportable ! Elle choque, répugne et bouleverse. L’image montre le visage brutalisé d’une jeune femme de 30 ans. Elle s’appelle Sandya et, au moment où a été prise cette photo, en septembre 2003, elle venait, une fois de plus, de subir les coups infligés par son époux.
D’autres coups, elle en a encore reçu mardi dernier alors qu’elle se rendait à son lieu de travail. Cette fois, Sandya n’a pas eu le temps de réagir. Elle se trouve actuellement plongée dans le coma.
Il y a ceux qui, ce matin, s’arrêteront devant cette bouleversante photo de Sandya publiée en page 15 de notre édition. Quelques lectrices vont certainement s’émouvoir. Les autres détourneront bien vite leur regard comme pour ne pas gâcher leur journée dominicale par la vue de l’horreur. D’autres encore pourront dire qu’il ne s’agit que d’un banal fait divers de plus. Peut-on leur en vouloir ? N’a-t-on pas l’impression qu’il y a comme une banalisation de la violence faite aux femmes au point où plus personne ne s’indigne ? Qui s’est soucié du sort de Sandhya (dont l’histoire a été l’objet de quelques articles de presse et de sujets sur les ondes des radios), en dehors de sa famille, depuis mardi dernier ?
Mais ce dimanche matin, à la vue de ce visage tuméfié, il y a aussi celles qui se reconnaîtront. Combien sont ces femmes qui, à l’image de Sandhya, subissent les coups, certaines de leurs maris, d’autres de leurs concubins ou de leurs petits amis? Comment calculer le nombre de ces femmes agressées, humiliées, violentées, dénigrées, alors que, trop souvent, elles préfèrent souffrir seules et ne veulent pas briser la loi du silence? Combien sont-elles qui estiment que la violence conjugale relève de leur vie privée ? Combien sont ces Mauriciennes, victimes de la folie des hommes - qui, machistes ou pas, se montrent laids de barbarie - à qui on fait croire que les coups, elles les ont bien cherchés ou, tout au moins, les ont provoqués.
Pourquoi, alors que la loi contre la violence domestique a été votée dès 1997, certaines hésitent toujours à dénoncer les violences subies ? Comment se fait-il que la déposition d’une autre victime de violence domestique (Voir hors-texte ‘Deux ans de prison au mari violent page 15) est introuvable à la police? Devrait-on conclure que même les autorités affichent de l’indifférence devant ces drames ? S’il est vrai qu’on ne peut tirer des conclusions hâtives, ces questions méritent que l’on s’y attarde.
L’on ose espérer que la ministre de la Femme, si prompte à s’en aller discourir aux futurs jeunes couples - comme on l’a vu récemment lors d’un séminaire - s’intéresse à ces interrogations. Peut-on s’attendre aussi à ce que Leela Devi Dookun, présidente de l’aile féminine du MSM - enthousiaste quand il s’agit d’organiser une marche pour veiller scrupuleusement à la bonne santé des femmes, paraît-il, et capable de se révolter quand la marche ne fait l’objet que d’une brève à la télévision - fasse montre du même intérêt face à ce qu’a subi Sandhya. Souhaitons également que Violet Moothia, la nouvelle présidente de l’aile féminine du PMXD, qui n’a pas hésité à téléphoner à Radio One dimanche dernier (dans l’émission d’Elvis Quenette) pour souhaiter une bonne fête des mères aux mamans mauriciennes, soit tout aussi sensible aux coups reçus par Sandhya, une femme-martyre de plus.
Pour qu’il n’y ait pas d’autres Sandhya sur d’autres photos insupportables, il faut refuser le silence complice...