À l’heure où le débat fait rage sur la comptabilisation des points en langues orientales aux examens du CPE, à l’heure où les associations socioculturelles adressent des mises en garde au gouvernement, au moment aussi où le père Souchon demande carrément aux enfants catholiques de refuser l’apprentissage d’une langue orientale, à l’heure où l’introduction du créole ressemble plus à une solution politique que pédagogique du gouvernement (dans le style ‘saquène so boute’), alors que nous entendons quelques discours lors desquels on amalgame - volontairement ? - langue et religion, comment ne pas être touché par le reportage que nous propose Christophe Karghoo en page 15 de notre édition d’aujourd’hui ?
Sous le titre ‘Des enfants catholiques apprennent l’hindi’, voici la fabuleuse aventure de trois enfants de 8 ans : Daniel, Ovani et Daisy, créoles de foi catholique et élèves de 3ème de l’école primaire ‘Doogachrun Hurry Government’, apprennent l’hindi, loin de la polémique des adultes, loin des discours enflammés sur ce sujet. “Non”, répondent-ils, “nous ne sommes pas au courant des contestations qu’il y a autour des langues orientales en ce moment.” Et c’est tant mieux, a-t-on envie de leur dire ! Daniel, Ovani et Daisy apprennent l’hindi, “une langue comme les autres, une matière à étudier et qui peut figurer aux examens”, parce qu’ils aiment cette langue. “Je fais l’hindi parce que j’aime cette langue. Tout doucement, j’apprends à me familiariser avec les mots et les phrases qui vont me permettre de parler, de comprendre et de communiquer en hindi”, dit Daniel, d’origine sino-mauricienne, pour qui l’hindi est “la quatrième langue après le créole, le français et l’anglais.” Ses deux camarades de classe, Ovani et Daisy, suivent également les classes d’hindi parce que, explique Ovani, depuis qu’elle s’est mise à l’hindi, elle peut “regarder les films indiens et comprendre ce qui se dit dans ces films.”
Daniel, Ovani et Daisy, enfants de 8 ans apprennent l’hindi et suivent tout naturellement les classes de catéchèse, les cours n’ayant pas lieu simultanément, nous explique-t-on dans le reportage en page 15. Que dire de cette belle leçon concrète - loin des débats passionnés et irrationnels - sinon que l’apprentissage d’une langue étrangère, qu’elle soit orientale ou autre, ne peut qu’enrichir les enfants. Certes, on est à Maurice et, malheureusement (ou doit-on dire délibérément), tout débat ne peut avoir lieu sans que l’ethnicité ne prenne le dessus. En vérité, il y a eu trop de débats inutiles ces derniers temps, ce qui a permis à certains de faire accroire que les langues orientales appartiennent exclusivement à ceux d’origine orientale et que la langue créole n’est que l’affaire des créoles.
On en est là et on sera toujours là tant qu’on fera toujours accroire que religion et langues vont de pair. On en sera toujours là tant que certains - comme en ce moment - se servent de chaque arme pour faire avancer ce qu’ils croient être la cause de leur communauté. On en sera là tant qu’on continuera à exacerber, sinon blesser, l’autre en utilisant des propos à caractère communal. Mais on sera surtout et toujours là tant que les adultes - qui non seulement croient tout savoir, mais estiment que tout est permis - décideront à la place des enfants. Et si on demandait tout simplement leurs avis à ces milliers d’enfants qui vivent leur différence sans aucun problème à l’école chaque jour? Combien d’enfants, à l’instar de Daniel, Ovani et Daisy souhaiteraient apprendre une langue orientale? Et si finalement la solution venait de la bouche des enfants ? Encore faut-il qu’on leur donne la parole...
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