• Il a été libéré sous caution après huit mois de détention préventive - Vishal Shibchurn : «Mo ena ankor bokou revelasion pour fer»
  • Le nouveau cabinet ministériel à la loupe - Kris Valaydon, observateur politique : «Le chantier est vaste pour le nouveau gouvernement...»
  • Des Junior Ministers «motivés»
  • Moi, ministre pour la première fois, je vais…
  • Au feu, les pompiers… sont enfin là !
  • Mare-Chicose en feu : le calvaire des villageois au bord de l'étouffement
  • 1ers Championnats d’Afrique d’air badminton : Maurice s’offre le bronze en équipe
  • Ruqayah B. Khayrattee met la femme en avant
  • Huawei Watch GT 5 Pro : du premium autour du poignet
  • Donald Trump, sa mission pour «sauver l’Amérique» et les «incertitudes»

Les raisons du drame racontées par ses proches

maison KPune3.jpg

Cette maison a été le théâtre d’un horrible drame dans la soirée du mercredi 11 décembre.

victime.JPG

Cette fillette vivait avec un fardeau beaucoup trop lourd. Harcelée sexuellement, agressée verbalement et physiquement par l’ami de son père, elle a fini par tuer celui-ci d’un coup de couteau dans le dos. Pourtant, bien avant ce terrible drame, l’enfant avait fait part de son calvaire à ses parents sans que ces derniers ne la prennent au sérieux. Des proches à qui la petite racontait ses malheurs témoignent du calvaire qu’elle vivait au quotidien.

Jour après jour, sa colère s’intensifiait. Et son petit cœur d’enfant se meurtrissait de plus en plus. Cette fillette de 10 ans vivait une situation des plus difficiles, dans une indifférence presque totale. Ce n’est pas faute d’avoir appelé à l’aide, d’avoir encore et encore crié sa souffrance à ses parents afin que ces derniers mettent fin à son calvaire. Il a malheureusement fallu un horrible drame pour que la lumière soit faite sur les conditions de vie, ô combien difficiles, de cette petite fille. Harcelée sexuellement, agressée physiquement, puis assaillie par un flot de jurons les uns plus humiliants que les autres, celle qu’on prénommera Jessica n’a pu supporter une énième maltraitance.

Vers 22h15, le mercredi 11 décembre, à son domicile à Impasse Derby, Forest-Side, elle a fini par poignarder son prédateur d’un coup de couteau dans le dos, après que ce dernier lui eut, une fois de plus, fait des avances à caractère sexuel avant de l’injurier. En guise de riposte, Jessica a lancé une télécommande au visage de son assaillant, un dénommé Jocelyn Veerasamy, âgé de 51 ans. Ce qui a eu pour effet d’énerver ce dernier qui a, à son tour, giflé la gamine. À bout de nerfs et ne mesurant pas la portée de son acte, Jessica s’est saisie d’un couteau de cuisine et l’a poignardé mortellement.

Peu après, elle a été arrêtée et placée en cellule policière durant la nuit de mercredi à jeudi, avant d’être transférée au Rehabilitation Youth Centre de Petite-Rivière le lendemain, en pleine polémique nationale sur son arrestation et ses conditions de détention. Le vendredi 13 décembre, le Directeur des poursuites publiques a décidé de ne retenir aucune accusation provisoire contre Jessica, dont la garde a été confiée à une tante.

Toute cette tragique affaire a, en tout cas, permis de lever le voile sur les conditions dans lesquelles vivait Jessica. Comme en témoigne un oncle de la fillette. «Cela fait trois ans que Jocelyn vivait chez les parents de Jessica. Le père de la petite et lui étaient amis. Et quand la maisonnette de Jocelyn a été rasée, le père de Jessica l’a accueilli chez lui. À l’époque, ils travaillaient ensemble au marché de Vacoas comme porteurs», raconte ce proche. Selon lui, c’est à partir de là que l’existence de Jessica a basculé.

Clifford (prénom fictif), le père de Jessica, faisait, à en croire notre interlocuteur, aveuglément confiance à son ami. Mais vraisemblablement, il avait tort. «Le comportement de Jocelyn à l’égard de Jessica n’était pas le même qu’envers ses quatre frères et sœurs. Il était toujours sur son dos, lui donnait des ordres sans que ses parents n’interviennent», souligne-t-il. Par la suite, les choses ont pris une tournure beaucoup plus inquiétante. «Jessica avait dit à ses parents, à plusieurs reprises, que Jocelyn lui faisait des attouchements sexuels et l’injuriait. Mais ils ne l’ont pas prise au sérieux. Elle s’est alors tournée vers moi et m’a raconté ce que Jocelyn lui faisait subir. J’en ai parlé à ses parents qui ont alors pris la décision de mettre Jocelyn à la porte. Mais cinq mois plus tard, ce dernier est revenu et a demandé pardon. Il a supplié Clifford de le reprendre sous son toit et a juré qu’il avait changé et qu’il n’allait plus jamais harceler Jessica. Clifford l’a cru et a accepté de le reprendre», déplore l’oncle de la petite.

