La parade du Premier ministre est trop facile! Dans sa conférence de presse de lundi dernier, Paul Bérenger condamne d’abord les propos d’Ivan Collendavelloo - on notera qu’il ne nie pas que le terme ‘zako’ a été utilisé, mais déclare avec aplomb aux journalistes qu’Ivan Collendavelloo se trouvait dans les locaux de l’ADSU comme avocat et non comme secrétaire du MMM.
Une défense dont se sert le Premier ministre pour commenter l’accrochage entre l’inspecteur Hector Tuyau et Ivan Collendavelloo qui, lui, dément l’allégation de l’inspecteur de police.
En clair, pour le PM, si Ivan Collendavelloo a vraiment insulté l’inspecteur Tuyau (comme ce dernier l’insinue - il parle même de propos racistes dans une entrée au poste de police, propos relayés par la fédération de la police), ce serait donc l’avocat qui aurait tenu de tels propos et non le politicien. À en croire Paul Bérenger, cela fait une sacrée différence. Serait-ce donc - s’il s’avère que Collendavelloo a effectivement tenu ces propos - que le terme “zako” est plus toléré dans la bouche de l’avocat que dans celle du politicien ? Allez savoir !
Suivant cette logique, on devrait comprendre qu’il y a des matins où Ivan Collendavelloo s’en va débuter sa journée en se drapant de sa robe d’avocat, (parfois le samedi matin) alors qu’en d’autres occasions (souvent le samedi après-midi quand il assiste au comité Central), il retrouve son costume de parlementaire doublé de son poste de secrétaire-général du MMM. Y a de quoi s’y perdre ! La situation est ambiguë. L’image est trop floue.
Car, comment faire pour distinguer l’avocat Collendavelloo du parlementaire Ivan? Sur une plateforme politique en vue du rassemblement du 1er Mai, Ivan Collendavelloo a surpris les Mauriciens en déclarant “Pas fer dominere are piti là,” faisant référence à Dev Hurnam, avocat- parlementaire incarcéré dans l’affaire Deelchand. On voudrait savoir si Ivan Collendavelloo parlait ce moment-là en tant qu’avocat, ou si cette remarque provenait d’un honorable membre de l’Assemblée Nationale ?
D’un côté, le Premier ministre crie sur tous les toits qu’il n’y aura pas de cover-up et que les coupables seront punis dans l’affaire Deelchand. De l’autre côté, son secrétaire général devient l’avocat de Sandeep Appadoo, arrêté dans cette même affaire. On a assisté au même scénario dans l’affaire MCB-NPF. Ivan Collendavelloo est le père juridique de la loi (Prevention of Corruption Act) qui régit l’ICAC et c’est lui qui assure la défense de certains mis en cause dans cette affaire. Comment ne pas être surpris devant une telle contradiction ?
N’est-ce pas là l’illustration d’une incompatibilité entre un Mauricien exerçant une fonction publique et une autre privée? Et que dire de l’éthique?
Pratiquer deux métiers à plein temps est illégal dans certains cas à Maurice et impossible dans d’autres. S’il est vrai que la fonction de parlementaire n’est pas reconnue comme un métier et que le code d’éthique des avocats permet aux hommes en robe de se retrouver à l’Assemblée Nationale, il est peut-être temps de s’interroger sur ceux pratiquant le double-emploi. Les ministres, dès qu’ils prêtent serment, sont astreints à leur unique fonction ministérielle. On se demande pourquoi les députés devraient être soumis à un autre régime.
Certes, paraît-il, le salaire d’un député ne fait même pas le quart de celui de quelques brillants avocats. Et alors ? Ces messieurs et dames qui s’engagent en politique ne sont-ils pas au courant des salaires dès le départ ? Il appartient à ceux qui ambitionnent de devenir politiciens de faire le bon choix. Et si certains ne sont pas contents, qu’ils aillent s’épanouir dans leurs professions et qu’ils laissent la place aux autres.
Au moins, quand la situation est claire, quand les frontières sont délimitées, quand chacun reste à sa place, le public sait à quoi s’en tenir. Et il sera plus facile de faire la différence entre la fonction publique et la fonction privée. Ivan Collendavelloo n’aura pas besoin, à ce moment-là, de demander un ‘gagging order’ des fois que la presse mélange les affaires publiques et les affaires privées. Le PM lui, n’aura pas besoin d’aller chercher des parades inutiles.