Nandan Nilekani, patron d’Infosys, a déclaré au ‘Financial Times’ cette semaine que chaque pays à la poursuite de son développement économique doit d’abord avoir une belle histoire à raconter aux investisseurs qu’il voudrait attirer sur son sol.
L’Inde, qui sera sans doute un pays nouvellement industrialisé d’ici 20 ou 30 ans, a justement une belle histoire à raconter aux entreprises américaines et aux compagnies anglaises qu’elle a attirées sans grande peine afin qu’elles investissent à Bangalore et à Chennai. Cette histoire est celle d’un pays à la main-d’oeuvre productive, abondante et à bon marché et dont la maîtrise de la langue anglaise et de la technologie nouvelle a été déterminante dans le choix des Intel et des IBM à délocaliser leurs entreprises et à s’installer dans un pays qui, il y a encore 15 ans, était parmi les plus pauvres au monde.
Leur pays ayant pratiqué une économie fermée et repliée sur lui-même il y a 20 ans, les politiques de la Grande Péninsule ont pris l’exemple sur les pays de l’Asie du Sud-Est pour oeuvrer sérieusement et durablement pour l’avenir de leur pays et celui de leurs enfants. Ils ont donc libéralisé leur économie afin de laisser entrer sans obstacles les investissements étrangers. Mais pour que cela se réalise, ils ont ouvert des écoles de formation en haute technologie, tout en encourageant la population active à améliorer sa maîtrise de l’anglais. Il n’est, donc, guère surprenant que les Indiens aient été bien les premiers à prendre avantage de la propagation du web et de tout ce qui tourne autour de la technologie de l’Internet, pour s’arracher, en quelques années seulement, la plus grosse part du marché du software et des call-centres. Aujourd’hui même, les Vodafone et les British Telecoms font la queue derrière les Américains pour “outsourcer” à leur tour leurs opérations administratives. L’enjeu est de taille : pour réduire les coûts d’exploitation et pour rester compétitif, il faut aller en Inde. Quel changement de fortune pour l’Inde ! Wipro et Infosys, les deux entreprises hi-tech parmi les plus populaires en Inde, ont, à elles deux, créé 6000 emplois en 3 mois vers la fin de l’année dernière.
A-t-on, nous, une bonne histoire à raconter aux étrangers pour les encourager à investir chez nous ? On n’en est pas certain.
Alors que les Indiens, hommes politiques et patrons d’entreprises, ont depuis longtemps compris que la formation et la politique de l’encouragement à mieux maîtriser la langue anglaise sont essentielles à l’ouverture du pays au reste du monde, nous, à Maurice, que faisons-nous pour que nos ouvriers et nos jeunes puissent mieux s’adapter aux nouvelles exigences du développement de notre économie ? Nous reculons. Nous voulons que les points obtenus en langues orientales soient comptabilisés aux examens, nous voulons que le créole soit le médium d’enseignement dans nos écoles. Nous voulons que la société mauricienne soit compartimentée et découpée en castes, en communautés et en races afin de satisfaire les ambitions politiques de quelques-uns qui ne se soucient même pas de l’intérêt général d’un pays dans lequel vivent nos enfants. Voilà l’ordre du jour alors que le défi auquel notre pays est confronté requiert que la nation soit paisible, homogène, soudée, travailleuse et, surtout, compétitive.
Et pourtant, nous les Mauriciens, sommes-nous plus imbéciles que les Indiens? Et alors pourquoi la cyber-tour prend-elle du temps à se remplir et pourquoi le taux de chômage continue-t-il à grimper? Les Mauriciens, de l’ouvrier au syndicaliste, du politique au patron en passant par le chef de la production, le savent tous. La différence, c’est que l’on agit très peu par rapport aux Indiens. Quant à la belle histoire à raconter, il faudra bien commencer par l’imaginer !
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