Shobha et son fils aîné Avinash sont anéantis par cette double perte.
Cette habitante de Dubreuil a vécu la pire semaine de sa vie car elle a perdu un fils et une fille à deux jours d’intervalle, dans des circonstances tragiques. Tous deux ont trouvé la mort suite à un terrible accident de la route à La Vigie, qui a également fait une autre victime âgée de 14 ans. Terrassée par le chagrin, Shobha Audit témoigne.
Elle a l’impression de nager en plein cauchemar. Le front plissé de rides, le visage déformé par la douleur, les yeux enflés d’avoir trop pleuré, Shobna Audit, 58 ans, vit l’épreuve la plus atroce de son existence. Elle a perdu deux enfants en l’espace de deux jours, durant la semaine écoulée. Kailash, 22 ans, et Poonam, 18 ans, sont décédés suite à un accident à La Vigie, le lundi 3 février. «Enn sel kout monn perdi mo dernyer garson ek mo dernyer tifi. Ma vie n’a plus de sens. Comment vais-je survivre à cette tragédie ?» pleure Shobha, en se tenant la tête entre les deux mains.
Les deux jeunes se trouvaient à bord d’un taxi, conduit par le fiancé de Poonam, Arulen Chuckravanen, 17 ans, quand celui-ci a perdu le contrôle de la Chevrolet Cruze appartenant à son père en voulant doubler un autobus du United Bus Service. Le véhicule a heurté une borne avant de faire plusieurs tonneaux. Kailash Audit est décédé sur le coup, de même que Harish Sabbhajee, son voisin âgé de 14 ans, qui était sorti ce jour-là sans prévenir ses parents (voir le témoignage de son père en hors-texte). Poonam, grièvement blessée, avait été hospitalisée ainsi que deux autres occupants de la voiture : Alvaro Chaton, 18 ans, et Kevin Nanack, 15 ans, et le conducteur Arulen Chuckravanen – ces derniers sont toujours en soins à l’hôpital. Hélas, la jeune fille, elle, n’a pas survécu à ses blessures.
La nouvelle de sa mort est tombée comme une bombe sur ses proches, mercredi, alors même qu’ils allaient démonter la tente ayant servi aux funérailles de son frère la veille, au crématoire de la localité, à Dubreuil. Poonam n’a pu, quant à elle, être incinérée au même endroit, comme le souhaitait sa famille. En raison du cyclone Edilson, ses proches n’ont pu trouver un transport pour ramener sa dépouille à Dubreuil et elle a donc dû être incinérée à Palma. Une énième souffrance pour Shobha qui doute de pouvoir se remettre un jour d’une telle épreuve. «C’est très dur pour moi car j’ai perdu deux enfants tragiquement. Je ne réalise toujours pas ce qui m’arrive. C’est une dure vérité. Je ne sais pas ce que je vais devenir sans eux», se lamente Shobha, en état de choc.
Virée tragique
Sa petite bicoque en tôle, où elle vivait avec ses deux derniers enfants, lui semble désormais bien vide – son fils aîné Avinash vit dans une autre maison en tôle à côté avec sa femme et sa fille, alors que son fils cadet et sa fille aînée, mariés, vivent à Bel-Air. Son fils Kailash, qui collectionnait les petits boulots, et sa fille Poonam, qui travaillait dans un magasin, l’aidaient à joindre les deux bouts. Car, en plus de son modique salaire de laboureur dans un champ de légumes à temps partiel, elle ne touche qu’une maigre pension de veuve depuis six ans, suite au décès de son époux d’une longue maladie.
Aujourd’hui, ses deux enfants partis, elle n’a que ses yeux pour pleurer et son cœur pour souffrir. Et dire que ce jour-là, les deux jeunes, raconte Shobha, étaient sortis pour se détendre. Arulen, le fiancé de Poonam depuis un an, était venu rendre visite à sa fille. «Il était accompagné de son cousin et d’un ami. Après une virée dans la localité, Arulen a embarqué ma fille et mon fils, de même que Harish, à bord de sa voiture pour une petite promenade. L’accident s’est produit alors qu’ils se rendaient à Forest-Side pour approvisionner le taxi en carburant. C’est du moins ce qu’on m’a dit», confie Shobha.
Son fils Avinash explique, pour sa part, que c’est le cousin d’Arulen qui était assis sur le siège passager avant : «C’était la première fois qu’il venait chez nous. J’ai cru comprendre que c’est lui qui avait conduit de chez eux, à Petit-Bel-Air, jusqu’à Dubreuil. Mon frère a, par la suite, pris le volant pour un petit tour dans la localité. Ensuite, c’est Arulen qui a pris la place du conducteur lorsque la bande s’est dirigée vers Forest-Side pour faire le plein. Tout laisse croire qu’ils allaient ensuite se rendre à Curepipe pour manger quelque chose.» Mais en route, le drame est survenu.
«Mo garson ek mo tifi pu mank mwa me si bondie inn bizin zot mo respecte so swa», lance Shobha, écrasée de chagrin. Elle n’a pas fini de regretter ses deux enfants partis dans des circonstances horribles, mais qui lui laissent malgré tout de bons souvenirs. Des souvenirs auxquels elle s’efforce de s’accrocher pour ne pas perdre la tête. «Nou fami byen mizer. C’est la principale raison pour laquelle Kailash et Poonam ont mis fin à leurs études après le Certificate of Primary Education. Zot ti pe aid mwa boukou. Je ne sais pas ce que je vais devenir sans eux car j’ai perdu les deux piliers de ma famille.»
Des projets, ses deux benjamins en avaient plein la tête, selon elle : «Ils faisaient des démarches pour obtenir l’aide du gouvernement en vue de construire une maison en dur sur le terrain de l’État qu’on loue à bail. Poonam avait aussi commencé à économiser pour financer son mariage. Elle fréquentait ce garçon depuis deux ans. Ils s’étaient rencontrés à Curepipe. Mais ils n’avaient pas encore fixé de date pour leur mariage.»
Au lieu d’un beau mariage dans quelques années, ce sont les funérailles de Poonam et celles de son frère que les Audit ont dû organiser. Ils ont le cœur en lambeaux d’avoir perdu à jamais non pas un, mais deux membres de leur famille, partis trop tôt et les laissant désemparés par la tristesse. Dans sa douleur, Shobha tient tout de même à remercier ceux qui lui ont témoigné de la sympathie et soutenue dans ces moments difficiles, notamment le Conseil de district de sa localité, qui l’a aidée dans l’organisation des funérailles de Kailash. Des témoignages de soutien qui mettent un peu de baume à son cœur qui n’arrête pas de saigner, encore et encore…
Arulen Chuckravanen dans de sales draps
Il n’a pas de permis. Mais c’est lui qui se trouvait au volant de la Chevrolet Cruze au moment de l’accident fatal. Dès sa sortie de l’hôpital, Arulen Chuckravanen, 17 ans, devra comparaître en cour pour triple homicide involontaire après le décès de sa fiancée Poonam, de Kailash, le frère de cette dernière, et de Harish, leur voisin de 14 ans. La police attend aussi de l’interroger pour connaître les circonstances exactes de cet accident. Selon les premières indications de l’enquête, le jeune homme roulait trop vite au volant de la Chevrolet Cruze appartenant à son père. De plus, il pleuvait ce jour-là. La vitesse et l’asphalte glissant n’ont fait qu’aggraver la situation lorsqu’il a dérapé en doublant un autobus.