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Adeellah : «Mon bébé miracle, un cadeau de la vie»

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Adeellah à l’heure du biberon.
Elle en profite pour échanger quelques mots avec celui qui, dit-elle, lui a sauvé la vie

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Adeellah à l’heure du biberon.
Elle en profite pour échanger quelques mots avec celui qui, dit-elle, lui a sauvé la vie

Alors que l’île Maurice était plongée dans une terrible tristesse le jeudi 3 mai, suite à l’accident mortel de Sorèze ayant fait dix morts, une histoire avait apporté un peu de baume au cœur de la population. Cette histoire, c’est celle d’Adeellah Emambokus et de son petit garçon, né quelques heures après le drame. Sept mois après son traumatisme, cette rescapée de l’autobus Blue Line 4263 AG 07 revient sur ce douloureux épisode de sa vie, parle de son accouchement et de sa reconstruction.

Sa vie a bien failli s’arrêter net sur la route de Sorèze. Là où dix autres personnes ont péri, le 3 mai dernier. Et pas seulement la sienne mais aussi celle du bébé qu’elle attendait d’un jour à l’autre. La vie lui a, au contraire, souri en ce jour où tant de larmes ont été versées. Elle, c’est Adeellah Emambokus, 30 ans, qui se considère depuis comme une «miraculée». «J’ai eu la chance de survivre, de mettre au monde le bébé que j’attendais depuis huit mois et demi et qui heureusement n’a eu aucune séquelle après sa naissance. Je suis consciente de ce cadeau magnifique que la vie m’a fait en ce jour fatidique. Car je suis toujours avec ma famille alors que cela aurait pu ne pas être le cas», nous confie avec émotion la jeune femme que nous avons rencontrée à son domicile à Vacoas.

Toutefois, quand on l’observe, on ne voit aucun signe indiquant qu’elle a subi un traumatisme énorme il y a seulement sept mois. Car, si elle reste marquée à vie au plus profond d’elle-même, Adeellah Emambokus a tout de même retrouvé ses repères. Et c’est sans conteste son petit bout de chou, répondant au doux prénom de Madiyan, qui a contribué à sa reconstruction. «C’est grâce à mon bébé miracle que j’ai pu me reconstruire. Car au moment où je risquais de mourir dans cet autobus, je me suis accrochée très fort à mon ventre. Je parlais à mon bébé, je lui disais de tenir bon. Pour lui, je me suis battue pour rester en vie», soutient-elle en serrant son fils affectueusement contre elle. Impossible pour elle, à cet instant précis, de ne pas revenir sur les circonstances de ce drame horrible. Aux côtés de son époux Mahdi Hosany qui lui tient la main, comme pour la soutenir, Adeellah Emambokus remonte le temps, douloureusement. «Je dormais dans le bus lorsque le receveur a lancé un premier appel aux passagers. Les gens commençaient à paniquer. Et lorsque le chauffeur a entamé le virage de Sorèze, j’ai vraiment cru que j’allais mourir. J’ai serré mon ventre, puis j’ai jeté un bref coup d’œil au passager qui était assis à côté de moi. La peur se lisait sur son visage et je me suis dit que je ne pouvais pas compter sur lui pour me protéger. Je me suis sentie très seule, abandonnée. Puis j’ai levé les yeux en direction du chauffeur. Il me regardait dans le rétroviseur. Il y avait comme une communication entre nous. Comme s’il craignait pour ma sécurité vu que j’étais enceinte. Il cherchait aussi les regards de tous les passagers. C’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Puis d’un coup, j’ai senti une main sur moi. C’était un homme qui avait eu le réflexe de me protéger. Ce n’est qu’à cet instant que je me suis sentie rassurée, je savais qu’il y avait quelqu’un pour moi», raconte la jeune mère d’une voix remplie d’émotion.

Aujourd’hui, elle veut plus que tout nouer des liens solides avec celui qu’elle appelle son sauveur. Lui, c’est Sanjay Ramdhayan qu’elle a eu l’occasion de rencontrer lors d’une cérémonie en hommage au chauffeur disparu et aux neuf passagers décédés, dans les locaux de La Sentinelle, le samedi 14 décembre. D’ailleurs, le 25 décembre, Adeellah et sa petite famille prévoient de rencontrer de nouveau l’homme en question.

Mère Noël

«C’est la moindre des choses. Nous allons le voir ainsi que toute sa famille. Sans Sanjay, peut-être que mon bébé et moi n’aurions pas survécu. Je jouerai les Mères Noël ce jour-là», dit-elle fièrement. Elle tient à faire ce geste qui représente beaucoup pour elle. Mais ce n’est pas tout. Elle a aussi un autre projet tout aussi noble qu’elle veut par-dessus tout réaliser pour Noël. «À chaque fois, je pense à cette adolescente qui a perdu sa mère et son père dans l’accident ce jour-là. Et je ne peux m’empêcher de me demander ce que mon fils aîné qui a 3 ans et mon mari seraient devenus si j’étais morte. J’ai toujours rêvé de la rencontrer. Et si Dieu le veut, ce sera pour Noël ou pour le Nouvel An.»

