Anthony Renaud est désormais seul à élever ses quatre enfants âgé entre 5 mois et demi et 7 ans.
Avec le consentement de son époux, elle avait choisi d’avoir recours à une intervention chirurgicale pour ne plus tomber enceinte. Car le couple était déjà parent de quatre enfants. Hélas, Sharonne Jessica Renaud, 25 ans, est décédée au lendemain de son opération à l’hôpital Dr Jeetoo. Son époux, désemparé, crie à la négligence médicale.
Perdre l’amour de sa vie, c’est un peu se perdre soi-même. Surtout lorsque c’est la mort qui enlève cette personne à tout jamais. Laissant un vide immense dans le cœur de celui qui doit désormais apprendre à conjuguer sa vie au singulier. Sans sa tendre moitié. C’est l’enfer que vit actuellement Anthony Renaud, un habitant de Roche-Bois, âgé de 29 ans. Il se retrouve aujourd’hui seul avec ses quatre enfants, âgés de 5 mois et demi à 7 ans.
L’existence de ce jeune père de famille a basculé aux petites heures du matin le vendredi 25 octobre, lorsqu’il a appris que son épouse Sharonne Jessica Renaud, 25 ans, avait rendu l’âme à l’hôpital Jeetoo vers 23 heures la veille. Un drame d’autant plus difficile à accepter qu’il fait suite à une intervention somme toute courante et mineure que la jeune femme avait subie la veille : une ligature des trompes car le couple ne voulait plus avoir d’enfant. Anthony Renaud, complètement anéanti par la douleur, est convaincu que sa femme est morte en raison d’une négligence médicale.
«Je veux savoir ce qui s’est passé. Car les explications que j’ai eues ne m’ont pas convaincu. Pour moi, il y a bel et bien eu une erreur médicale. Et le coupable doit répondre de ses actes. Comment mes quatre enfants vont grandir sans leur mère ? Comment vais-je leur expliquer ce qui lui est arrivé ? C’est trop dur !» lâche Anthony Renaud en colère, avant de fondre en larmes. Complètement abattu, l’homme a du mal à accepter cette cruelle vérité qui l’a plongé, ainsi que les autres membres de sa famille, dans une profonde douleur.
C’est trop… beaucoup trop pour ce père qui, jusqu’à tout récemment, vivait heureux auprès de l’amour de sa vie et leurs quatre enfants. «On est une famille pauvre mais on était heureux et on se contentait du peu qu’on avait. Après avoir eu quatre magnifiques enfants, ma femme et moi avions décidé de ne plus en avoir. C’est pour cette raison qu’elle voulait faire attacher ses tubes comme on dit», soupire-t-il, le cœur lourd de chagrin. C’est ainsi qu’il a accompagné sa femme à l’hôpital Jeetoo le mardi 22 octobre où elle avait rendez-vous pour son opération.
«Elle était en pleine forme lorsqu’elle a été admise. D’ailleurs, ma femme n’avait aucun problème de santé. On lui a fait passer quelques tests avant l’intervention qui a eu lieu le mercredi 23 octobre. Toutefois, après l’opération, elle avait mal au ventre. On lui a donné des cachets contre la douleur ainsi que des suppositoires», explique Anthony sous l’effet du choc. Mais l’état de son épouse ne se serait guère amélioré malgré les soins qui lui ont été prodigués à la salle 2-5 où elle était admise.
«Je suis allé la voir le jeudi 24 octobre durant les heures de visite à 6h30. Elle était toujours mal en point. J’ai demandé à ce qu’on lui fasse un X-ray ou une échographie pour voir s’il y avait un problème au niveau de son ventre. Une infirmière m’a dit qu’on allait faire le nécessaire, mais rien n’a été fait. Lorsque je suis revenu la voir à 15h30, elle avait beaucoup de mal à respirer mais une autre infirmière m’a dit de ne pas me faire de souci, qu’elle était prise en charge comme il le fallait», raconte Anthony.
Pour lui, il n’y a aucun doute. Si le personnel soignant avait pris ses préoccupations ainsi que celles de sa femme en compte, son épouse serait toujours en vie aujourd’hui. «On aurait dû nous écouter. Vers 19h30, quelqu’un de l’hôpital m’a téléphoné pour me dire qu’il y avait des complications concernant l’état de ma femme et qu’elle était en soins intensifs. J’ai tout quitté pour me rendre à son chevet. Sur place, un médecin m’a demandé de signer un formulaire autorisant le personnel à opérer ma femme à nouveau. Je l’ai vue entrer en salle d’opération. Elle pouvait à peine respirer. Après son opération, elle a été placée sous respiration artificielle. On m’a dit que son cas était très grave. D’ailleurs lorsqu’elle est sortie de la salle d’opération, elle était couverte de partout et on l’a emmenée très vite en soins intensifs. C’était aux alentours de 23 heures», se rappelle notre interlocuteur (voir la version du ministère de la Santé sur ce cas en hors-texte).
