Gino, âgé de 8 ans, lors de sa première communion. Un an après, ses fréquentes crises d’épilepsie le forcent à abandonner l’école
Souffrant des problèmes psychiatriques depuis son enfance, Gino, 18 ans, est monté nu sur scène le vendredi 12 mars dernier pour danser. Maîtrisé par le personnel de sécurité, il a été interné à l’hôpital Brown-Séquard à Beau-Bassin. Conscients du handicap de leur fils, Mario et Véronique, ses parents, disent que Gino souffre de sa maladie dans la solitude. Ils sont actuellement à la recherche d’un centre qui pourrait aider leur enfant.
Ce jour-là, le jeune Gino a quitté son domicile vers 11h00. “Il a l’habitude d’aller à ce genre de fête. Le jour de la Fête nationale, nous l’avons laissé partir seul; il était convenu que nous nous rencontrions sur place”, explique son père Mario. À un certain moment durant la fête, Gino fut pris d’une crise; il s’est dévêtu pour monter sur scène où il s’est mis à danser. Croyant qu’il était groggy ou peut-être même un streaker (voir hors-texte plus loin), des spectateurs se sont mis à l’applaudir. Il a fallu l’intervention des agents de sécurité du ministère de la Culture pour le maîtriser et le conduire au poste de police du port. “Quand, il est arrivé au poste, il s’est mis à danser. Quand nous lui avons demandé pourquoi il dansait nu, le jeune homme nous a répondu par une question : pourquoi faut-il être vêtu pour danser? en ajoutant qu’il valait mieux danser nu. J’ai eu pitié de le voir dans cet état”, nous a confié un haut gradé de la police. Vers 19h00, ses parents se sont mis à sa recherche : “C’est à travers des amis que nous avons appris l’incident”.
Les larmes aux yeux, Véronique, la mère, explique que le comportement de son fils ce jour-là sur l’esplanade du Caudan résulte de ses problèmes psychiatriques. “Mon fils ne boit pas, il ne se drogue pas non plus. Il n’est pas sain d’esprit”, dit-elle. Selon ses dires, en sus de son handicap, son fils souffre d’un rejet de la société (voir hors-texte plus loin). “J’ai noté, lors de la plupart de ses crises, que c’est principalement après qu’on l’a critiqué au sujet de son retard mental ou quand on le traite de débile, qu’il se met dans cet état. Il perd alors la raison, agit bizarrement et quelquefois violemment. Une fois, nous avons dû aller le récupérer à Chemin Grenier. Il était entré dans un autobus sans savoir où il allait. C’est un passant qui l’a emmené au poste de police”, nous dit la mère qui ajoute que l’état de santé de son fils s’aggrave de jour en jour :“Il est un incompris, souvent il est passé à tabac par des inconnus qui lui cherchent noise. Nous avons entamé des démarches pour qu’il soit placé dans un centre. Nous avons contacté le ministère de la Sécurité sociale mais nous attendons toujours une réponse”. Et Mario, son père, d’ajouter : “Je pense que son état s’améliorera s’il change d’environnement. Il souffre d’être rejeté à cause de son handicap”.
Enfance malheureuse
C’est à l’âge de trois ans que Gino (il vient d’avoir dix-huit ans le 9 mars dernier, ndlr) a commencé à avoir des problèmes de santé. “Il a commencé à avoir des crises d’épilepsie. Cela n’était pas trop grave au début; c’est après que nous avons remarqué que Gino ne se développait pas normalement”, dit sa mère Véronique. Sa scolarité a été la première à souffrir de la précarité de sa santé. À l’âge de neuf ans, il a dû arrêter l’école: “Il avait fréquemment des crises d’épilepsie en classe, il éprouvait de grandes difficultés à assimiler ce qu’on lui enseignait. Il suivait un traitement pour ses crises à l’hôpital”. Ses parents avouent que “si nous avions eu les moyens, nous aurions pu rechercher l’avis d’un médecin privé au moment où il a commencé à avoir ses crises d’épilepsie dès son jeune âge; ainsi sa santé ne se serait pas aggravée”.
L’état de santé du jeune homme s’est détérioré il y a deux ans de cela. “Il avait alors 16 ans. Un jour, nous l’avons découvert assis sur une chaise; il était dans un état semi-comateux, il bavait et regardait fixement. Nous l’avions fait interner à l’hôpital psychiatrique de Beau-Bassin. Depuis, il fait régulièrement le va-et-vient entre la maison et cet établissement”, confie la mère.
Le ministère de la Sécurité sociale recherche un centre pour Gino
Le secrétaire permanent du ministère de la Sécurité sociale, Reshad Hosany, a confirmé qu’effectivement une demande a été faite par les parents de Gino pour son admission dans un centre spécialisé le 18 novembre dernier. “Nous avons contacté plusieurs centres, mais aucun n’a accepté notre demande du fait que Gino a des problèmes psychiatriques en sus de souffrir de crises d’épilepsie. Les responsables disent qu’ils ne peuvent prendre sa responsabilité. Le seul centre qui peut l’accueillir est le couvent de Calebasse mais actuellement, il n’y a pas de place disponible”, déclare-t-il. Par ailleurs, Gisèle Ithier, directrice de la Fondation Georges Charles à Pointe-aux-Sables (un centre spécialisé qui s’occupe des handicapés), nous dit que Gino a “toutes ses chances” de trouver une place dans son centre si une demande à cet effet est formulée.
Un rejet peut aggraver le comportement d’un retardé
Selon un psychiatre, en ce qu’il s’agit du cas de Gino, il semblerait que celui-ci éprouve de grandes difficultés dans la vie : “Il se sent rejeté par la société. Cela peut avoir des graves conséquences sur sa santé. Les retardés peuvent être aussi très frustrés sur le point de vue sexuel, ils ont des désirs qu’ils ne peuvent exprimer. Des fois, ils se désinhibent. Dans le cas de Gino, ses crises d’épilepsie ont certainement causé des dommages à son cerveau et inconsciemment, il fait des choses dont il ne peut pas mesurer les conséquences”.
Quelle différence entre le ‘streaking’ et l’exhibitionnisme?
D’après les dires de la psychiatre Myriam Timol, le ‘streaking’ veut simplement dire “utiliser la nudité pour passer un message dans des lieux publics”. Tandis que l’exhibitionnisme est une obsession chez certains sujets à se montrer nu : “En montrant leurs organes génitaux, ils veulent choquer les autres”. Le phénomène de ‘streaking’ a été inventé par un groupe d’étudiants américains en 1974. Cette nouvelle mode consistait à courir nu sur des terrains de sports. Entre-temps, le ‘streaking’ a évolué et il est utilisé pour passer un message. Tout dernièrement, un groupe de personnes avait défilé nu lors d’un match sur un terrain de rugby pour protester contre l’utilisation des peaux de bêtes pour la fabrication d’une marque célèbre de chaussures. À Maurice, la police n’a enregistré aucun cas de ‘streaking’.