Adeellah repense aussi souvent à une autre personne à qui elle doit également son salut : le receveur Ram Bundhoo. Même s’il était blessé, il a, selon la jeune femme, supplié les autorités de la sortir de l’autobus accidenté. «J’ai été l’une des premières personnes à être transportée à l’hôpital, ce, grâce au receveur qui hurlait qu’on me sorte car j’étais enceinte. Après l’impact, j’étais restée coincée sous une banquette alors que la jambe de Sanjay Ramdhayan était prise au piège. Il ne pouvait bouger pour m’aider. Je me souviens aussi de ce médecin chinois qui m’a examinée dès qu’on m’avait extirpée de ce tas de ferraille. Je veux lui dire merci. Puis on m’a transportée à l’hôpital dans un véhicule de la police. J’avais très peur pour le bébé car mon ventre était devenu très dur, je ne le sentais plus bouger. C’était la panique. Mais à l’hôpital, on s’est très bien occupé de moi. Toutefois, j’ai préféré qu’on me transfère à la clinique car les médecins avaient tellement à gérer ce jour-là. Une fois à la clinique, j’ai rencontré toute ma famille avant la césarienne», se souvient Adeellah.

Toutefois, même si aujourd’hui son bébé est en bonne santé et même si elle a surmonté la terrible épreuve de l’accident, Adeellah éprouve un certain sentiment d’échec. Car elle n’a pu donner naissance normalement à son bébé comme elle le souhaitait. «C’était mon rêve. J’avais eu recours à une césarienne quand j’avais accouché de mon fils aîné. Et durant la grossesse, mon médecin m’avait dit qu’il n’y avait aucune raison pour que je n’accouche pas normalement. Mais cet accident a brisé mon rêve. Même si mon col était dilaté, je ne pouvais faire l’effort nécessaire pour mettre au monde mon bébé.»

Après trois mois de congé de maternité, suivis de trois autres semaines de congé, elle a repris le chemin du boulot. Et par obligation, elle voyage toujours à bord des autobus de la CNT, mais avec la peur au ventre. «Désormais, je ne dors plus dans les autobus. Je surveille les moindres faits et gestes du chauffeur. Je suis parée à faire face à tout danger. À chaque destination, je dis merci au Très-Haut. Chaque jour qui passe est un cadeau de plus. Grâce à l’accident, je réalise mieux l’importance de la vie, de la famille. Même si le temps me guérit petit à petit et que ma famille m’est d’un grand soutien, je ne pourrai jamais effacer ce que j’ai vécu de ma mémoire.»

Malgré tout, aujourd’hui, elle est une femme heureuse, épanouie et qui jouit de chaque seconde qui lui est offerte. «Cette année, je vais offrir le plus beau des Noël à mes deux fils, Madiyan et Mehran. Je leur réserve plein de surprises ainsi qu’à mon mari.» Un souhait pour 2014 ? «Je veux avant tout que 2013 s’en aille au plus vite. J’ai hâte de laisser cette année derrière moi. D’ailleurs, je ne sais pas si un jour j’aurai le courage d’expliquer à mon fils les circonstances de sa naissance, que ce jour-là, dix personnes sont mortes. J’ai peur que cela l’affecte psychologiquement. Mais j’ai encore du temps pour penser à tout ça. J’espère aussi que les autorités tireront des leçons de ce drame et qu’à l’avenir, elles arrêteront de se renvoyer la balle et accepteront leur part de responsabilité. Lorsqu’on a essayé de faire porter le chapeau au chauffeur, j’ai eu très mal. J’ai même pleuré car je savais qu’il avait pris la bonne décision.»

Pour 2014, elle souhaite également au pays tout plein de bonnes choses. «Chacun a eu son lot de malheurs en 2013. Espérons que 2014 sera mieux dans tous les sens du terme.» Pour l’heure, elle profite à 200 % de sa famille et de son magnifique cadeau : la vie.

Sanjay Ramdhayan, le «sauveur» : «Madiyan représente le fils que je n’ai pas eu»

Alors que sa vie était en danger, il n’a pas hésité une seule seconde à venir en aide à son prochain. Homme au grand cœur, Sanjay Ramdhayan, père de deux enfants, a eu le bon réflexe au bon moment, lors de l’accident de Sorèze. «Je savais que la femme enceinte n’allait pas s’en sortir si quelqu’un ne lui venait pas en aide. Tout le monde était paniqué et préoccupé à assurer sa propre survie. Sans réfléchir une seule seconde, je me suis approché d’elle et j’ai protégé son ventre. C’était instinctif », dit-il avec modestie. Aujourd’hui, il est très heureux que la jeune femme et son bébé soient en bonne santé. «Je suis fier que la maman et le bébé se portent à merveille. J’ai adoré les rencontrer dans les locaux de La Sentinelle. J’ai tenu le bébé dans mes bras, c’était magique. Il est un peu comme le fils que je n’ai pas eu. Car j’ai deux filles. Maintenant ils ont un frère de cœur.»

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