Dans une déclaration faite sur une radio privée, un des jeunes dit avoir agi sous l’influence de l’alcool.
Ils sont âgés entre 17 et 19 ans, et défraient la chronique depuis une semaine déjà, à la suite de photos «compromettantes» prises au cimetière St Jean et publiées sur Facebook. Cette affaire a pris une telle tournure que les parents des accusés craignent pour leur sécurité. Ils lancent un appel au pardon.
La tension est palpable. Trois des quatre adolescents recherchés pour «profanation de tombes», tous âgés entre 17 et 19 ans, ont été arrêtés par la police le jeudi 31 octobre, à la suite de plusieurs plaintes logées contre eux (voir hors-texte). Ils ont été présentés en cour de Rose-Hill où leur remise en liberté conditionnelle a été refusée. Deux charges d’accusation ont été retenues contre eux : Breach of ICTA et outrage à la moralité religieuse.
Si, d’une part, certains sont pour la «tolérance zéro» et les pointent du doigt – sur Facebook par exemple –, de l’autre, il y a ceux qui sont pour l’indulgence et qui font leur cette citation : «Que celui qui n’a jamais péché leur jette la première pierre.» Dans cette catégorie, l’on compte les parents des accusés notamment. Bien qu’ils conçoivent que leurs enfants aient agi dans l’insouciance, ils demandent à la population de leur pardonner. «Oui, ils ont commis une faute grave. Mais ils ne méritent pas d’être traités comme des assassins. L’erreur est humaine. J’ai l’impression qu’on les traite comme des vulgaires terroristes alors que ce ne sont que des jeunes ordinaires qui font des choses démesurées pour se donner un peu d’importance. Leur but n’était pas de nuire», explique, à qui veut l’entendre, le père d’un des trois adolescents appréhendés par la police.
Le pardon. Les parents de ces jeunes ne cessent tous de le réclamer. S’ils avouent que leurs enfants ne sont pas des «anges», ils affirment toutefois que ce ne sont pas des monstres non plus. «Mon fils n’a que 17 ans. Après le Certificate of Primary Education (CPE), il a rejoint l’IVTB où il apprend plusieurs métiers à la fois. Il est réservé et ne nous a jamais causé d’ennui jusqu’à présent. D’ailleurs, je ne savais même pas qu’il était impliqué dans cette affaire. Ce n’est qu’un matin, lorsqu’une équipe du Central Criminal Investigation Department a débarqué chez nous alors qu’on dormait toujours, que j’ai appris ce qui s’était passé», avance un autre parent, que nous avons rencontré aux Casernes centrales le jeudi 31 octobre. Depuis, il dit vivre un véritable cauchemar.
«J’ai eu honte»
Comme lui, un autre père, celui du quatrième accusé, lui âgé de 22 ans et toujours recherché par la police, vit dans la tourmente. «Au village, les gens nous regardent de travers. Toute cette affaire a pris une proportion alarmante. Qu’on pardonne à nos enfants pour cette bêtise», nous a-t-il lancé lorsque nous l’avons rencontré à son domicile. «Je suis fonctionnaire. Tout le monde me connaît ici. On est une famille respectée. Mais lorsque les voisins m’ont dit qu’une photo provocante de mon fils circulait sur Facebook, j’ai eu tellement honte que j’ai eu une vive dispute avec lui. Je l’ai même giflé. Depuis, il a pris ses affaires et il est parti de la maison. Je n’ai plus de ses nouvelles», confie-t-il. Par contre, précise notre interlocuteur, «mon fils n’est ni un gothique, ni un disciple de Satan. D’ailleurs, c’est moi qui achète ses vêtements car il ne travaille pas».
Et bien qu’il reconnaisse que son fils a fait une erreur, ce dernier est, dit-il, quelqu’un de doux : «Il a étudié jusqu’en CPE. Puis, il a appris le métier de plombier et faisait des travaux ici et là. Je n’ai pas le contrôle absolu sur sa vie. Il se peut qu’il fasse des bêtises. Celle au cimetière St Jean était grotesque, mais je demande à la population de leur pardonner, lui et ses amis.»
Cependant, le fils de notre interlocuteur a fait une déclaration publique sur les ondes d’une radio privée. Il a notamment expliqué avoir agi sous l’influence de l’alcool au moment des faits. «Nous avons pris quelques verres à Rose-Hill le samedi 26 octobre. Puis, sur un coup de tête, nous avons décidé de nous rendre au cimetière St Jean pour faire quelques clichés. Mais on ne pensait pas au mal qu’on faisait. On demande à la communauté catholique et aux autres religions de l’île de nous pardonner», a-t-il dit.
Quelques mètres plus loin, nous rencontrons l’oncle d’un des trois jeunes impliqués dans cette affaire. Lui soutient que son neveu est un enfant à problèmes. Mais cela, explique-t-il, parce qu’il a grandi dans une famille difficile. «Il a besoin d’être suivi par un psy. Car, depuis son enfance, il a été exposé à pas mal de problèmes. Il faut que quelqu’un l’encadre. Ses parents se sont séparés alors qu’il était encore un gamin. Il a souffert de l’absence de son père. D’ailleurs, j’ai l’impression qu’il ne s’est jamais remis de cette séparation. Sa petite enfance a été faite de misère. Sa mère a dû travailler très dur pour pouvoir les nourrir sa sœur et lui», raconte notre interlocuteur.
Avec du recul, il concède que son neveu a commis une bêtise qui a heurté la sensibilité de plus d’un, dont celle de l’évêché qui a d’ailleurs émis un communiqué dans lequel il se dit «choqué» (voir hors-texte). Mais, dit-il, «qu’on affiche sur leurs photos, les inscriptions ‘‘wanted dead or alive’’, c’est très déplacé».
