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Il a été jugé coupable du meurtre de Vanessa Lagesse après 23 ans : débats chargés d’émotion autour de la sentence de Bernard Maigrot

L’homme d’affaires clame toujours son innocence alors qu’il risque une peine maximale de 20 ans de prison pour le meurtre de sa maîtresse.

Les plaidoiries entourant la sentence de Bernard Maigrot ont pris fin le 18 juillet après trois jours intenses en émotions. L’homme de 63 ans, qui faisait l’objet d’un procès aux Assises pour le meurtre de Vanessa Lagesse, a été jugé coupable par le jury à une majorité de sept contre deux le 27 juin. Un verdict prononcé 23 ans après les faits. L’homme d’affaires, qui risque une peine maximale de 20 ans de prison, clame toujours son innocence et ses proches plaident pour l’indulgence de la justice. 

Le jeudi semble être devenu un jour maudit pour Bernard Maigrot et les siens. C’est un jeudi, le 27 juin, qu’il a été jugé coupable aux Assises du meurtre de sa maîtresse Vanessa Lagesse,  23 ans après les faits. Les plaidoiries concernant la sentence de l’homme d’affaires ont pris fin le jeudi 18 juillet. Et c’est aussi un jeudi, le 1er août, que le principal concerné sera fixé sur son sort. La poursuite représentée par Me Darshana Gayan, Senior Assistant Director of Public Prosecutions, réclame la peine maximale de 20 ans de prison dans cette affaire.

 

Me Gavin Glover, Senior Counsel qui assure la défense du suspect, a, lui, plaidé pour une peine d’emprisonnement ne dépassant pas 10 ans. Le Leading Counsel de Bernard Maigrot invite aussi le juge Luchmyparsad Aujayeb siégeant aux Assises à prendre en considération la période de 23 ans séparant la sentence des faits. En tout cas, la semaine écoulée a été fatigante, émouvante et très émotionnelle pour Bernard Maigrot et ses amis. Ces derniers étaient présents en grand nombre pendant les trois jours d’audience pour soutenir moralement l’homme d’affaires et sa famille, dont son fils Adrien.

 

«Nous sommes tous écoeurés. On ne comprend toujours pas pourquoi la poursuite a mis tant d’énergie à défendre une enquête ratée. C’est une situation surréaliste. Pourquoi la poursuite s’acharne toujours sur Bernard Maigrot alors qu’il n’y a pas eu de preuves directes contre lui ? La police avance qu’elle a retrouvé d’autres ADN sur les lieux du drame, soit ceux de deux hommes et une femme. Sait-on à qui ils appartiennent ? Nous avons tous un sentiment d’incompréhension et d’ahurissement total. Bernard continue de clamer son innocence», souligne une personne proche de la famille Maigrot.

 

Les plaidoiries entourant la sentence de Bernard Maigrot ont débuté le 16 juillet pour prendre fin le 18 juillet. Les trois jours ont été très intenses en émotions. Bernard Maigrot a pris la parole pour la première fois pour clamer son innocence et réclamer la clémence de la cour. L’homme d’affaires a lu une missive écrite en anglais pendant plus d’une demi-heure marquée par plusieurs moments forts. «Je n’ai pas tué Vanessa Lagesse. C’est ma seule version. Je l’ai dit en 2001. Je continuerai à le dire jusqu’à ma mort. Je suis innocent. Je vais continuer à me battre pour prouver mon innocence», a-t-il déclaré.

 

Dans la salle d’audience, ceux déjà acquis à sa cause bougeaient la tête de haut en bas pour dire leur approbation alors que d’autres personnes le faisaient de gauche à droite pour montrer leur désaccord. Pendant ce temps, l’homme d’affaires continuait de lire son témoignage. «Je n’ai rien à voir avec la mort de Vanessa Lagesse. Je n’avais aucune raison de la tuer. Je la respectais. On était très proches. On s’était vus dans la soirée du 6 mars. On avait dîné ensemble puis fait l’amour. C’est la dernière fois que je l’ai vue. Sa mort m’a beaucoup attristé. J’étais en état de choc. Je n’ai rien à me reprocher.»

