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Sa mère Nazirah : «Elle vivait un véritable calvaire»

La jeune femme laisse derrière elle son fils de sept mois.

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Nazirah Eckburally ne peut cacher sa révolte.

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Le frère et le père de la jeune femme sont inconsolables depuis le drame.

Selon ses proches, Zarina Goolamgoshkan était régulièrement battue par son époux. Mais leur dernière dispute a, hélas, viré au drame. L’homme aurait aspergé sa femme d’alcool avant de craquer une allumette pour la jeter sur elle. C’est ce que la jeune femme a confié à la police sur son lit d’hôpital avant de mourir quelques jours plus tard.

Jusqu’en 2009, Zarina menait une vie sans histoire. Âgée de

19 ans, elle venait de terminer son HSC et vivait paisiblement au domicile de ses parents à Triolet. Jusque-là, tout allait bien dans le petit monde de cette jeune fille qui croquait la vie à belles dents, avec des projets plein la tête. Mais il a suffi d’une rencontre avec un jeune homme pour que son existence bascule. Pourtant, ses parents lui avaient à maintes reprises déconseillé de fréquenter cet homme «peu recommandable». L’amour étant souvent plus fort que la raison, elle a choisi de n’écouter que son cœur et de vivre ce qu’elle croyait être un conte de fées aux côtés de son amoureux Ackbar Goolamgoshkan.

Elle était au comble du bonheur quand ce dernier lui a demandé sa main. Mais celui à qui elle avait dit «oui» pour le meilleur et pour le pire lui aurait surtout fait vivre le pire. Du moins, c’est ce qu’avancent les proches de Zarina Goolamgoshkan. Et ce qui est arrivé à la jeune femme, mère d’un garçonnet de sept mois, tend à leur donner raison. Zarina, plus connue sous le nom de Zoya, aurait été brûlée vive par son mari dans la nuit du 28 novembre. Elle est morte sur son lit d’hôpital une semaine plus tard, le jeudi 5 décembre.

Interrogée par la police avant de rendre son dernier souffle, elle a déclaré que son mari l’aurait aspergée d’alcool avant de lui lancer une allumette suite à une dispute conjugale. Arrêté et placé en détention, le présumé agresseur, qui habite également à Triolet, a nié les faits qui lui sont reprochés. Il a affirmé aux enquêteurs que son épouse s’était elle-même immolée pour tenter de mettre fin à sa vie.

Une version que les proches de Zarina ont toujours rejetée, d’autant que le jeune homme leur avait donné une autre explication le jour du drame. «Il nous a appelés pour nous dire qu’un accident s’était produit, que les vêtements de ma fille avaient pris feu alors qu’elle préparait à manger», confie Nazirah Eckburally, la mère de Zarina, complètement écrasée par cette tragique disparition. Tout comme les autres proches de la jeune femme, elle n’a pas de doute sur la culpabilité de son gendre dans cette affaire. Tous s’accordent d’ailleurs à dire qu’Ackbar était un homme violent qui tabassait régulièrement sa femme.

«Le calvaire de ma fille a commencé quand elle a épousé ce monstre. Elle venait souvent à la maison, le visage défiguré et portant des traces de blessures un peu partout sur le corps. Elle me racontait tout ce que son mari la faisait subir, comment il la frappait pour un rien», raconte Nazirah, la voix brisée par le chagrin. Et selon elle, sa fille aurait une fois de plus été rouée de coups par son époux pas plus tard que le samedi 23 novembre. «Elle m’avait appelée pour me demander de venir la chercher tellement son mari s’acharnait sur elle. Mais elle n’a pu terminer la conversation car celui-ci lui a arraché le téléphone des mains. Ce n’est que le lendemain que j’ai pu la voir ; elle avait le visage couvert de bleus», pleure-t-elle.

