AH, cette Nita Deerpalsing ! Elle a décidément le don de susciter des polémiques de par ses prises de position ! Mais peut-être, cette fois, est-elle en train de se mordre la langue d’avoir osé demander au Premier ministre que le mot «laïc» soit inclus explicitement dans notre Constitution. Ou sans doute pas… Car on peut dire beaucoup de choses sur la députée rouge mais on ne pourra jamais dire qu’elle n’a pas le courage de ses opinions. Et depuis quelques jours, elle le dit et le redit, notamment dans une interview à l’express : elle est excédée par l’empiètement de la religion sur la sécularité à Maurice. Et le débat autour de l’avortement semble avoir été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Donc, elle a jeté un véritable pavé dans la mare en plein Parlement, mardi, en faisant sa demande à Navin Ramgoolam. Proposition que ce dernier n’a pas retenue arguant que même si le mot ne figure pas dans la Constitution, Maurice est bel et bien un État laïque (tu parles !). Fin de la discussion. Ou plutôt début des hostilités ! Car la réaction de certaines associations socioculturelles ne s’est pas fait attendre ! Celles-ci condamnent avec virulence cette demande de la députée rouge et menacent même de la boycotter lors des prochaines élections. Les porte-parole de ces organisations estiment que celles-ci ont leur rôle à jouer et contribuent énormément à l’avancement du pays.
Personne n’a dit que les associations socioculturelles n’avaient pas de rôle à jouer et ne contribuaient pas à l’avancement du pays. On dit juste qu’elles doivent rester à leur place et ne pas faire de politique ou imposer leur point de vue dans un État laïque. Maurice est un État où se côtoient beaucoup de religions, certes, et chacune a le droit d’exprimer librement ses opinions par rapport à ses valeurs (on est en démocratie après tout !) et il faut les respecter mais les lois ne peuvent pas être basées sur les croyances religieuses.
Bon, disons les choses franchement… À Maurice, les relations entre la religion et l’État ont toujours été plus ou moins incestueuses (si l’on peut dire ainsi). Les politiciens encouragent cette tendance parce que ça joue en leur faveur, ils peuvent tabler dessus durant les campagnes électorales pour gagner le plus de voix possible (diviser pour mieux régner, vous connaissez ?). D’ailleurs, les candidats sont choisis en fonction de leur appartenance ethnocastéiste pour poser dans tel ou tel endroit, ils doivent déclarer leur communauté le jour du dépôt de candidatures pour que les Best Losers puissent être nommés après les élections, dans le but de rééquilibrer la balance ethnique au Parlement, etc, etc. Et les candidats bénéficient souvent du soutien des associations socioculturelles tout au long de la campagne. Normal qu’après, ces dernières viennent réclamer leur dû.
Et elles ne se gênent pas. Lobbyistes chevronnées, elles savent user de leur «pouvoir» pour faire courber l’échine au gouvernement qui leur mange souvent dans la main et leur accorde même des subventions, entre autres. Les politiciens font tout ce qu’ils peuvent pour maintenir les choses en l’état. Prenant la parole aux fonctions religieuses où ils sont invités, fricotant avec les présidents d’associations socioculturelles à tout bout de champ, tremblant à leur moindre menace et cédant à leur moindre avance.
Très peu peuvent se targuer d’avoir le courage de venir dire que la religion empiète sur la sécularité à Maurice. Et rien que pour ça, on ne peut que tirer son chapeau à Nita Deerpalsing. En espérant que son souhait d’un État complètement laïque, qui est aussi celui de plusieurs mouvements – Lalit et Rezistans ek Alternativ, notamment – qui militent depuis des années dans ce sens, devienne un jour réalité. L’État et la religion vivant en accord et dans le respect l’un de l’autre mais chacun de son côté. Un rêve ?