 

Bernard Maigrot a enchaîné avec d’autres éléments importants, arguant à nouveau qu’il avait fait des aveux sous la torture et que ses droits avaient été bafoués, et précisant qu’il jouit d’une santé très fragile en ce moment. «On m’a battu. On m’a forcé à signer des aveux. J’ai fait des confessions sous la torture. On n’a pas respecté mon droit au silence. Il n’y a pas de preuves directes contre moi mis à part les aveux contestés», a-t-il affirmé.

 

Dommages collatéraux

 

Il est ensuite revenu sur les dommages collatéraux causés par toute cette affaire. «Je n’ai pas vécu ma vie d’homme libre pendant 23 ans même si je n’étais pas derrière les barreaux. Cette affaire a causé des préjudices à ma famille et à mon business. En 2008, j’ai pensé que c’était la fin du cauchemar lorsque le DPP de l’époque a déposé un arrêt de toutes les procédures légales entamées contre moi. J’ai alors continué à me battre sur le plan professionnel et familial. Hélas, tout a basculé le 28 décembre 2010 lorsque la police est venue de l’avant avec de nouvelles preuves scientifiques. J’ai été arrêté, à nouveau, le 23 mai 2011. Je rejette les accusations. Je n’ai pas tué Vanessa Lagesse», a-t-il assené pour la énième fois, avant d’ajouter : «Je vais me battre jusqu’à ma mort.»

 

Après son arrestation le 23 mai 2011, il avait retrouvé la liberté conditionnelle 10 jours plus tard. Puis, le 18 mai 2012, la police avait logé une nouvelle accusation formelle de manslaughter contre lui aux Assises. Le procès devait être présidé par le juge Prithviraj Fekna mais celui-ci n’a jamais pu avoir lieu en raison de plusieurs motions soulevées par la suite. Le 5 septembre 2019,  suite au décès du juge Fekna, le procès de Maigrot a redémarré de zéro aux Assises. C’est le juge Benjamin Marie Joseph qui avait hérité du dossier. Toutefois, l’affaire n’a finalement jamais pu être entendue aux Assises.

 

Le 9 février 2022, elle a connu un autre rebondissement lorsque le DPP d’alors a déposé un autre arrêt des procédures légales. Quelques jours plus tard, soit le 22 février, le DPP a institué un nouveau procès aux Assises contre Bernard Maigrot en se basant sur les nouvelles preuves scientifiques de la police. Le 23 octobre 2023, l’homme d’affaires a plaidé non coupable. Son procès a commencé le 20 mai 2024 pour prendre fin le 27 juin dernier. «C’est ma foi qui me garde fort», a-t-il dit. Lors de ses séjours en prison, il a d’ailleurs reçu les visites du cardinal Jean Margeot, son «deuxième papa», du père Philippe Goupille et du cardinal Maurice Piat.

 

Toute cette affaire a également eu des effets néfastes sur son business. Sa réputation a pris un sacré coup et la majeure partie de ses affaires se font désormais à l’étranger. Il a, entre autres, expliqué qu’il a dû ouvrir une compagnie au Bangladesh qui est gérée par sa fille aînée Laetitia. Il s’est d’ailleurs présenté en cour à plusieurs reprises pour demander la permission de voyager pour ses affaires. «Je crois au système de justice. Je n’ai rien fait de mal. Je mets ma vie devant vous. Le verdict décidera de mon sort», a lancé Maigrot, la voix tremblotante.

 

Il avait, au préalable, longuement parlé de son état de santé personnel ainsi que de celui de son épouse qui, a-t-il avancé, a toujours été à ses côtés malgré tout. Isabelle Maigrot est gravement malade. Elle souffre d’un cancer diagnostiqué en 2005 et qui s’est maintenant généralisé. Elle a également souffert d’une hémorragie cérébrale et est complètement paralysée. Elle a besoin d’assistance 24 heures sur 24. «Mon épouse est maintenant très malade. Elle a fait un malaise et a dû être admise aux soins intensifs d’une clinique deux jours avant le verdict. Elle a besoin de moi.»