«Prendre soin de mon fils»

Au dire de Nazirah, à chaque fois que sa fille était battue, elle portait plainte à la police mais dès le lendemain, elle retournait au poste pour retirer sa déposition. «Elle aimait trop son mari. Je lui ai dit à maintes reprises de le quitter, mais elle faisait la sourde oreille. Elle ne voulait surtout pas priver son enfant de son père.» Mais qu’est-ce qui a poussé Ackbar Goolamgoshkan, 37 ans, chauffeur de camion de son état, à s’acharner avec une telle violence sur sa femme en ce jeudi 28 novembre ? Selon la mère de la victime il n’y a qu’une explication : «Avant d’épouser ma fille, Ackbar avait eu des jumeaux, un fils et une fille, aujourd’hui âgés de

7 ans, de son premier mariage. Après le décès de leur mère, Ackbar avait fait des démarches pour qu’ils obtiennent une pension de l’État. Après son accouchement, Zarina a eu des difficultés à trouver une nounou pour garder son fils quand le moment de reprendre le travail est arrivé. Au final, elle a décidé d’arrêter de travailler et a fait une demande de pension pour son enfant.»

Ce qui aurait mis son gendre dans une colère noire. «La Sécurité sociale a demandé à voir le père pour s’enquérir de sa situation financière et de son emploi. Ce qui a mis Ackbar dans tous ses états. Il ne cessait de dire à Zarina qu’à cause de cette démarche, ses jumeaux risquaient de ne plus bénéficier de l’aide de l’État. Depuis, il la harcelait et c’est pour cette même raison qu’ils s’étaient disputés le jour du drame.»

Écrasée de chagrin, Nazirah ne peut s’empêcher de penser aux dernières paroles que sa fille lui a dites. «Prends bien soin de mon fils. Ne le laisse pas s’approcher de la maison de son père», a imploré Zarina alors qu’elle se trouvait sur une civière dans l’enceinte de l’hôpital SSRN, le 28 novembre. «Lorsqu’elle m’a dit cela, j’ai tout de suite su que ce qui lui était arrivé n’était pas accidentel et elle a fini par me dire la vérité.»

Hyderally, le jeune frère de Zarina, âgé de 22 ans, est lui aussi inconsolable depuis le terrible décès de celle-ci. «Ma sœur ne méritait pas une fin aussi atroce. Mon cœur saigne lorsque je vois son fils devenu orphelin de mère. Il n’a que sept mois et ne sait même pas qu’il a perdu sa mère pour toujours. Désormais, nous allons nous battre pour le protéger et lui offrir une vie normale», murmure-t-il, les larmes aux yeux.

À ses côtés, son père Imran,

52 ans, lutte de toutes ses forces pour ne pas craquer. «Ackbar mérite la peine capitale. C’est un monstre. Il n’a pas de cœur et n’en aura jamais», se révolte-t-il, effondré et en colère après la tragédie qui plonge sa famille dans le deuil. «Je ne pourrai jamais pardonner au meurtrier de ma fille», lance-t-il, amer.

Jeune femme souriante et toujours très accueillante du temps où elle vivait chez ses parents, Zarina aurait, selon ses proches, perdu sa joie de vivre après son mariage. «Avant, c’était une femme très sûre d’elle et très chaleureuse. Mais elle a été comme transformée après son mariage. Elle était systématiquement angoissée et effrayée. Il n’y avait que son fils qui la faisait sourire. Lorsqu’elle s’amusait en sa compagnie, je retrouvais le beau sourire de ma fille», confie le père de la victime.

La fin atroce de Zarina est d’autant plus terrible qu’elle survient en pleine campagne «6 jours contre la violence faite aux femmes à travers le monde» qui s’achève ce mardi

10 décembre. Diverses ONG militent pour faire reculer ce problème dans notre société, mais cet énième cas de violence conjugale qui se termine tragiquement fait naître chez certains un sentiment d’échec (voir hors-texte avec Loga Virahsawmy de Gender Links). Car une victime de plus est toujours une victime de trop.

Comme d’autres avant elle, Zarina laisse derrière elle une famille en pleurs. Mais elle laisse surtout un fils de sept mois seulement qui goûtait à peine à l’amour maternel. Un petit ange qui se retrouve privé à tout jamais de sa mère, de sa chaleur, de son sourire et de tout ce qu’elle rêvait de lui apporter.