En effet, cette affaire a pris une tournure drastique. D’ailleurs, dans leur déposition, les jeunes appréhendés par la police ont déclaré faire l’objet de menaces de mort. L’un d’eux a même été agressé avant son arrestation, à la gare de Curepipe.
Des événements et des mots qui démontrent l’ampleur qu’a prise cette affaire. Ce qui inquiète d’ailleurs les parents des accusés. C’est pourquoi, d’une seule et même voix, ils demandent le pardon au nom de leurs enfants.
Laura Samoisy
Hema Conhyedoss, psychologue : «Le mouvement gothique n’est qu’une démonstration de la différence»
Trois jeunes ont été appréhendés, cette semaine, pour «profanation de tombes». D’aucuns avancent qu’ils appartiendraient au mouvement gothique. Hema Conhyedoss, psychologue, aborde justement la question du «gothisme» et du satanisme avec nous.
On parle de mouvement gothique et satanique. Mais quelle est la différence entre les deux ?
Le gothique est celui qui tient à montrer qu’il est différent des autres car il n’arrive pas à se situer ou à se retrouver dans notre société. Pour se démarquer, il impose sa propre culture et dévoile son appartenance à la couleur noire. Le satanique, lui, a déjà basculé dans la négativité. Et il a souvent recours à la sorcellerie pour faire du mal. Contrairement au satanisme, le gothisme n’est qu’une démonstration de la différence.
Pourquoi, selon vous, les jeunes en deviennent des adeptes ?
C’est simplement parce qu’ils se cherchent encore. Le gothisme et le satanisme durent depuis quelques années déjà. C’est un passage très délicat vers la phase adulte, où les jeunes remettent souvent tout en question : les lois, la société, etc. Mais lorsqu’ils atteignent une certaine maturité et qu’ils ont des réponses à leurs questions, ils peuvent changer. Il est alors plus facile pour eux de s’exprimer.
Une fois adultes, ces jeunes gardent-ils des séquelles de cette phase ?
Cela dépend des erreurs commises durant l’adolescence. Certains en sortent grandis et d’autres pas. Il y a ceux qui sont rejetés par leur famille et qui gardent toujours des séquelles de ce choix. Mais je pense que si l’on veut s’en sortir, il faut assumer les choix qu’on a faits dans le passé et se dire qu’après tout, la vie continue.
Propos recueillis par CA
Laurent Rivet, prêtre catholique : «Il ne faut pas répondre à ce genre d’acte par la violence»
Cette semaine, les photos de trois jeunes, prises dans le cimetière St Jean, ont défrayé la chronique. Qu’en pensez-vous ?
Quand j’ai vu les photos, j’ai été un peu scandalisé et choqué. Mon premier réflexe a été de prier pour ces jeunes car c’est une attitude de souffrance. Je crois profondément que tout ceci découle du fait que, de nos jours, les jeunes sont systématiquement connectés à Internet. Ce qui génère un mode de vie tous azimuts. Leur comportement démontre clairement une perte de repères. Il y a vraisemblablement un problème de valeurs à la base.
Détention en cellule policière, menaces de mort, commentaires haineux… Cette polémique n’est-elle pas allée trop loin ?
Évidemment, il faut que la justice humaine soit faite et que la loi soit respectée. C’est aux autorités de voir comment punir ces jeunes. Mais je condamne vivement les menaces de mort. Il ne faut pas répondre à ce genre d’acte par la violence, ça ne sert à rien. Ce serait montrer que nous ne sommes pas meilleurs qu’eux. Il ne faut pas non plus se focaliser sur ces adolescents. Ils étaient sous l’influence de l’alcool et ils ont fait une bêtise. Ils ont demandé pardon et Dieu leur pardonnera.
À ce stade de l’affaire, ne pensez-vous pas qu’il faut faire un appel au calme ?
Bien sûr, il faut apaiser la situation. C’est regrettable tout ça. C’est une grosse bêtise de la part de ces jeunes qui ont, selon moi, tout simplement voulu attirer l’attention car ils ont besoin d’affection. Rentrer dans ce jeu et ne pas se concentrer plutôt sur le problème de fond serait inciter d’autres jeunes à multiplier ce genre d’acte. Il faut conscientiser les jeunes sur le respect des valeurs et des traditions.
Propos recueillis par Amy Kamanah
L’évêché condamne
Dans un communiqué émis par l’évêché, le diocèse catholique se dit profondément «choqué» par la publication, sur Facebook, des photos provocatrices à l’encontre de la religion catholique. «Les chrétiens de la paroisse de St Jean sont choqués. Sur ces photos apparaissent deux individus, allongés sur des tombes, utilisant des signes sataniques qui profanent la croix de ces tombes. Nous dénonçons vigoureusement ces actes de profanation d’un symbole religieux qui est au centre de notre foi chrétienne. Le cimetière St Jean est un haut lieu de mémoire des ancêtres des familles chrétiennes de Maurice, y compris de grands serviteurs de la République», peut-on lire dans ce communiqué. Une déposition a été faite à la police.
Plusieurs plaintes logées contre les prévenus
La police a eu du pain sur la planche cette semaine. Plusieurs plaintes ont été enregistrées dans le cadre de l’affaire de «profanation de tombes», notamment celles de l’administrateur du cimetière St Jean, de l’évêché de Port-Louis, de Jameel Peerally, de Yannick Spéville et Sylvain Vigoureux, laïcs de leur état. Ce qui a amené le CCID à procéder à l’arrestation de trois des quatre accusés dans cette affaire.