Il y a une dizaine d’années, il suffisait d’un quart d’heure pour se rendre à son lieu de travail. Il en faut aujourd’hui une bonne demi-heure, voire une heure ou même deux si on habite le Sud et qu’on travaille à Port-Louis ou au Nord de l’île. La circulation routière devient de plus en plus difficile et les congestions sont fréquentes. Combien de temps perdra-t-on dans quelques années s’il faut encore attendre un mode de transport alternatif?
Entre-temps, la compétitivité de notre pays continue à payer le prix alors que la population au travail sacrifie de plus en plus ses heures de loisir. On tergiverse trop en ce qui concerne la question de l’introduction du métro. D’une part, il y a les syndicalistes du secteur de transport aux intérêts égoïstes et d’autre part, les politiciens à la recherche de quelques voix sectaires. Sur le plan économique, combien de milliards de roupies en heures de travail est-on en train de perdre chaque année à cause de la congestion routière ?
Pourtant, le problème peut être sans doute résolu sans même construire un kilomètre de route supplémentaire. Il suffit à un universitaire ou à un chercheur d’évaluer le nombre de véhicules - ainsi que le nombre de passagers transportés par chacun d’entre eux - à l’entrée et à la sortie des grandes agglomérations. On peut parier que la moyenne du taux du remplissage est bien en-dessous des 50%.
il y a une trentaine d’années, Singapour introduisit pour la première fois une taxe afin de réduire au strict minimum la congestion routière dans le centre-ville. Depuis, la productivité de l’économie du pays continue de s’améliorer grâce au contrôle du temps perdu chaque jour entre la résidence de l’employé et son lieu de travail. Dans le même souffle, l’introduction du métro a grandement réduit la pression pour ce qui est de la construction de nouvelles routes. La Norvège, forte de l’expérience singapourienne, introduisit à son tour, il y a dix ans, une taxe de “congestion routière” dans la ville de Trondheim. Londres, pourtant gérée par un homme de gauche à l’allure de communiste, à savoir le lord-maire Ken Livingstone, à son tour, introduisit en 2002 une taxe sur tout véhicule privé pénétrant dans le centre de Londres. Un an après, le résultat était spectaculaire : la congestion routière - par conséquent le temps perdu par le voyageur - a été réduite de 30%.
Selon la Banque Mondiale, les grandes villes du monde devront toutes, un jour, introduire une taxe afin de contrôler l’explosion de la croissance de la congestion du trafic routier. Cela est d’autant plus important que cette taxe permettra aux gouvernements de financer soit la construction de nouvelles routes, soit un mode de transport alternatif. Cette mesure obligera aussi les propriétaires esseulés au volant de prendre le métro, s’il existe, ou encore l’autobus. Il faut, selon la Banque Mondiale, taxer le gaspillage dans ce monde où les ressources sont rares, sans réduire la liberté de choix du consommateur. Après tout, le consommateur dont la consommation d’eau est soumise au compteur n’est-il pas pénalisé quand il gaspille le précieux liquide ? De New York à Sao Paulo, de Bristol à Shanghaï en passant par Barcelone et Milan, les autorités étudient toutes aujourd’hui la possibilité d’introduire une taxe de la congestion routière. Il y va de l’intérêt économique et social de leur pays. Mais l’obstacle le plus dur à contourner sera sans doute le manque de volonté politique. Mais selon les sondages, Ken Livingstone, le père de la taxe de la congestion routière à Londres, serait sans doute réélu si les élections devaient avoir lieu aujourd’hui.
Port-Louis et Quatre-Bornes pourront difficilement échapper un jour à l’introduction éventuelle d’une taxe de congestion. À l’évidence, le parc automobile s’accroît à une vitesse conséquente alors que le réseau routier, faute d’espace, ne peut s’accroître dans la même proportion. Bien au contraire, il est permis de penser que cette taxe est devenue essentielle à brève échéance. La note croissante à l’importation du carburant, la pression exercée sur les heures de travail, les facteurs d’ordre psychologique sur le travailleur-voyageur sont autant d’arguments en faveur de l’introduction d’une taxe à l’entrée du centre-ville. Mais la solution est d’ordre politique. Rien que pour cette raison, la taxe n’est certainement pas pour demain. Tant pis pour l’économie du pays. De toute manière, le stress causé par la congestion routière ne fait jamais l’objet de calcul politique.