• Léana, 3 ans, succombe à ses brûlures après dix jours d’hospitalisation - Valencia Augustin : «Lamor mo tifi enn sok terib»
  • Pliny Soocoormanee : militant LGBT
  • Il est la dernière personne à avoir vu Pravin Kanakiah vivant - Charanjiv Ramrakha : «There was no sign of distress or fear in him»
  • Deven Nagalingum : mes premières semaines comme ministre de la Jeunesse et des Sports
  • Résultats du PSAC : un tourbillon d’émotions
  • Sharone Frédéric, 40 ans, décède deux jours après avoir mis au monde son premier enfant - Leandro, son époux : «Linn ale zis kan linn realiz so rev vinn mama»
  • Chiffres foireux, promesses foireuses…
  • Baisse de Rs 5 sur l’essence et le diesel : les Mauriciens contents, mais…
  • Paiement du 14e mois - Navin Ramgoolam : «Nous devons être responsables et crédibles»
  • Man City vs Man United : deux voisins en crise

Quand «Ni chaînes ni maîtres» interpelle les Mauriciens

Schéhérazade, Alain, Adi et plusieurs autres parlent d'un film puissant.

À coup sûr, c’était l’un des films les plus attendus de cette année. Parce que cette réalisation française de Simon Moutairou (scénariste césarisé pour le thriller Boîte Noire) nous parle du douloureux sujet du marronnage à l’île Maurice, alors appelée Isle de France. Film d’ailleurs tourné chez nous l’année dernière, avec notamment toute une équipe de cascadeurs et de figurants mauriciens. Et quelques jours après sa sortie dans nos salles, on a recueilli pas mal d’avis de ceux qui l’ont vu.  

Le sujet est dur, le sujet interpelle, le sujet est important. C’est ce mercredi 18 août qu’est sorti en France et, surtout, à Maurice le film Ni chaînes, ni maîtres, réalisé par Simon Moutairou avec, notamment, Benoît Magimel, Camille Cottin et Ibrahima Mbaye Tchie, et aussi l’apport de Mauriciens en tant que cascadeurs et figurants, entre autres. Un long-métrage, tourné ici en avril 2023, qui nous plonge en Isle de France en 1759. Nous suivons ainsi le destin de plusieurs esclaves qui vont se sauver des plantations de canne à sucre, ce qui annonce le début de la résistance que l’on appelle le marronnage.

 

En plus de traiter du sujet du marronnage pour la première fois au cinéma, Ni chaînes, ni maîtres est le premier film qui parle de l’esclavage chez nous. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le long-métrage ne laisse pas de marbre et provoque intensité, effroi et réflexion.

 

Alain Jeannot, passionné d’Histoire, l’a beaucoup apprécié : «Le film en lui-même est très bon, traitant en plus pour la première fois du sujet du marronnage et de l’esclavage à l’île Maurice, évoquant toute la violence du sujet et même ce que j’appelle la légende de ceux qui ont préféré se jeter de la falaise plutôt que de subir. Et c’est dans ce sens que nous devons beaucoup plus être interpellés par ce film, qui, je pense, doit être vu par tous les Mauriciens de par son sujet. Car souvent, l’esclavage est résumé à des faits dans des livres d’Histoire ou ceux pour les étudiants à l’école. Or, ce film met bien en avant ce que c’était l’esclavage : un système cruel, un crime contre l’Humanité. Et ce qui ressort aussi et que j’ai énormément apprécié, c’est cette façon viscérale de nous dire que nous sommes tous nés pour être libres et que nous allons nous battre, au péril de notre vie s’il le faut, pour l’être !»  

 

Plus ou moins même son de cloche du côté d’Adi Teelock, historienne dont la cousine, l’historienne Vijaya Teelock, a bossé sur l’histoire et le scénario du film : «Un film puissant, très sensible. Et  une partie de sa puissance réside justement dans le fait qu’il est très sensible. Le film traduit bien l’acte de résistance de l’esclave, à qui on a tout nié. Il met en avant cette force extrême et le courage  de l’esclave à resister. Et mis à part la qualité indéniable du film, j’espère qu’il aidera fortement à ouvrir, ici, la conversation sur l’esclavage, sur ce qu’il a signifié et sur ce qu’il signifie encore aujourd’hui.»

 

Son amie, la sociologue et toute aussi passionnée d’Histoire, Nalini Burn, dira, pour sa part, que c’est «one of the most moving, gut-wrenching, beautifully, searingly, and sensitively drawn films I have seen for a long, long time».

 

Jean-Pierre Gerval, que l’on connaît comme musicien et fondateur d’une ONG pour les communautés vulnérables, a également été impressionné par ce Ni chaînes, ni maîtres : «C’est un film cru, où la violence est non seulement dans les images, mais aussi dans la psychologie des personnages. Bref, c’est très fort et c’est un film qui nous donne the big picture de l’époque avec tout le côté cruel et diabolique du sujet (…) J’espère juste qu’il n’y aura pas une instrumentalisation de ce film, surtout en cette période électorale, pour réveiller un esprit revanchard. Car de 1759 à ce jour, les choses ont quand même grandement évolué.»

 

Les Mauriciens d’ailleurs ont aussi fait le déplacement au cinéma pour aller voir le film. Parmi, Schéhérazade Deedurun, une Franco-Mauricienne : «C’est important qu’on le voie tous. Ce film a beaucoup de choses à nous apporter. La réalité de l’esclavage et du marronnage y est montrée avec justesse et sans retenue. Il faut qu’on voie et ressente pour connaître, comprendre, honorer nos ancêtres et empêcher les esprits bloqués au 18e siècle (il y en a encore, hélas) de perpétuer leur haine et leur inculture. Même la musique (et pourtant j’en écoute), les cours et les livres sur le sujet ne m’avaient encore jamais fait cet effet. Peut-être parce que c’est un bout de mon histoire, ici et là-bas.»

 

C’est donc un plan cinéma qui s’impose plus que jamais en ce dimanche ou dans les jours à venir…