 

«I did nothing wrong»

 

L’homme d’affaires a déclaré que son état de santé est également précaire. Il a raconté avoir fait un «heart attack» en novembre dernier et qu’il doit prendre des médicaments. En sus de ses problèmes cardiovasculaires, a-t-il poursuivi, il a aussi d’autres ennuis de santé, notamment une bronchite chronique et l’apnée du sommeil. Il dort avec un appareil qui lui permet de respirer convenablement. «I did nothing wrong. I did not kill Vanessa Lagesse», a répété Bernard Maigrot à la fin de sa missive avant de faire appel à l’indulgence de la cour.

 

Son fils Adrien a également réclamé la clémence de la cour le lendemain tout en livrant son témoignage. «Les propos d’Adrien ont été très heartbreaking. Isabelle et Bernard peuvent être très fiers de leur fils. Il a été élevé dans l’amour et non dans la haine malgré les événements», nous a confié une personne proche de la famille. Le cadet du couple Maigrot a commencé son speech en mettant en avant le traumatisme causé par cette affaire. «J’avais 8 ans à l’époque. Ma soeur et moi avions pour instruction de ne pas écouter la radio ni de lire les journaux. Notre famille faisait de leur mieux pour nous préserver», a-t-il déclaré, la voix cassée par l’émotion.

 

La réalité a toutefois vite pris le dessus. «Ton père est un tueur.» C’est ce que, a-t-il raconté, d’autres enfants lui disaient sans cesse à l’école, précisant que sa sœur avait dû en souffrir davantage car elle était plus grande. «On était toujours pointés du doigt. On était traumatisés par la police. On bougeait de maison en maison. On est allés en France chez des parents pendant quelque temps. On est rentrés au pays quand mon père a été libéré la première fois. Nous avons une très belle photo de famille prise à l’aéroport à notre retour au pays», a soutenu le jeune homme. À l’époque, a-t-il témoigné, il était «le seul de la classe à consulter un psychologue». Il a ajouté d’une voix émue que ses parents l’ont toujours aidé à surmonter ce traumatisme.

 

Adrien a aussi raconté qu’il préparait son Bac lorsque son père a été inquiété par une nouvelle enquête policière. «Il y avait tellement de colère dans mon coeur. Je faisais des crises de panique. J’étais enfermé dans la solitude. On m’a volé mon enfance. Je n’ai jamais douté de l’innocence de mon père. Son innocence nous donne du courage pour lutter jusqu’au bout. Mon père est notre pilier. Nous le soutiendrons quoi qu’il arrive.» Quelques minutes plus tard, le jeune homme est tombé dans les bras de son père pour lui faire un câlin malgré les menottes qui entravaient les mains de celui-ci, avant que les éléments de la SSU ne l’escortent jusqu’à l’ascenseur pour qu’il retourne à la prison de Beau-Bassin. Une scène qui a beaucoup ému les amis de la famille.

 

À la reprise des débats, le jeudi 18 juillet, Darshana Gayan et Gavin Glover n’ont pas fait dans la dentelle lors de leur closing sentence hearing speech. Me Gayan est d’avis que Maigrot mérite la peine maximale «due to the seriousness of the case». Elle a aussi mis l’accent sur les circonstances horribles entourant le décès de Vanessa Lagesse, soit une «fracture dislocation of the cervical spine». «Le suspect a plaidé non coupable. Le jury l’a toutefois trouvé coupable», a souligné la Senior Assistant Director of Public Prosecutions.

 

Me Glover lui a donné la réplique en disant que «this is not a story but a hard and harsh reality», tout en précisant que ce cas est exceptionnel et unique en son genre car son client vit, dit-il, avec une épée de Damoclès sur la tête depuis 23 ans. «On sait déjà que Gavin Glover va faire appel», précise une personne proche des Maigrot.