Le drame
Impuissant, Anthony décide de rentrer chez lui pour revenir le lendemain matin. Mais un appel téléphonique aux alentours de 1 heure du matin a bouleversé son existence. «La police m’a appelé pour me demander d’apporter la carte d’identité de mon épouse et son acte de naissance à l’hôpital. On ne m’a pas dit qu’elle était décédée. Ce n’est qu’à l’hôpital que j’ai appris la nouvelle. Un médecin m’a dit qu’elle était morte à 23 heures. Mais à ce moment-là, j’étais toujours à l’hôpital. Pourquoi ne m’a-t-on pas dit la vérité ?»
Il poursuit son récit, péniblement : «Après l’autopsie, on m’a dit que c’est un caillot de sang qui a obstrué les artères pulmonaires de ma femme. C’est ce qui l’empêchait de respirer. À mon avis, si on avait fait un X-ray ou un autre examen, on aurait vu ce caillot et fait le nécessaire pour qu’elle aille mieux. Mais non.»
Du jour au lendemain, il se retrouve seul à élever ses quatre enfants : Amélia, 7 ans, Christiano, 5 ans, Wayne, 4 ans, et Adriano, le petit dernier âgé tout juste de 5 mois et demi. «Ma fille comprend plus ou moins. Mais Christiano et Wayne sont encore petits. Ils réclament leur mère. Je leur ai dit qu’elle est devenue un ange et qu’elle était désormais avec Jésus. Mais ils n’arrêtent pas de réclamer Sharonne», confie Anthony en sanglots. Les jours à venir s’annoncent terriblement sombres pour ce père et sa famille car outre de pleurer Sharonne, c’est toute sa vie qui est chamboulée.
«Comment je vais faire pour m’occuper de mes enfants seul et travailler pour assurer leur avenir ?» ne cesse de se demander Anthony. «Dans l’immédiat, mes trois fils seront avec leur grand-mère et ma fille sera chez sa marraine. Après, je ne sais pas comment cela va se passer. Je dois réfléchir.» C’est difficile pour lui de penser qu’il va devoir grandir ses enfants sans celle qu’il a rencontrée il y a plusieurs années de cela.
«J’avais 17 ans et elle 13 lorsque nous nous sommes vus lors du mariage d’un ami. Depuis, nous ne nous sommes plus jamais quittés. J’étais son premier amour. Cinq ans après notre rencontre, nous nous sommes mariés. Puis nous avons eu nos quatre enfants. On était heureux. Ma femme était une personne remplie d’énergie, très joviale et qui prenait grand soin de sa petite famille. Elle avait une patience extraordinaire avec nos enfants qu’elle adorait par-dessus tout. D’ailleurs, on allait construire notre maison. C’était son rêve. Mais tout a volé en éclats», pleure Anthony.
Femme au foyer, Sharonne Jessica Anthony avait toute la vie devant elle. À 25 ans, elle voulait tout simplement se consacrer pleinement à sa petite famille, voir grandir les quatre bonheurs de sa vie et filer le parfait amour avec son mari. Mais le destin en aura décidé autrement. La vie lui a été arrachée brusquement. Et ce sont quatre enfants qui seront à jamais privés de l’amour de leur mère.
Dr Ramen, directeur de l’hôpital Jeetoo : «Une enquête a été ouverte»
De quoi est morte Sharonne Jessica Renaud ? Selon le directeur de l’hôpital Jeetoo, la jeune femme est décédée d’une complication postopératoire. «La cause officielle de son décès a été attribuée à une embolie pulmonaire. Mais sa première opération ainsi que la seconde se sont bien passées», nous explique le Dr Ramen, joint au téléphone. Il précise qu’une embolie pulmonaire est mortelle dans certains cas. «Il est difficile de prévenir une embolie pulmonaire après une intervention. Mais une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur cette affaire. Le rapport sera soumis au ministère de la Santé à qui revient la décision de porter le cas devant le Medical Council.»
