• Il a été libéré sous caution après huit mois de détention préventive - Vishal Shibchurn : «Mo ena ankor bokou revelasion pour fer»
  • Le nouveau cabinet ministériel à la loupe - Kris Valaydon, observateur politique : «Le chantier est vaste pour le nouveau gouvernement...»
  • Des Junior Ministers «motivés»
  • Moi, ministre pour la première fois, je vais…
  • Au feu, les pompiers… sont enfin là !
  • Mare-Chicose en feu : le calvaire des villageois au bord de l'étouffement
  • 1ers Championnats d’Afrique d’air badminton : Maurice s’offre le bronze en équipe
  • Ruqayah B. Khayrattee met la femme en avant
  • Huawei Watch GT 5 Pro : du premium autour du poignet
  • Donald Trump, sa mission pour «sauver l’Amérique» et les «incertitudes»

Des Mauriciens au cœur d’un douloureux adieu

mandela1.jpg

Curtis, Antonio, Widley et Prakash racontent leur belle expérience.

Vishwani un.jpg

Vishwani Stevens-Cahoolessur et ses filles au Water Front à Cape Town. Elle a aussi visité sa cellule.

Alors que les yeux du monde sont tournés vers l’Afrique du Sud, des Mauriciens installés là-bas nous racontent pourquoi ils vont se faire un devoir d’aller participer aux cérémonies en hommage au héros de la lutte pour l’égalité entre les Noirs et les Blancs.

Comme un seul homme, comme une grande famille… toute l’Afrique du Sud pleure. Depuis l’annonce du décès de Nelson Mandela, le leader de la lutte anti-apartheid, jeudi soir, à l’âge de 95 ans, les hommages pleuvent. Alors que le monde entier a les yeux tournés vers ce pays en deuil, des compatriotes installés au pays de Madiba (le nom de clan de l’ex-président) saluent eux aussi comme il se doit la mémoire de l’icône mondiale qui a lutté pendant six mois contre la mort et toute sa vie contre l’injustice, au prix de 27 ans de prison.

Face à tout ce que représentait Mandela, la Mauricienne Vishwani Stevens-Cohoolessur ne peut pas ne pas être partie prenante, dit-elle, des cérémonies en son honneur. «Je vis en Afrique du Sud depuis neuf ans et ayant côtoyé des Sud-Africains de toutes les couches sociales et de toutes les couleurs, je faillirais à mon devoir si je ne rendais pas hommage à Madiba», nous confie Vishwani qui se sent comme chez elle dans son pays d’adoption : «Les Sud-Africains m’ont raconté à quel point ils ont souffert sous la domination blanche et Mandela leur a fait connaître ce que c’est que la liberté.»

Et depuis qu’elle vit là-bas avec sa famille, la Mauricienne s’est fait un devoir de tout connaître de l’histoire de celui que beaucoup surnomment aussi «Tata» (père) : «J’ai visité à deux reprises Robben Island, où il a été détenu. L’atmosphère de ce lieu parle d’elle-même. Je ne connais personne qui, après avoir subi tant d’humiliations et d’abus, pourrait pardonner à ses tortionnaires, comme l’a fait Mandela.»

Car pour elle, comme pour bon nombre de Sud-Africains, l’Afrique du Sud est devenue ce qu’il est grâce à ce combattant hors pair qui n’a pas hésité à donner de lui-même pour ses convictions : «Sans la sagesse de Madiba, l’Afrique du Sud aurait connu une guerre civile. Il a su calmer les esprits et amener le peuple noir à pardonner.»

Et pour dire au revoir, comme il se doit, à celui qu’elle décrit comme un «symbole de paix», Vishwani pense participer, dans les jours à venir, à une des nombreuses cérémonies en sa mémoire : «Je pense aller au Nobel Square au front de mer de Cape Town avec mes enfants. Une de mes filles a d’ailleurs déjà préparé une petite note. Il est aussi prévu qu’on assiste à une messe spéciale à l’église de Durbanville.»

Il est pour elle très important que la jeune génération prenne Nelson Mandela en exemple : «Mes enfants savent que c’est grâce à Madiba qu’ils ont aujourd’hui le droit d’habiter où ils veulent ou encore d’avoir des amis de toutes les races.» Dans tous les cas, poursuit-elle, l’héritage que Mandela laisse derrière lui est riche en apprentissage : «La capacité de pardonner est un des enseignements les plus importants que nous devrions tous retenir de Madiba.» La force et le courage du grand homme l’inspirent d’ailleurs au quotidien : «Pour lui, il fallait toujours aller de l’avant sans se laisser abattre. Comme il le disait si bien : “A winner is a dreamer who never gives up”.»