La mère du présumé meurtrier : «Je ne peux pas nier qu’il frappait Zarina»

Ce sont les gémissements de sa belle-fille qui ont averti Bibi Surma Meeajan, 65 ans, que quelque chose de grave se déroulait sous son toit. «J’étais dans ma chambre au moment des faits. Je suis souffrante et je dois prendre des médicaments chaque jour. Ces comprimés me font dormir. C’est pourquoi je n’ai rien entendu de la dispute entre mon fils et son épouse. Par contre, j’ai entendu les gémissements de ma belle-fille plus tard. Je me suis précipitée dans leur chambre pour voir ce qui n’allait pas. Et là, j’ai vu mon fils prendre une couverture et envelopper sa femme avec. Ses vêtements étaient en feu», explique Bibi Surma Meeajan. Selon elle, son fils, paniqué, aurait transporté sa femme à l’hôpital SSRN, à Pamplemousses, à bord de sa mobylette.

«Je ne sais pas ce qui s’est passé ce soir-là», soutient Bibi Surma Meeajan. Mais elle concède toutefois que Zarina était le souffre-douleur de son fils. «Je ne peux pas nier qu’il la frappait. Je lui ai dit à maintes reprises qu’il fallait arrêter. Mais il n’écoutait pas. Parfois, je m’interposais entre eux lors des disputes. Mais j’ai cessé de le faire car les deux me disaient de ne plus me mêler de leurs affaires.» Toutefois, selon Bibi Surma Meeajan, son fils prenait bien soin de sa famille. «Il bossait dur comme chauffeur de camion. Même si sa femme et lui se bagarraient souvent, ils finissaient toujours par se réconcilier autour d’un déjeuner au restaurant.» Cette fois, la bagarre s’est achevée en tragédie.

Loga Virahsawmy, directrice de Gender Links

«Changeons de mentalité pour mettre fin aux violences faites aux femmes»

La campagne «16 jours contre la violence faite aux femmes» s’achève sur une triste note avec le décès d’une jeune mère qui aurait été brûlée vive par son mari. Quel est votre sentiment par rapport à cela ?

Durant ces 16 jours de campagne, nous avons accompli un travail énorme pour faire reculer la violence faite aux femmes. Mais le décès de cette jeune mère m’attriste. J’ai le sentiment que nous avons failli à notre mission, le sentiment d’échec est là surtout en une telle période. Nous sommes devenus un peuple de pompiers qui ne fait qu’éteindre le feu sans chercher la source même du sinistre et son pourquoi. Si une femme est torturée régulièrement et que les voisins savent ce qui se passe, il faut qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils dénoncent. Au cas contraire, ils deviennent complices de la situation. Il y va de la responsabilité de chaque citoyen.

On a l’impression que, malgré les campagnes de sensibilisation menées par Gender Links, le ministère de l’Égalité des genres et d’autres ONG, contre la violence faite aux femmes, la bataille est loin d’être gagnée. Pourquoi selon vous ?

La bataille n’est pas encore gagnée car nous n’allons pas à la source du problème. La source du problème, c’est la mentalité. Il faut d’abord changer les mentalités, que ce soit du côté des hommes ou des femmes. Il y a ce qu’on appelle un problème de «gender attitude». On travaille afin que les gens changent leurs perceptions. Dans certaines communautés, par exemple, si une femme quitte son mari, elle est considérée comme une mauvaise femme parce qu’elle vit seule et parce qu’elle n’est plus soumise.

Dans bien des cas, les femmes régulièrement battues restent auprès de leurs époux et subissent sans faire de dénonciation à la police. Qu’avez-vous à dire à ces femmes qui vivent une telle situation ?

N’attendez pas qu’il soit trop tard. Réagissez. Les femmes ont peur de dénoncer parce qu’on vit dans une société patriarcale où l’homme est considéré comme le maître de la maison, donc le chef de la femme. Toutefois, je déplore le manque de coordination entre les différentes institutions qui encadrent les femmes battues. Si tout le monde travaillait de concert, on aurait pu, petit à petit, venir à bout du problème.

Certains hommes préfèrent voir mourir leurs femmes que d’accorder le divorce à celles-ci. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à commettre le pire. Comment faire ou que faut-il faire pour changer ce genre de mentalité ?

C’est ce gendre d’attitude qu’il faut changer et Gender Links est la seule ONG qui travaille sur le changement d’attitude à Maurice. La bataille est loin d’être gagnée. Mais nous avons un but. Celui de faire diminuer la violence faite aux femmes de moitié d’ici 2015. C’est l’un des objectifs du protocole de la SADC.

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