Le syndicaliste Jack Bizlall accuse Navin Beekarry d’être mêlé à une affaire de blanchiment d’argent et d’avoir bénéficié d’une gratification
Le syndicaliste a consigné une déposition à la Central CID vendredi dernier contre Navin Beekarry. Selon Jack Bizlall, le commissaire de l’ICAC serait mêlé à une affaire de blanchiment d’argent autour de la vente de son ancienne voiture et aurait bénéficié d’une gratification à l’achat de sa nouvelle Mercedes.
Jack Bizlall a été convoqué pour faire sa déposition après qu’il eut envoyé une lettre au Commissaire de Police dans laquelle il relate ce qu’il estime être de sombres affaires. Un des volets de la déposition concerne le vente de la voiture personnelle du chef de la commission anti-corruption, une Mercedes Benz C200. Pour lui, “il est clair que derrière cette transaction, il y a une affaire de blanchiment d’argent”. Au dire du syndicaliste, la voiture a été vendue à travers le concessionnaire Iframac en septembre 2003 à une certaine N. V., une dame de 67 ans résidant à l’étranger. Toutefois, dit-il, cette dame serait un prête nom et le vrai propriétaire de la voiture serait Poiniven Somoo, un pilote d’Air Mauritius. Jack Bizlall avance également que le coût estimé de la voiture au moment de la vente serait de Rs 1,1 m, mais qu’elle aurait été vendue à Rs 1,6 m. “Les Rs1,1 m ainsi que les Rs 500 000 additionnelles ont été payées par Poiniven Somoo à M. et Mme N. Beekarry à travers au moins cinq paiements desquels seulement un a été fait à travers un chèque émanant du compte personnel de Poiniven Somoo. Les autres paiement ont été faits à travers des ‘office cheques’ de moins de Rs 350 000 chacun issus de trois différentes banques et de trois différents comptes. Poiniven Somoo a utilisé ce subterfuge pour échapper au contrôle de l’Income Tax et pour blanchir son argent”, fait ressortir Jack Bizlall. Il ajoute que le pilote a été soumis récemment à une enquête de l’Income Tax.
Selon le syndicaliste, plusieurs des faits mentionnés plus haut ont été confirmés par Poiniven Somoo lors d’une rencontre avec lui mardi dernier. Toutefois, selon l’avoué Pazhany Rengasamy qui représente les intérêts du pilote, absent du pays actuellement, ce dernier nie toutes les allégations faites contre lui par Jack Bizlall: “Si mon client voulait blanchir de l’argent, il n’aurait pas payé par ‘office cheques’ mais en liquide. De plus, j’ai des documents qui prouvent que la Mercedes appartient bien à Mme N.V., la tante de mon client. Il est vrai que ce dernier a payé une partie de l’achat de la voiture car sa tante n’avait pas assez d’argent et il s’en sert en son absence”.
L’autre volet de la déposition concerne l’achat de la nouvelle voiture de Navin Beekarry, une Mercedes E200 , d’Iframac à la fin de 2003. Jack Bizlall affirme que le chef de l’ICAC a obtenu une gratification du concessionnaire: “Selon mes informations, l’ICAC a acheté cinq véhicules d’Iframac, dont deux Mercedes E220, trois Peugeot et un fourgon pour plus de Rs 10 m en 2003. Quelque temps après, Navin Beekarry a acheté une E200 pour son usage personnel pour Rs 1 600 000 alors que la valeur de la voiture est estimée à Rs 1 663 000, Le commissaire de l’ICAC a donc obtenu un ‘discount’, ce qui est considéré comme une gratification donc, un délit pour le poste qu’il occupe”. Selon la ‘Prevention of Corruption Act’ (PoCA), une gratification est définie comme “un cadeau, une récompense, un discount ou tout autre avantage qui ne s’apparente pas à une rémunération légale”. La section 7 de la PoCA est claire: “‘Any public official who makes use of his office or position for a gratification for himself or another person shall commit an offense’”. Navin Beekarry étant à l’étranger, nous n’avons pu avoir sa version des faits. À l’ICAC, on avance qu’il rentre au pays aujourd’hui. Du côté d’Iframac, Gérard de Chasteauneuf, le directeur, nous a fait la déclaration suivante: “Tout le monde est libre de s’exprimer mais je peux vous assurer qu’à Iframac, les transactions se font sous ISO 9001 et que les procédures sont rigoureusement suivies”.
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Lettres au président, au PM et au leader de l’Opposition
Le syndicaliste a écrit au président de la République, au Premier ministre et au leader de l’Opposition durant la semaine écoulée pour leur demander d’instituer une enquête sur l’ICAC et sur Navin Beekarry. Il a aussi demandé que ce dernier soit suspendu de son poste de commissaire de l’ICAC en attendant les conclusions de l’enquête. Dans sa lettre, Jack Bizlall dresse une liste de ce qu’il appelle des irrégularités concernant Navin Beekarry, l’ICAC et le comité parlementaire. Jack Bizlall a, par ailleurs, eu une rencontre “positive” avec Navin Ramgoolam vendredi au cours de laquelle il lui a parlé “des irrégularités” autour de la commission anti-corruption. Sa prochaine démarche sera d’écrire à l’adjoint au commissaire, Moussa Taujoo.
Madan Dulloo: “L’Appointments Committee doit intervenir”
Selon le parlementaire, les allégations faites par Jack Bizlall contre Navin Beekarry sont très graves. “Le président de la République doit convoquer une réunion de l’‘Appointments Committee’ pour se pencher sur ces allégations. Selon la section 23 de la PoCA, s’il y a des raisons de penser que le contrat du commissaire doit être révoqué et l’affaire doit être référée à l’’Attorney General’ qui avisera l’‘Appointments Committee’ des éventuelles mesures disciplinaires à prendre. Si l’‘Attorney General’ voit qu’il y a matière à poursuite contre Navin Beekarry, celui-ci doit être suspendu tout de suite. Le président nommera alors un juge pour l’entendre et déterminer s’il y a faute ou pas”, soutient Madan Dulloo. Selon lui, des enquêtes doivent aussi être ouvertes du côté de la police et de la ‘Financial Intelligence Unit’ (FIU): “Mais le problème, c’est qu’une fois son enquête terminée, la FIU la réfère à l’ICAC. C’est pour cela que l’‘Appointments Committee’ doit être bien avisé de la marche à suivre”.