Pour comprendre la raison qui a poussé Clifford à accueillir à nouveau son ami sous son toit, il faut connaître, selon l’oncle de la fillette, la situation financière de cette famille. Avec cinq enfants à nourrir, dont l’un souffre d’un handicap et bénéficie d’une pension d’invalidité, une femme au foyer et un père qui a dû arrêter de travailler en raison d’une épaule endommagée par les chargements trop lourds qu’il portait au marché et touchant une aide sociale de l’État, les temps étaient durs. «Avec un loyer à payer et cinq petites bouches à nourrir, Clifford a accepté, un peu par dépit, de reprendre son ami sous son toit. Car ce dernier aidait à faire bouillir la marmite», soutient l’oncle de Jessica.

Il avance par ailleurs que tout ce beau monde vivait dans la promiscuité, dans une maison de trois pièces seulement, réparties comme suit : un salon qui fait aussi office de chambre à coucher pour les parents, une cuisine et une unique chambre à coucher dans laquelle dormaient Jessica, ses quatre frères et sœurs ainsi que Jocelyn Veerasamy alors que la salle de bains et les toilettes sont situées à l’extérieur de la modeste demeure.

«Il y a presque trois mois, Jessica est venue chez moi. Je n’habite pas très loin, donc elle est venue à pied. Et Jocelyn l’a suivie durant tout le trajet. Il épiait ses moindres faits et gestes. La petite retenait sa respiration. Ce jour-là, Jessica était très furieuse que cet homme l’ait suivie et m’a raconté son calvaire dans les détails. Elle m’a dit, entre autres, que Jocelyn avait pour habitude de l’épier quand elle prenait sa douche. Elle l’avait dit à son père qui a fait la sourde oreille. Lorsqu’elle était seule avec Jocelyn, celui-ci ne ratait jamais l’occasion de lui faire des attouchements. Et le soir, il en profitait encore plus vu qu’il dormait dans la chambre des enfants.»

Une autre tante, que nous avons rencontrée, confie elle aussi que les parents de Jessica étaient prêts à fermer les yeux sur les malheurs de leur enfant pour une raison bien précise : manger à leur faim. «Enn fami pa facil sa», confie-t-elle, énervée. «Ils sont pauvres. Mais ce qui est arrivé à la petite, tout ce qu’elle a eu à subir, est bien triste. C’est sans doute aussi l’alcool qui est derrière ce drame. Jocelyn consommait souvent de l’alcool.»

Rencontré vendredi, le père nous a confié que sa fille lui avait effectivement dit que Jocelyn Veerasamy avait essayé de l’agresser mais il n’a pas voulu nous en dire plus. «Pou le moman mo latet fatigue, mo envi kit sa lakaz kot inn ariv tousala ale», nous a-t-il déclaré.

Finalement, face à des parents qui ne réagissaient pas, Jessica, qui était en Std V, a, à sa manière, tenté de se protéger elle-même de celui qui la harcelait sans arrêt. Aujourd’hui, même si le sort de cette enfant reste en suspens, beaucoup s’accordent à dire qu’au-delà d’être une meurtrière, elle est aussi quelque part une héroïne. Quoi qu’il en soit, elle reste une petite fille de 10 ans qui mérite d’avoir la vie rêvée d’un enfant de son âge. Même tardivement, même après avoir vécu l’enfer et commis un acte irréparable…

Jocelyn Veerasamy, présumé prédateur sexuel : sa famille témoigne

Certains de ses proches ne l’ont pas vu depuis trois ans, d’autres depuis deux ans. Et c’est par un appel téléphonique qu’ils ont appris le malheur qui s’est abattu sur lui dans la nuit du 11 décembre. Si ses proches s’accordent à dire que Jocelyn Veerasamy était perçu comme quelqu’un de vulgaire, ils ne connaissaient pas, disent-ils, son côté pervers.

Selon ces personnes qui côtoyaient Jocelyn Veerasamy, celui-ci en a fait voir de toutes les couleurs à sa famille. Plus précisément à sa mère Agnès. «Il se bagarrait souvent avec elle, pour n’importe quoi. Son père est décédé il y a très longtemps et après que ses frères et sœurs se sont mariés, Jocelyn, lui, toujours célibataire, vivait avec sa mère», confie une de ses belles-sœurs qui a souhaité garder l’anonymat. Selon elle, c’est son penchant pour la bouteille qui a fait qu’il n’a pu trouver une fille à épouser.

«Les relations entre sa mère et lui étaient des plus difficiles. Au final, Agnès est allée vivre chez un proche pour ne plus avoir à supporter son fils. Elle est morte il y a cinq ans. Depuis, Jocelyn faisait le va-et-vient entre la maison familiale et celle de son ami à Forest-Side jusqu’au jour où on ne l’a plus revu», soutient notre interlocutrice.