Comme pour Vishwani Stevens-Cahoolessur, Mukhtar Joonas, le consul honoraire de Maurice en Afrique du Sud, participera aussi à l’une des cérémonies d’adieu prévues : «En signe de solidarité et de respect, j’irai rendre un dernier hommage à cet homme qui a marqué plus d’un de par sa lutte pour la justice pour tous. Les leçons et les valeurs qu’il laisse derrière lui sont nombreuses et il faut s’en inspirer et les inculquer à nos enfants. Il dégageait de très belles choses comme le pardon, la patience, la tolérance, la diplomatie, la réconciliation et l’esprit de leadership. Il avait cette capacité à toucher les gens et tout le monde, même les enfants, avaient de l’affection pour lui. d’ailleurs ma fille de 4 ans l’appelait

“Tata Madiba. ”»

Et c’est en communion avec le monde et tous les Sud-Africains que Mukhtar et les siens vont dire adieu à celui qui a su rassembler l’Afrique du Sud… Comme un seul homme, une grande famille !

«On a eu la chance de le rencontrer»

Pour eux, c’est une «grâce» d’avoir pu «partager des moments privilégiés» avec le «grand Nelson Mandela». Prakash Ramsurrun, 36 ans, fait partie de ceux là. Car depuis 2005, le jeune homme, qui détient un doctorat en science du sport, a cultivé une «grande amitié» avec l’ex-président de l’Afrique du Sud. C’est sur son lieu de travail – à l’époque il était à l’hôtel St Géran – qu’il a rencontré pour la première fois le leader de la lutte anti-apartheid qui y était en vacances: «Je travaillais au centre de remise en forme de l’hôtel, je lui ai proposé mes services et on s’est tout de suite très bien entendus.»

À tel point, que l’ex-président devait par la suite faire appel plusieurs fois au Mauricien qui n’a jamais hésité à faire de fréquents va-et-vient entre Maurice et l’Afrique du Sud : «Je lui avais élaboré un programme de rééducation taillé sur mesure. Aujourd’hui, le clan Mandela me considère comme un membre de la famille. J’ai aussi eu beaucoup d’échanges avec le grand homme qui s’est ouvert à moi.» Le grand homme est parti mais il sait que sa mort ne va pas «éclipser» ce qu’il a pu faire : «Il laisse un grand héritage derrière lui et beaucoup d’enseignements. La plus grande leçon qu’il nous a apprise : c’est le pardon. Il avait définitivement un grand cœur.»

La visite officielle de Mandela à Maurice en 1998, pour la pose de la première pierre de ce qui est aujourd’hui le Nelson Mandela Centre for African Culture Trust Fund, à La-Tour-Koenig, devait aussi permettre à d’autres Mauriciens de le côtoyer. À l’instar d’Antonio Arlanda, 58 ans, handyman et chauffeur pour le centre et son collègue Widley Rigobert, 57 ans, handyman. Les deux sont très fiers à chaque fois qu’ils regardent la photo qui a immortalisée leur moment de gloire aux côtés de Nelson Mandela. «C’est le genre de rencontre qui marque une vie», déclare Antonio Arlanda.

Ce n’est pas Curtis Lacarie et ses amis Fabrice, Kerry, Sandia, Sheila et Feroz qui diront le contraire. Car depuis l’annonce de la nouvelle de la mort de Madiba, ces jeunes qui travaillaient à l’hôtel où Mandela et sa famille venaient souvent en vacances se sont rappelés le «rêve éveillé» qu’ils ont vécu, quand lors d’une de ses visites, l’ex-président sud-africain avait accepté de poser pour une photo souvenir. «Je repense souvent à ces instants magiques», déclare Curtis Lascarie, qui se dit à jamais transformé par cette rencontre pas comme les autres !

Sud-Africains à Maurice : loin des yeux, près du cœur

Scotchés aux infos, branchés sur le Net, ils ne ratent pas les dernières nouvelles. Loin de leur pays, les Sud-Africains résidant à Maurice vivent la disparition de Nelson Mandela avec une grande tristesse mais ils sont de tout cœur avec leurs compatriotes. «Même si on s’y attendait, on est peinés, car le monde perd un de ses plus grands humanistes», déclare Ivan Vosloo, acting High Commissioner de l’Afrique du Sud à Maurice. Comme pour tous les Sud-Africains, Nelson Mandela symbolisait beaucoup pour lui : «C’était un grand homme pour l’Afrique du Sud mais aussi pour le monde.» Hanlie Blaise, une autre Sud-Africaine vivant chez nous, est elle aussi très peinée par cette douloureuse perte : «C’est une légende et les valeurs qu’il laisse derrière lui sont inestimables.» Son époux Fabrice, qui a eu l’occasion de rencontrer Madiba, partage son avis : «Il a accompli tellement de belles et bonnes choses…» Pour lui, Mandela était la gentillesse incarnée : «Je l’ai rencontré en 1990 en Afrique du Sud et il avait un tel charisme et dégageait tellement de bonnes ondes que je ne pouvais parler en sa présence.» C’est donc en communion avec tous les Sud-Africains qu’il suit toute l’actualité autour de ce triste événement.

