Si la mémoire nous est fidèle, cela doit faire 15 ans que le budget de l’État accuse constamment un déficit sans que l’on puisse espérer un surplus, même dans un intervalle de 5 ou 6 ans. On se souvient du dernier surplus. C’était vers la fin des années 80, une année ou deux avant l’application des recommandations du “Pay Research Bureau” (PRB).
La hausse des salaires de nos fonctionnaires a projeté le budget d’alors dans le déficit. On n’en est jamais sorti. Preuve, s’il en faut encore, que toute hausse de salaire sans commune mesure avec la hausse de la production nous conduit tout droit vers des déséquilibres fondamentaux de notre économie. Que peut-on alors espérer de l’État ? Emprunter davantage, au nom de toute la population et de nos enfants !
La dette publique, déjà conséquente, a franchi la barre des Rs 100 milliards, soit bientôt un endettement de Rs 100,000 par tête d’habitant. Nous ne parlons pas des dettes encourues par les particuliers, les ménages et les entreprises ainsi que des intérêts qu’ils doivent payer, parfois à des taux frisant l’exploitation. Ça, c’est une tout autre histoire.
Certes, nous ne sommes pas les habitants les plus endettés du monde. La France, dont la population métropolitaine s’élève à 60 millions, a une dette publique de 1000 milliards d’euros, soit pour chaque Français, un endettement 6 fois supérieur à celui du Mauricien moyen. Mais le Français moyen tire sans doute beaucoup plus d’avantages des dépenses de l’État que son collègue mauricien. Nombre de besoins sociaux sont fournis gratuitement. Les services de la santé et la sécurité sociale sont, d’évidence, parmi les meilleurs au monde; la scolarité, sans doute de qualité, est dispensée sans aucune discrimination apparente à tous ceux capables d’aller jusqu’aux grandes écoles. Quant à l’aide sociale aux chômeurs et à la famille, encore une fois, la France doit se trouver parmi les pays les plus généreux au monde. Notre pays, malgré ses déficits budgétaires, a un aspect de pays sous-développé à bien des égards.
Mais le prix à payer est de plus en plus onéreux. Depuis plus de 30 ans, le budget de l’État français est déficitaire, même en faisant payer les contribuables - à la fois les individus et les entreprises - à des taux à décourager l’esprit d’entreprise et à provoquer la fuite des cerveaux. Tout cela, au détriment de l’avenir des Français.
Pourtant, l’État français a encore beaucoup de chance. Grâce à sa riche histoire et à la particularité du pays, la France est le pays le plus visité au monde, accueillant 75 millions de touristes chaque année. La mode et le textile, le champagne et le vin, le parfum : ce sont tous des produits haut de gamme et sont encore largement profitables aux entreprises qui les produisent, procurant tous - de même que par les effets induits sur le reste de l’économie - à l’État encore d’énormes rentrées de recettes budgétaires. Cependant, tout comme son homologue mauricien, Nicolas Sarkozy, le ministre des Finances du nouveau gouvernement français, aura du mal à ramener le déficit budgétaire à des justes proportions, à savoir l’équivalent de 3% du produit national brut (PNB) imposé par les critères de Maastricht au moment de la formation de la Communauté Économique Européenne.
Quant à l’endettement de notre pays, les deux ministres des Finances, après les élections de l’an 2000, partagent aussi, comme par hasard, le même souci : comment peut-on stopper l’hémorragie causée par la dette grandissante de l’État ? Pour Pravind Jugnauth, cela doit même être une préoccupation majeure, même si les baisses successives du taux d’intérêt réduiront quelque peu les charges financières de son premier budget.
En effet, l’endettement grandissant de l’État mauricien a déjà franchi le seuil considéré par les technocrates comme étant celui de la crise des finances publiques, soit l’équivalent de 60% du PNB. En juin 2003, selon les statistiques officielles, les dettes publiques, y compris celles encourues par les corps paraétatiques, s’élevaient déjà à plus de Rs 100 milliards, soit l’équivalent de 68% du PNB de l’année, ce qui nous place, dans les faits, dans la zone de crise.
Hier, les syndicats et le ministre discutaient encore du partage du prétendu “gâteau national”. Quand débattrons-nous des vrais enjeux du moment ?
* Le troisième d’une série de 8 articles dans le cadre du discours du budget du 11 juin.