Supposons une seule seconde que Chetty n’avait pas été arrêté ! Supposons qu’Antoine Chetty n’avait rien révélé aux enquêteurs, qu’à l’heure actuelle, il n’avait pas été incarcéré, qui se serait inquiété du sort de Philippe Calou, vieil homme marqué à vie par ces blessures que lui a infligées Antoine Chetty un matin de janvier 2000 ?
S’il est vrai que tout ce qu’avance Antoine Chetty jusqu’à présent ne constitue que des allégations, s’il est vrai aussi que ceux qu’il dénonce sont présumés innocents jusqu’au moment de leur jugement en Cour suprême, s’il est un fait que ces révélations choquent et inquiètent, toujours est-il que dans au moins un cas (l’agression de Philippe Calou), la police a toutes les raisons de croire qu’elle détient là les aveux d’un agresseur repenti.
Mais il aura fallu que ce soit Antoine Chetty lui-même qui vienne avouer son délit pour que la police s’intéresse - quatre ans plus tard - à l’agression de ce vieil homme. Et pourtant, dès le 17 janvier 2000, jour de son agression, Philippe Calou connaissait l’identité de ses agresseurs. Aux policiers qui l’interrogent ce jour-là, il cite deux noms, raconte comment il a pu connaître l’identité de ses agresseurs (Voir texte de Nadine Bernard en page 4). Mais les deux personnes semble-t-il, n’avaient pas de raisons d’être inquiètes. Philippe Calou, lui, a peur. Aidé de ses enfants, il s’enquiert régulièrement du déroulement de l’enquête. Il veut savoir et veut croire en la justice. Les réponses à la police restent les mêmes. On lui répond qu’on ne connaît pas l’adresse de ses agresseurs. Mais il est tenace ce Calou. Il n’abandonne pas, et c’est lui qui révèle au moins une des adresses aux enquêteurs. À croire que c’est lui qui se charge de l’enquête. Malgré cet élément, l’enquête piétine et sans les aveux de Chetty, l’agression de Calou n’allait jamais connaître de suite.
À partir de là, les questions se bousculent. Et les Mauriciens s’attendent à des réponses. D’autant plus, qu’à écouter le Premier ministre Paul Bérenger et le commissaire de police Ramanoj Gopalsing, il n’y aurait pas de ‘cover-up’ dans l’Affaire Deelchand. Alors le commissaire de police aurait intérêt à dire pourquoi dans au moins une enquête - l’agression de Philippe Calou - il n’y a pas eu de suites. À l’heure qu’il est, le commissaire de police doit sûrement avoir en sa possession le dossier Calou. Il doit donc connaître les policiers qui ont travaillé sur cette agression. Il sait mieux que quiconque pourquoi l’enquête n’a pas connu de suites. Le public veut savoir pourquoi ce vieil homme, agressé avec une telle violence, portant aujourd’hui encore des séquelles au corps, a dû faire face à une injustice pendant quatre longues années. Le public a le droit de savoir, d’autant plus qu’à écouter les aveux de Chetty à la police (page 4), Calou allait être battu à mort ce jour-là. Il était venu pour tuer, révèle-t-il à la police. Chetty savait-il donc que mort d’homme ou pas, il n’avait aucune raison de s’inquiéter ?
Si tel est le cas, l’heure est donc grave. Si ce scénario est plausible, alors on pourrait comprendre pourquoi plusieurs crimes restent impunis à Maurice, pourquoi certains coupables, malgré les preuves, vaquent tranquillement à leurs occupations. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. De l’affaire Vanessa Lagesse à la disparition d’Ackmez en passant par les disparus de Pomponette, voilà des enquêtes où les zones d’ombre ont entaché les dossiers. Si le cas Calou n’est qu’un exemple parmi d’autres enquêtes sur lesquelles il serait permis de s’interroger, il appartient à Gopalsing de dépoussiérer ses fichiers, d’activer ses contacts, de réveiller des enquêteurs - qui nous l’espérons seront au-dessus de tout soupçon - et de recommencer de nouvelles enquêtes. Parce qu’il n’est jamais trop tard, parce qu’il faut bien commencer quelque part et parce que des familles attendent toujours que l’injustice commise sur un des leurs soit réparée.
Tout compte fait, heureusement que Chetty a été arrêté !