Bonjour, je vous écris parce que je me sens impuissant face à la situation dans laquelle je me trouve. Ma partenaire a subi l’inceste dans son enfance. Son père a abusé d’elle sexuellement de l’âge de 5 à 12 ans et les abus avaient lieu plusieurs fois par semaine. Je suis âgé de 28 ans et elle en a 26. Nous sommes ensemble depuis 5 ans et nous nous aimons profondément. Je suis le premier homme dans sa vie. J’ai dû l’apprivoiser petit à petit et gagner tranquillement sa confiance car elle ne faisait pas confiance aux hommes, encore moins sur le plan sexuel. Je me suis montré patient et compréhensif envers elle mais je dois avouer que je commence à en avoir marre de ne pas avoir de vie sexuelle normale, spontanée et régulière. Il arrive souvent lorsque nous faisons l’amour, qu’elle revive des scènes de ses agressions passées. Quand ça arrive, elle se fige et je ne la sens plus avec moi. Alors, j’arrête tout pour ne pas la faire souffrir davantage. Lorsqu’elle prend un petit verre d’alcool, ça se passe un peu mieux. On peut aller jusqu’au bout mais même dans ces moments-là, elle ne se laisse pas aller complètement. Je la sens toujours sur ses gardes. Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour qu’elle se sente plus en confiance avec moi et qu’elle profite elle aussi des plaisirs du sexe. Y a-t-il de l’espoir?
Réponse : Premièrement, je tiens à vous dire que votre partenaire est chanceuse d’avoir rencontré un homme qui a su comprendre l’impact de son traumatisme et respecter son rythme. Une femme qui a été victime d’un tel traumatisme a besoin de retrouver un sentiment de sécurité avec un homme et de rebâtir sa confiance. Vous avez donc réussi avec brio cet objectif. Même si elle n’a pas surmonté tous ces blocages sexuels, elle a certainement fait des pas dans sa capacité à être bien dans l’intimité sexuelle. Mais le fait que vous demandez s’il y a quelque chose que vous puissiez faire pour l’aider à se laisser aller dans l’intimité avec vous, démontre bien le côté «sauveur» que vous avez développé avec elle.
Je me permets donc de vous inviter à réfléchir à la dynamique relationnelle que vous avez ensemble. Si votre rôle de sauveur prend trop de place, cela peut empêcher votre partenaire de se reprendre en main et de se responsabiliser face à sa sexualité, ce qui ne l’aiderait pas. Ça pourrait contribuer à la maintenir dans un rôle de victime. Vous n’avez pas à prendre toute cette responsabilité sur vos épaules. Mais je comprends que vous en retirerez des bénéfices vous aussi. Vos besoins sexuels sont tout à fait légitimes et c’est correct que vous les exprimiez à votre partenaire. Si vous avez tendance à garder vos frustrations sexuelles à l’intérieur de vous sans les lui partager par souci de ne pas l’affecter, ça risque de ressortir plus tard mais pas nécessairement de la bonne manière. Il est aussi important que l’expression de vos besoins ne fasse pas votre partenaire vivre sous pression, ce qui créerait l’effet contraire de celui recherché. Il s’agit de les communiquer d’une manière constructive dans le but que vous recherchiez conjointement à améliorer la qualité de votre vie sexuelle. Votre partenaire doit d’abord vouloir s’aider elle-même et vous devez vous impliquer tous les deux dans la recherche de solutions.
Par rapport aux pistes de solutions, aller chercher une aide thérapeutique fait partie des démarches essentielles pour les victimes d’agressions à caractère sexuel. Il est d’abord important que la victime ait la possibilité de raconter son histoire et ce, dans les moindres détails. Plusieurs personnes, dont les victimes elles-mêmes, sont portées à croire qu’il vaut mieux enterrer cet épisode et faire comme s’il n’avait pas existé, que le fait de raconter ce cauchemar vécu ne fait que ressasser de vieilles histoires, que ça fait remonter la douleur inutilement. Alors plusieurs d’entre elles conservent ce tabou à l’intérieur d’elles pour survivre comme elles l’ont toujours fait. Ce mécanisme de survie, utilisé par bon nombre de victimes, a été très utile dans le passé. Mais un moment donné, il faut se départir de cette vieille carapace protectrice pour pouvoir surmonter un traumatisme et reprendre du pouvoir sur sa vie.
Le fait d’exprimer son vécu, de se sentir écoutée et comprise par une autre personne est libérateur pour une victime qui a tout emprisonné à l’intérieur d’elle pendant des années. C’est comme si elle faisait sortir le méchant. Un thérapeute pourra également travailler avec elle, les fausses perceptions qu’elle a pu se forger et qui lui font du tort. L’une des plus fréquentes est que la victime vit de la culpabilité face aux abus sexuels vécus, souvent parce que l’agresseur lui a fait croire que c’est elle qui l’a cherché. Une thérapie permet aussi à la victime de surmonter différents impacts du traumatisme tels que : anxiété, isolement, insomnie, cauchemars, flash-back de l’agression, etc. Plusieurs victimes s’en sortent par d’autres moyens. Plusieurs ont écrit un journal personnel ou un livre témoignage de leur vécu. L’écriture a souvent des effets thérapeutiques. Le fait de porter plainte contre l’agresseur a aussi aidé de nombreuses victimes à reprendre du pouvoir sur leur vie.
Pour revenir à votre partenaire, je suggère dans un premier temps qu’elle trouve un moyen de se libérer de ses démons du passé. Si elle a des flash-back de ses agressions passées pendant vos relations sexuelles, c’est qu’elle est encore hantée par celles-ci. Elle doit donc trouver un moyen de s’en libérer, tel que je viens de le décrire. L’autre conseil que je pourrais vous donner c’est de faire une variante à ce que vous faites lorsqu’elle a des flash-back. Au lieu de tout stopper en plein milieu d’une relation sexuelle, prenez seulement une pause tendresse ou sensuelle. Encouragez-la à revenir avec vous. Elle est capable d’avoir du contrôle sur la situation en stoppant ses pensées négatives. Vous pouvez alors vous embrasser, vous pouvez lui faire un massage, l’encourager à respirer profondément, ou trouver un autre moyen vous permettant de reconnecter ensemble et qui l’aiderait à retrouver un état de détente. Ensuite, vous recommencez à vous caresser selon vos inspirations érotiques…