Aux États-Unis, l’économie la plus puissante du monde, celle qui dicte le pas auquel les autres peuvent progresser, le budget de la nation n’est pas l’outil le plus efficace de George Bush pour gérer l’économie.
C’est plutôt le taux d’intérêt, à savoir la politique monétaire. Mais celle-ci est entre les mains de la Federal Reserve Bank avec, à sa tête depuis maintenant 15 ans le tout-puissant Alan Greenspan dont le moindre fait et geste, la moindre pensée, suffit à faire trembler ou à faire courir tous les patrons des entreprises américaines. Au cours de ces quelque 30 derniers mois, Alan Greenspan a fait baisser le taux d’intérêt du dollar à 13 reprises pour le situer aujourd’hui à 1%, un niveau jamais atteint depuis 40 ans. Mais le patron de la FED a estimé que c’était essentiel pour fouetter l’investissement. Il a eu raison. L’économie américaine s’est littéralement envolée pour enregistrer un taux de croissance de 8% au cours du dernier trimestre de 2003, alors qu’elle était entrée dans une phase de récession à peine un an plus tôt.
La puissance de l’outil qu’est le taux d’intérêt aux États-Unis relève de la structure même de l’économie américaine fondée essentiellement sur l’initiative des entreprises privées dont la décision d’investissement repose dans une large mesure sur le coût de l’argent à emprunter. À 1,5% ou 2%, l’emprunt n’a jamais été aussi bon marché pour les entreprises et pour les ménages à la recherche d’une maison à acheter ou à construire. Entre-temps, l’économie n’a jamais été aussi active depuis le début du siècle, grâce à cela.
Et alors pourquoi n’en fait-on pas autant dans les pays anglo-saxons, en Europe ou à Maurice ? Même si la variation du taux d’intérêt reste une politique efficace pour motiver l’investissement, un taux d’intérêt trop faible peut provoquer une fuite de capitaux vers l’étranger. Imaginez un taux d’intérêt de 1% pour la livre britannique ou l’euro. La fuite vers l’épargne en dollars est certaine (à taux d’intérêt égal) tant la préférence du monde pour le dollar nous paraît évidente. Mais cela n’explique pas tout. Les économies européennes dont le modèle a été plus ou moins exporté vers les anciennes colonies sont des économies où l’État est lui-même un important acteur économique, étant à la fois gros investisseur dans les travaux publics et consommateur gargantuesque des ressources économiques du pays. En France et à Maurice, par exemple, l’État semble avoir le don d’ubiquité. Il est présent dans tous les secteurs : la santé, l’éducation, même dans la fourniture des biens et des services de la technologie des télécommunications, dans l’aviation et les services financiers à côté des plus grosses entreprises privées du pays. L’État, peut-il mieux les fournir que les entreprises privées ?
Quoi qu’il en soit, l’intervention grandissante de l’État dans l’économie - un phénomène relativement nouveau qui date de l’après-guerre - a donné, petit à petit, toute son importance au budget. En Grande-Bretagne, temple de la “Welfare Society”, que, cependant, tous les gouvernements mêmes travaillistes, essaient d’affaiblir au nom de l’efficacité économique, le discours du Budget est un événement exceptionnel. Même la “City” s’arrête pour écouter le discours du chancelier de l’Échiquier. Cette année, le 17 mars dernier, il fut prononcé par Gordon Brown. Ce dernier, pourtant un travailliste, a été résolument économique dès le début de son discours, comme pour faire savoir, haut et fort, que le budget est un puissant outil et que tous les Britanniques doivent travailler de manière encore plus performante afin de créer encore plus de richesses matérielles.
“Il faut que l’économie ne puisse plus être cyclique, comme elle l’était dans le passé, avec des périodes de progrès suivies par les crises et les récessions. Aujourd’hui, cependant, nous venons d’avoir (grâce aux efforts du gouvernement travailliste) la phase la plus longue du progrès économique. Chaque jour, 600 nouvelles entreprises voient le jour, 25 000 jeunes trouvent du travail alors que 10 000 offres d’emploi sont publiées. Soit trois fois plus que dans les trois dernières décennies”, dit-il avec fierté, ... “grâce à la politique du gouvernement”.
On ne peut être plus lucide. Un budget est fait pour stimuler la création de la richesse et créer des emplois. Pour que cela arrive, il faut exhorter les Mauriciens à plus de rigueur et de résultats au travail. Le reste n’est que de moindre importance surtout lorsqu’il devient trop politique.
*Le premier d’une série de 8 articles dans le cadre du discours du budget du 11 juin.