Un homme, une légende

Nelson Mandela voit le jour en 1918, son père est alors le chef de son village. Il fréquente une école anglaise avant d’intégrer l’université pour des études de droit. Devenu avocat, il fonde le premier cabinet d’avocats noirs en 1939. À cette époque, la ségrégation règne en Afrique du Sud : les Noirs et les Blancs ne vivent pas de la même façon et en 1948, l’apartheid est officiellement mis en place. Les Blancs (les Afrikaners) proclament alors leur supériorité sur les Noirs. S’élevant contre cela, Nelson Mandela commence très tôt sa lutte contre la ségrégation et s’oppose à la politique raciste menée par le gouvernement. Arrêté en 1963, il est condamné à la perpétuité et emprisonné sur l’île de Robben Island. C’est là-bas qu’il attrape la tuberculose en cassant des cailloux. Il y restera 27 ans. Nelson Mandela devient alors le prisonnier le plus célèbre au monde. Plusieurs manifestations ont lieu pour demander sa libération et en 1990, le président sud-africain Frederik De Klerk, élu depuis six mois, le fait libérer. Un an plus tard, les lois sur la ségrégation sont supprimées. C’est la fin de l’apartheid. Par la suite, Madiba est élu président en 1994. Il restera neuf années au pouvoir. En 1993, il partage le prix Nobel de la Paix avec celui qui l’a fait libérer, Frederik De Klerk. Une journée lui est également dédiée, chaque année, le 18 juillet – jour de sa naissance –, le Mandela Day.

Il a dit…

«J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie avec des chances égales. J’espère vivre assez longtemps pour l’atteindre. Mais si cela est nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.»

«L’un des problèmes qui m’inquiétaient profondément en prison concernait la fausse image que j’avais sans le vouloir projetée dans le monde: on me considérait comme un saint. Je ne l’ai jamais été, même si l’on se réfère à la définition terre à terre selon laquelle un saint est un pécheur qui essaie de s’améliorer.»

Le monde en deuil

Une vague d’émotion partout à travers le monde. C’est ce qu’a provoqué l’annonce du décès du héros de la lutte anti-apartheid. De Pékin à New-York, en passant par Londres, Paris et les Etats-Unis, entre autres, drapeaux en berne et autres cérémonies ont rendu hommage au grand Madiba. «Nous avons perdu l’un des hommes les plus influents, les plus courageux et l’un des êtres humains les plus profondément bons (...) sur cette Terre», a déclaré Barack Obama.

Des funérailles historiques

L’Afrique du Sud se prépare à être le centre du monde. Pendant une semaine, une série d’hommages à Nelson Mandela est prévue et des funérailles nationales en présence des dirigeants du monde entier s’annoncent aussi historiques.

C’est le 15 décembre dans son village d’Ounu (dans le Sud) que Nelson Mandela sera inhumé.

À l’heure des condoléances

Prières et messages de sympathie. Mgr Maurice Piat, évêque de Port-Louis, et Mgr Ian Ernest, évêque de Maurice et archevêque de la Province de l’océan Indien, concélébreront un temps de prière œcuménique à la mémoire de Nelson Mandela aujourd’hui 8 décembre à 15 heures à la cathédrale Saint-Louis. Le Nelson Mandela Centre for African Culture Trust Fund à La Tour Koenig invite aussi tous les Mauriciens qui le souhaitent à venir signer un livre de condoléances qui est mis à la disposition du public à son siège, tous les jours, jusqu’au 15 décembre, de 9 heures à 16 heures. Le centre avait aussi organisé une marche silencieuse à Résidence Vallijee, vendredi soir, avec la participation du vice-Premier ministre Rashid Beebeejaun, du père Philippe Fanchette, président du centre, entre autres personnalités

et anonymes.

Réactions

Kailash Purryag, Président de la République : «Il est entré dans l’histoire au même titre qu’Abraham Lincoln, Mahatma Gandhi et autres.»

Navin Ramgoolam, Premier ministre : «Nous nous sommes inspirés de ce qu’a fait Madiba

pour créer la Commission Justice

et vérité.»

Paul Bérenger, leader de l’opposition : «C’est une immense perte pour l’humanité.»

Sir Anerood Jugnauth, ancien Président de la République : «Il avait du courage et de la conviction.»

La parole aux Mauriciens

Que retenez-vous de la vie de Nelson Mandela ? Réponses de nos interlocuteurs…

Martine Fong : «Ce que je retiens de ce grand homme c’est sa grande persévérance. Il est allé au bout de son combat.»

Sheila Seebaluck-Blackburn : «Il a d’abord pensé au bien-être de tout un peuple malgré toutes les épreuves.»

Sandhya Gooly Jhugroo : «Il s’est battu pour légalité pour tous.»

Ludovic Froget : «C’est un homme sans équivalent. Il n’a pas seulement pardonné, il a aussi su jeter certaines bases pour rebâtir une nation.»

Archive: