L’échec scolaire, pour la grande majorité d’entre nous, est sans doute une des plus grandes déceptions de la vie. Il y a de quoi. Un échec aux examens peut très bien changer le cours de notre vie; la plupart du temps, il mène à des lendemains bien moins roses.
Savez-vous, alors, que sur les quelque 30 000 jeunes de 12 ans en fin d’études primaires, rien que 11 000, soit bien moins que la moitié, seront pourvus plus tard d’un certificat de S.C, généralement considéré comme le passeport indispensable pour entreprendre d’autres études ? De ce nombre, rien que 5 000 seront en mesure de réussir plus tard aux examens du H.S.C.
Et encore ! Ces derniers, ont-ils tous le profil qui leur permet de trouver un travail rémunérateur ? Il est permis d’en douter de plus en plus. Selon un entrepreneur d’origine francophone, l’un des pionniers des centres d’appels à Maurice - ces entreprises d’un genre nouveau - seulement un diplômé sur cinq issus de l’école secondaire arrive à bien s’exprimer en anglais ou en français, langues indispensables au décollage de la nouvelle économie. Si cela s’avère, sommes-nous alors vraiment bilingues, comme peut le prétendre la grande majorité d’entre nous ? Au moment où les spécialistes chargés de l’éducation de nos enfants veulent nous faire croire que l’introduction de la langue créole ou la prise en compte officielle des langues orientales aux examens du primaire amélioreront les performances à l’école, on ne peut s’empêcher d’être interpellé quant à l’efficacité éventuelle de ces ‘mesures’.
Mais pourquoi donc l’échec scolaire est-il si cuisant, malgré les ressources extraordinaires, soit Rs 6 milliards en 2003, mises à la disposition de ces quelque 400 écoles du pays ? Doit-on ramener tout ça à une simple question de langage utilisé ? S’il faut bien reconnaître que le gaspillage est de nature outrageante, les causes de l’échec scolaire ne sont pas simples à diagnostiquer, même s’il faut remarquer, qu’à l’évidence, l’environnement social et économique a une incidence certaine sur la performance très décevante d’un grand nombre d’élèves issus des quartiers les plus pauvres. Mais pourquoi ne cherche-t-on pas aussi les causes de l’échec scolaire chez les enseignants ? Ceux qui, chaque jour, dispensent l’enseignement de manière directe aux élèves, ceux qui encadrent et côtoient les centaines de milliers de nos jeunes citoyens ? L’échec de nos étudiants n’est-il pas avant tout celui des enseignants et du personnel d’encadrement ? Admettons un instant que notre entrepreneur des centres d’appels ait raison et posons la question : Nos enseignants sont-ils tous capables de bien s’exprimer en anglais et en français?
À Singapour, pays multiracial comme Maurice et où coexistent aussi un certain nombre de cultures, la question de l’utilisation des langues à l’école a aussi été posée avec la même acuité au lendemain de son indépendance octroyée par la Fédération de la Malaisie d’alors. Quarante ans plus tard, l’école singapourienne se situe parmi les plus compétitives au monde, satisfaisant avec une grande efficacité les besoins du développement économique du pays. Les étudiants mauriciens à l’étranger côtoyant leurs homologues singapouriens le savent bien : ces derniers sont de redoutables candidats à la réussite scolaire alors que leur maîtrise de l’anglais est bien un cran au-dessus. Le modèle singapourien vaut bien une analyse.
Quoi qu’il en soit, il nous paraît évident que réduire le débat de l’efficacité de l’école à une question de langues et de leur utilisation seulement relève de la naïveté. Un jour, il faudra bien que les chercheurs et les universitaires arrivent à mesurer l’influence parentale et surtout celle de la compétence ou de l’incompétence de nos enseignants sur la performance de l’école.
Cela pourra bien nous réserver des surprises !
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