Les rapports de l’Audit critiquent, année après année, les différents ministères sans que jamais la moindre sanction ne soit prise à l’encontre de ceux trouvés responsables de gaspillages de fonds publics. Le travail abattu par les officiers du bureau de l’Audit mérite pourtant d’être reconnu, car effectué d’une manière méticuleuse et professionnelle.
Mais, ceux qui nous gouvernent ne se sentent nullement gênés et prennent même connaissance du contenu du rapport avec beaucoup de dédain. Si les ministres ne sont pas coupables des manquements de leurs officiers, ils sont tout au moins responsables. À cet égard, ils sont comptables. Mais, comme le bureau de l’Audit n’a strictement aucun pouvoir, nos ministres s’en tirent toujours à bon compte. Il y a même des fonctionnaires qui osent émettre des critiques envers ce bureau institutionnel.
Le système de ‘public accountability’ et de l’audit est un facteur clé pour toute démocratie qui se respecte. Alors que dans d’autres pays - comme l’Angleterre avec sa Commission nationale de l’audit, la France avec sa Cour des Comptes qui a le pouvoir de juger et de prendre des sanctions, le ‘General Accounting Office’, la ‘audit arm’ du gouvernement américain qui peut critiquer jusqu’à la politique économique adoptée par la Maison-Blanche - à Maurice, notre bureau de l’Audit n’a même pas le pouvoir de recommander au Public Accounts Committee (PAC) de prendre des sanctions contre les fonctionnaires pour des manquements notés. Il manque au bureau de l’Audit une force de frappe pour que ses critiques ne soient pas stériles. La question mérite d’être posée : à Maurice, il est facile pour un ministre de dire qu’il n’est pas responsable, mais alors où se trace la ligne de démarcation entre la ‘policy responsibility’ et l’‘administrative responsibility’?
La question a été posée hier à Pravind Jugnauth, s’il n’était pas temps pour que la Constitution soit amendée afin de donner au bureau de l’Audit des pouvoirs - à la limite de recommander - de prendre des sanctions. Le vice-Premier ministre nous a répondu qu’il n’était pas en faveur, mais qu’en contrepartie, conscient des gaspillages au sein de la Fonction publique, son ministère compte mettre sur pied un ‘Mid-Term Expenditure Framework’ (MTEF), organisme qui veillera à la performance de chaque ministère et verra si les objectifs fixés sont atteints. Le but étant de limiter les gaspillages et les sources d’inefficience. Si on salue cette initiative de chien de garde que va jouer le MTEF, toujours est-il que quand des gaspillages seront notés ici et là, aucune sanction ne pourra être prise contre les responsables.
Il reste alors l’Assemblée nationale. Toutefois, avec notre système électoral qui donne toujours un gouvernement mammouth et une Opposition squelettique, avec des ‘backbenchers’ de la majorité qui n’osent critiquer au nom de leur survie politique, on n’est pas prêt de revivre l’épisode Singania en 1980, quand le bureau de l’Audit, dirigé alors par Kadress Pillay, avait émis de sévères critiques sur ce dossier relatif à l’importation de bijoux sous le règne travailliste. Le rôle de l’Oposition MMM et surtout de la presse avait alors été salué. Avec la banalisation des rapports de l’Audit au fil des ans, les médias ne sont plus aussi agressifs et, à samedi, personne n’avait encore pris position. Malheureusement. Faut-il en rire ou en pleurer ?
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