Une autre personne de la famille revient sur son côté «très vulgaire» : «Il aime dire des jurons. Mais il n’a jamais fait des avances sexuelles à qui que ce soit dans notre famille. Il n’a que deux défauts : la bouteille et les jurons.»

Si ses proches disent ne pas le connaître comme un «pervers», d’autres personnes vivant à Curepipe affirment qu’il l’était bel et bien, comme en ont témoigné deux auditeurs de Radio One, hier matin, durant l’émission Polémique, animée par Finlay Salesse. Une jeune femme a déclaré le connaître depuis qu’elle était enfant et qu’il taquinait déjà à l’époque les fillettes de la région alors qu’un homme a affirmé qu’il était connu dans certains quartiers de Curepipe comme un pervers aimant les petites filles.

Véronique Wan Hok Chee, psychologue : «Son acte démontre qu’elle a enduré beaucoup trop de souffrance»

Pour la psychologue Véronique Wan Hok Chee, une chose est claire. «Cette fille a encaissé beaucoup trop. C’est ce qui l’a fait déraper. Quand un enfant vit dans un environnement à risque et que personne ne le prend au sérieux, surtout quand on évoque des agressions sexuelles, cela peut le pousser à commettre le pire. Soit il se suicide, soit il tue son agresseur. Mais, dans ce cas précis, je pense que la fillette a dû, dans le passé, être témoin de scènes violentes à son domicile. Car, quand on est enfant, on pleure pour extérioriser sa colère, on ne saisit pas un couteau. À présent, la fillette doit être encadrée psychologiquement pour qu’elle apprenne à contrôler sa colère, à s’exprimer avec des mots.»

Agressions sexuelles sur mineures : Les chiffres de la honte

Au ministère de l’Égalité des genres et de la Protection de l’enfant, les cas rapportés d’enfants victimes d’abus sexuels se multiplient au fil des jours. D’ailleurs, les chiffres compilés par ce ministère témoignent de la gravité de la situation dans l’île. De janvier à décembre 2010, 139 cas d’abus sexuels sur mineurs ont été recensés, contre 302 de janvier à décembre 2011. Alors que pour la même période en 2012, il y a eu 17 victimes de plus, soit 319 au total. Et de janvier à juin 2013, 183 cas d’abus sexuels ont été répertoriés. Selon le ministère, les chiffres avancés englobent également des victimes d’actes incestueux subis par un de leurs proches parents.

Mireille Martin, ministre de la Protection des droits de l’enfant : «Qu’on respecte ses droits»

Elle n’est pas restée insensible au cas de la petite Jessica, qui a commis le pire le mercredi 11 décembre. Sollicitée pour une réaction, la ministre Mireille Martin déclare que les droits de l’enfant doivent être respectés : «C’est une affaire très délicate qu’il faut prendre avec des pincettes. Car il s’agit d’une enfant. Nous suivons l’affaire de près. On veille surtout à ce que les droits de cette enfant soient respectés, que tout soit fait selon la Convention des droits de l’enfant s’agissant d’une arrestation.» Dans le cadre de cette affaire, une rencontre a eu lieu le samedi 14 décembre entre la ministre de la Protection des enfants, l’Ombudsperson for Children et le ministère de la Santé. Les officiers du Probation Office étaient, eux, absents de la réunion. «Nous nous sommes réunis pour décider de la marche à suivre. Toutefois, nous sommes suspendus à l’évaluation du ministère de la Santé sur l’état mental de la fille. Le rapport sera soumis durant la semaine», dit-elle. Pour l’heure, la fille n’a, selon la ministre, bénéficié d’aucun soutien psychologique. «Il faut attendre le rapport du ministère de la Santé. Mais nous sommes en contact avec les parents et ils auront l’aide d’un psychologue.»

Le travailleur social Mahen Saulick : «Soutenir la fillette à 100 %» 

Il est de ceux qui ont apporté leur soutien à Jessica et à ses proches quand toute cette affaire a éclaté. Et le vendredi 13 décembre, Mahen Saulick, travailleur social de la région de Curepipe et membre de l’ONG KAPAV, a attendu durant de longues heures devant le tribunal de Curepipe pour soutenir la fillette. Il se réjouit qu’aucune charge provisoire n’ait été retenue contre elle. «Pour l’heure, nous suivons la famille de près. Nous la soutenons, ainsi que la fille. Nous allons suivre son parcours scolaire et l’aider d’une manière ou d’une autre à se reconstruire et à avoir une vie meilleure.»

Trois nouveaux centres pour enfants en détresse bientôt opérationnels

Face au nombre grandissant d’enfants en détresse, le Conseil des ministres, réuni le vendredi 13 décembre, a pris la décision de mettre à la disposition des autorités concernées, trois nouveaux centres pouvant accueillir ces petits. Les régions de Belle-Rose, Floréal et Curepipe ont été identifiées pour accueillir ces centres. De son côté, le ministère de l’Égalité des genres et de la Protection des enfants lance un programme de familles d’accueil pour un meilleur encadrement des enfants à problèmes.

Archive: