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Comme une odeur… de fumée

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Pour Soobha Kaloo, les premiers jours ont été les plus difficiles.

Ça fait plusieurs jours que le centre d’enfouissement du sud de l’île est en proie aux flammes. Comment y font face les rares habitants qui vivent à proximité ? Rencontre…

Quelque chose d’effroyablement beau. Comme une scène de fin du monde, un tantinet irréaliste. Et tellement tragique. Des masses impressionnantes de fumée, tantôt grises, tantôt noires, s’envolent de montagnes de déchets entourées de montagnes verdoyantes. Un brouillard épais et persistant masque le soleil (qui semble s’être éteint pour de bon), le ciel azur et la vue imprenable de ce coin de l’île sur l’océan aux différentes teintes de bleu. L’odeur qui émane de Mare Chicose Sanitary Landfill Site, là où des pompiers étaient encore présents en ce jeudi 24 octobre, fait l’effet d’un coup de poing. Pestilentiel, étouffant, avec un relent de caoutchouc brûlé.

L’air est irrespirable depuis qu’un incendie a éclaté sur ce site d’enfouissement de déchets, en début de semaine. Depuis, les rares habitants de la localité (nombreux sont ceux qui ont emménagé à Rose-Belle après avoir construit des maisons sur des terrains donnés par l’État pour les compenser), vivent dans une certaine frayeur. Plus de dix ans –le centre d’enfouissement de déchets a vu le jour en 1997 – qu’ils vivent, voient grandir leurs enfants et partir les leurs de «ce paradis» devenu poubelle. Et l’incendie n’arrange pas les choses. Encore une épreuve. Encore un mauvais moment à passer…

Sur la route qui nous mène vers ce petit village du sud-est de l’île, c’est le vert – à perte de vue – des plantations, des grands arbres et au loin le bleu de la mer qui captivent nos regards. Nichée entre deux montagnes, cette localité qui se trouve à côté de Cluny offre un paysage digne d’une carte postale pour tourisme vert. Mais, il faut pénétrer dans le village pour se rendre compte du drame qui s’y déroule actuellement. À quelques mètres du centre d’enfouissement, on trouve la maison de Soobha Kaloo.

S’il flotte dans l’air une odeur désagréable en ce début d’après-midi, une brise légère souffle et elle a, heureusement, éloigné les lourds nuages de fumée. Dans son petit jardin, la fumée s’échappe plutôt d’un foyer. Sous une caraille en fonte, noircie par l’âge et l’usage, des morceaux de bois séchés brûlent en faisant naître des flammes orangées. Le riz mijote tout doucement pour le repas du soir sous le regard, un peu perdu, de Soobha Kaloo. Elle le reconnaît, la fumée est de moins en moins un problème, en cette fin de semaine. Surtout quand le vent souffle dans la bonne direction. «Mais lundi, c’était intenable», confie-t-elle.

Il a fallu fermer toutes les fenêtres et les portes et s’enfermer à l’intérieur malgré la chaleur pour éviter que ces nuages toxiques ne s’insinuent dans tous les recoins de la maison. Sa voisine, Subawtee Basmat, confie, néanmoins, qu’il n’y a là rien d’inédit pour eux : «Dès qu’il pleut, ça sent horriblement mauvais. On est obligés de rester à l’intérieur. Mais c’est la première fois que nous devons faire face à la fumée.» Les démangeaisons, l’odeur, le passage incessant des «camions saletés» et les mouches, ces femmes y sont habituées.

Enfin, elles ont dû s’y faire. Bon gré, mal gré : «Nous n’osons même pas inviter de la famille à cause de tout ça. Et les mouches, c’est impossible de s’en débarrasser.» Mais, la fumée, c’est une autre affaire. Indrawtee Kaloo, qui vit là depuis toujours, explique qu’elle a parfois du mal à respirer depuis quelques jours. D’ailleurs, elle a dû se rendre à l’hôpital parce que depuis l’incendie, elle avait de la fièvre. Mais le plus grand souci de ces habitantes de Mare-Chicose reste la peur que quelque chose n’éclate du côté du site d’enfouissement. «On habite à deux pas. S’il y a une explosion, comment allons-nous faire ? Est-ce que nous allons pouvoir nous en sortir ?», se demande Soobha Kaloo.

À une quinzaine de minutes en voiture de là, Sanjeev Goolsharan fait du jardinage. Cet ancien habitant de Mare-Chicose a emménagé dans sa nouvelle maison, à Rose-Belle, il y a trois mois. Les habitantes que nous avons rencontrées espèrent, elles, pouvoir bientôt commencer les chantiers de leurs nouvelles maisons. Néanmoins, faute de moyens, disent-elles, elles devront attendre encore quelques mois avant de se lancer. Sanjeev, lui, ne cache pas son soulagement de ne pas avoir eu à vivre ces derniers jours à Mare-Chicose : «Ici, ma famille et moi, nous sommes bien. Nous avons passé des années difficiles là-bas. Mais là ça va.»

Néanmoins, il s’inquiète pour sa mère et son frère qui y vivent toujours. Derrière sa maison, au-delà de la montagne, on peut apercevoir des volutes de fumée noires se mêlant aux nuages d’un blanc qui semble immaculé sur ce fond de ciel bleu, propre à une belle après-midi d’été…

Entre craintes et… optimisme !

La situation est sous contrôle. C’est du moins ce qu’affirment les autorités concernant l’incendie qui n’en finit pas sur le site d’enfouissement de Mare Chicose. Néanmoins, les pompiers sont toujours à l’œuvre – et le seront encore visiblement pour les prochains jours. Du coup, des voix commencent à s’élever. Elles s’étonnent que l’incendie n’ait pas encore été circonscrit et qu’aucune mesure n’ait été prise afin de protéger les résidents et les habitations aux alentours.

L’océanologue Vassen Kauppaymuthoo a, d’ailleurs, fait part de son inquiétude sur sa page Facebook. Il estime qu’un nuage de fumée toxique risque de se propager si les pompiers ne trouvent pas rapidement une solution : «L’incendie qui s’est déclaré à Mare Chicose est un événement extrêmement grave car il volatilise beaucoup de composés extrêmement toxiques dans l’atmosphère. La direction générale des vents du Sud-Est va transporter tous ces éléments toxiques vers les zones habitées.» D’ailleurs, des habitants de hautes Plaines-Wilhems, notamment de Curepipe, se plaignent déjà de percevoir dans l’air une odeur de caoutchouc brûlé.

De plus, Jameel Peerally d’Azir Moris, se décrivant comme un «citizen activist», a adressé une lettre ouverte au ministre de l’Environnement pour lui rappeler la dangerosité des substances cancérigènes qui peuvent être présentes dans les cendres. Il a également conseillé aux habitants proches de la région de Mare Chicose de prendre toutes les mesures nécessaires pour se protéger.

Néanmoins, le ministre de l’Environnement, Dev Virahsawmy, fait preuve d’optimisme et assure que la fumée, résultat de cet incendie, ne représente aucun danger pour la santé et que les émissions de méthane sont continuellement contrôlées.

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