Le déficit budgétaire ainsi que l’endettement croissant de l’État ne pourront être réduits de manière durable ni par une diminution des dépenses ni par la hausse des impôts, qu’ils soient la TVA ou les impôts sur les salaires et les profits. Il ne peut être comblé que par la création d’emplois.
Admettons un instant que c’est un fait que 50 000 Mauriciens sont à la recherche d’un emploi. Supposons aussi que d’ici 2 années ou 3, on arrive, par des mesures musclées, à créer les conditions nécessaires - tant du côté des chômeurs que celui des entreprises - au recrutement de ces 50 000 chômeurs dans les usines et dans le secteur de la haute technologie. Que se passera-t-il ? Grâce à la hausse de la consommation rendue possible par la croissance de l’emploi, l’État encaissera davantage de revenus provenant de la TVA et de la douane. Et, dans la foulée, il encaissera plus de revenus de la taxe indirecte sur la croissance des importations alors que la hausse de la masse salariale du pays procurera au commissaire de l’impôt des revenus additionnels provenant de la taxe directe, sans compter les effets induits sur le reste de l’économie par les services tels que le transport et les finances. C’est ce que les techniciens décrivent comme étant l’effet de levier. L’injection salariale que représente la création de 50 000 emplois peut très bien se situer à plus de Rs 5 milliards par an.
Cependant, le raisonnement relève sans doute du domaine du rêve pour tout politique gestionnaire de l’économie du pays.
Au fait, il y a eu plutôt l’effet contraire au cours de ces dernières années. Le ralentissement de la croissance économique a freiné, à son tour, la croissance de la consommation. Du coup, les prévisions budgétaires par rapport aux recettes de la TVA n’ont pas été confirmées. Ainsi, c’est surtout le manque à gagner dans les caisses de l’État au fil des années qui a été la principale cause de la détérioration du déficit budgétaire. Par ailleurs, la fermeture des usines dans la Zone Franche ainsi que la montée du chômage depuis ces quelque 7 ou 8 dernières années sont venues exacerber une situation budgétaire déjà précaire. Il faudra que les techniciens du ministère des Finances fassent preuve d’un véritable esprit de créativité pour renverser la vapeur, surtout quand on sait que la campagne électorale a déjà démarré et que la propension à politiser davantage le budget peut s’avérer irrésistible. Dans un pays démocratique avec des dirigeants responsables, on a, cependant, toujours laissé la politique aux politiciens.
C’est un fait que le chômage a toujours été la bête noire de tous les gouvernements du monde. Cependant, tous ceux qui ont pu le mater ont toujours gratifié le pays d’un surplus budgétaire au point d’en faire cadeau aux contribuables. Aux États-Unis, la situation du presque plein-emploi résultant de la gestion économique du président Bill Clinton a laissé de larges surplus dans le budget de l’État. Son successeur, Georges W. Bush, en a profité l’année dernière pour distribuer gratuitement des chèques aux millions de contribuables américains en guise de remboursement d’une partie des impôts payés, même si, selon les résultats des derniers sondages, cela est loin de lui garantir sa réélection.
Quoi qu’il en soit, la création d’emplois devra sans doute être la principale préoccupation de notre nouveau ministre des Finances. Le budget contiendra-t-il suffisamment de mesures pour stimuler l’économie ? On n’en est pas certain, puisque les entreprises bénéficient déjà de suffisamment d’incitations à l’investissement, mesures déjà prises dans les précédents budgets. Par contre, le coût de l’emprunt, en baisse constante depuis ces quelques mois, demeure, cependant, encore élevé comparativement à d’autres pays. Mais l’inflation en baisse, la marge de manoeuvre vers d’autres réductions demeure relativement large. Pourquoi alors la création des 50 000 emplois demeure-t-elle si difficile à réaliser ?
Il faudra un jour que les chercheurs de l’Université nous disent la vérité. À savoir que nos chômeurs sont difficilement recrutables. En effet, dans beaucoup de cas, ceux-ci ne savent ni taper sur un clavier, ni maîtriser comme il le faut la langue anglaise ou française, conditions essentielles au démarrage même de notre cybercité. C’est surtout du côté de l’offre du travail que le prochain budget du nouveau ministre des Finances devra être orienté.
* Le cinquième d’une série de 8 articles dans le cadre du discours du budget du 11 juin.