Pouvons-nous vraiment nous plaindre de notre sort, de notre niveau de vie et du degré de développement de notre pays, 36 ans après l’octroi de l’indépendance par l’ancienne métropole ? Tout en essayant de répondre à la question, il ne faut point perdre de vue que nous sommes bien ancrés dans l’une des régions les plus pauvres du monde - voire la plus sous-développée de la terre - et que, par conséquent, il fallait chercher les repères, qui nous servent de gouvernail dans notre quête du progrès, beaucoup plus loin, en tout cas, pas dans la région de l’océan Indien, encore moins en Afrique.
Le mérite du degré de notre développement est, donc, quasi exceptionnel, même s’il faut, à l’évidence, constater que le chemin est encore très long, l’effort encore trop sommaire et la compétence du Mauricien moyen encore trop insuffisante, pour que l’on puisse accéder au statut de pays vraiment développé.
Contrairement à la région à laquelle elle est rattachée, Maurice semble faire l’exception, quel que soit le critère de mesure du degré de développement. La famine ne règne pas à Maurice, les soins médicaux y sont de niveau raisonnable, compte tenu des statistiques de mortalité infantile et d’espérance de vie du Mauricien moyen; il en est de même concernant le taux d’alphabétisation et le revenu moyen par tête d’habitant. Tout cela a pu être réalisé grâce au décollage de l’économie dont le taux de croissance a été maintenu à un rythme supérieur à la moyenne mondiale depuis plus de 20 ans. Certes, diriez-vous, il y a des poches de pauvreté dans le pays où les conditions de vie sont encore à déplorer. Mais la pauvreté ne pourra être résolument combattue que si le pays continue à se développer rapidement pour donner aux indigents un emploi convenable et non pas, comme on voudrait le faire croire, uniquement en manifestant à leur égard une quelconque solidarité nationale ou en procédant à la redistribution de la richesse créée par d’autres, même s’il faut remarquer que la solidarité est une grande vertu civique qu’il faut sans doute inculquer à tous.
En 36 ans d’indépendance, hommes et femmes libres que nous sommes, nous n’avons pas beaucoup de bonnes raisons de nous lamenter, surtout par rapport à nos pauvres voisins de l’Afrique noire qui, doit-on faire remarquer, ont accédé à l’indépendance pratiquement au même moment que nous. Contrairement à Maurice, les politiques africains n’ont jamais su, ni voulu, utiliser l’émancipation toute trouvée à l’avantage de leurs peuples.
Cependant, on aura bien tort de s’en contenter, de se frotter les mains, s’enorgueillir et proclamer que la misère est loin derrière nous. La recherche du progrès et du mieux-vivre est une lutte perpétuelle de l’humanité à laquelle nous appartenons. Chaque année, chaque génération doit être meilleure que la précédente. Et puis, ne sommes-nous pas à la merci de la compétition exercée par les autres nations, elles aussi à la recherche d’une part de marché susceptible d’améliorer le sort de leurs citoyens ? Il ne faut pas, non plus, perdre de vue que l’arrivée systématique de jeunes citoyens sur le marché du travail exerce chaque année une pression parfois insoutenable sur la société et que seul le progrès économique est en mesure d’apporter la solution.
Ainsi, le pays tout entier, à commencer par les politiques qui le gouvernent, a une obligation de continuer à rechercher le progrès et le développement de la nation. Au lendemain des 36 ans d’émancipation politique de la nation, le défi du progrès nous paraît être posé avec encore plus d’acuité, en des termes encore plus sévères, compte tenu de l’essoufflement à l’évidence de la Zone Franche par laquelle le vrai décollage est venu, compte tenu aussi de la grande compétition entre les nations sans cesse, elles aussi, à la recherche d’un meilleur sort. Pensez à tout cela un moment. Pensez un moment aussi à nos petites querelles de nature communale et sectaire qui exacerbent nos émotions et bouffent nos énergies. Ne trouvez-vous pas tout ça un peu sous-développé ?
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