Toutefois, une question reste posée. Est-ce qu’un X-ray ou une échographie, comme la victime et son époux l’avaient réclamé au personnel soignant, aurait permis de détecter l’embolie pulmonaire ? À cette question, le directeur de l’hôpital avance une réponse qui pourrait déconcerter plus d’un. «Un patient doit avoir confiance en son médecin car ce dernier connaît son métier. Il ne peut pas s’exécuter dès qu’un patient lui demande quelque chose. Malheureusement, les complications sont là.»
Qu’est-ce qu’une embolie pulmonaire ?
D’après la direction de l’hôpital Jeetoo, Sharonne Jessica Renaud a succombé à une embolie pulmonaire. Mais qu’est-ce exactement ? Ce mal se caractérise en général par un caillot ambulant qui circule dans le sang et qui finit par boucher une ramification artérielle dont le but principal est d’irriguer le poumon. Toutefois, certaines personnes sont plus à risque de développer une embolie pulmonaire. Par exemple, l’immobilisation et l’alitement prolongé d’un patient qui présente un trouble de ralentissement de la circulation sanguine peuvent contribuer à une embolie pulmonaire. Et tout acte chirurgical comporte le risque d’entraîner une embolie pulmonaire. Les symptômes de ce mal se manifestent généralement par une douleur thoracique et des difficultés respiratoires. L’électrocardiogramme, comme l’échocardiographie, peuvent mettre en évidence la mauvaise tolérance cardiaque d’une embolie pulmonaire grave. L’échocardiographie (notamment par voie transœsophagienne) peut parfois visualiser directement le caillot dans une branche de l’artère pulmonaire.
Soins gynécologiques à l’hôpital
Les femmes en danger ?
Qu’on se le dise. Ils ne sont pas des dieux et ne peuvent pas faire de miracles. Mais ils ont pour vocation de sauver des vies. Eux, ce sont les médecins à qui on fait appel lorsqu’un problème de santé surgit. Si la plupart du temps les choses se passent bien, force est de constater qu’il y a un problème au niveau de la prise en charge des patients à Maurice, surtout dans les hôpitaux, au vu des nombreux cas de négligence médicale alléguée répercutés dans la presse récemment. Et souvent, c’est le service gynécologique qui est montré du doigt.
La condamnation d’un gynécologue à une peine d’emprisonnement de neuf mois récemment suite au décès d’une patiente après une césarienne en 2005, est encore une fois venue mettre cette réalité en lumière. Lors de l’intervention, le médecin avait sectionné une artère principale de la patiente entraînant une hémorragie qui a coûté la vie à cette dernière.
Et rien que cette année, il y a eu plusieurs autres cas de négligence médicale alléguée rapportés concernant des accouchements. En avril dernier, Franceska Bégué, une adolescente de 15 ans, est morte sur son lit d’hôpital à Pamplemousses, quelques jours seulement après son accouchement par césarienne. Sa plaie s’était infectée et elle est morte d’une septicémie deux jours après son admission. Suite à cette affaire, le ministère de la Santé a initié une enquête pour situer les responsabilités.
Toujours en avril, Jade Monique, une habitante de Curepipe âgée d’une trentaine d’années et enceinte de sept mois et demi, est décédée à l’hôpital Victoria, à Candos, où elle devait accoucher. Une semaine plus tôt, elle s’était rendue dans ce même hôpital en proie à de violentes contractions. Mais elle avait été renvoyée chez elle avant de revenir le 10 avril. Mais sur place, elle a appris que son bébé était déjà mort dans son ventre. Et ce n’est pas tout : elle devait également apprendre qu’elle avait eu un décollement du placenta et a dû subir une opération chirurgicale à laquelle elle n’a pas survécu.
Le même mois, une patiente de l’hôpital Jeetoo a accouché d’un bébé par césarienne. Mais au moment de l’accouchement, elle a été incisée si profondément que le nourrisson a été blessé au scalpel. Si aujourd’hui le petit se porte bien, il reste tout de même marqué à vie par une cicatrice au niveau de sa tête.
Le ministre de la Santé, Lormush Bundhoo, ne reste pas indifférent à tous ces cas de négligence médicale alléguée. Des mesures seront prises, dit-il, pour éviter les erreurs au maximum. «Il faut revoir le protocole. C’est en train. Il y aura un pédiatre et un gynécologue 24h/24 à l’hôpital. Pour ce faire, on va recruter des médecins. Car je ne peux accepter qu’une personne décède à cause d’une négligence médicale. J’appelle une fois de plus chaque médecin à travailler consciencieusement car leur vocation est de sauver des vies», déclare le ministre. La construction d’un Women Health Institute à Pamplemousses devrait, dit-il, conduire à une amélioration de la situation. Selon lui, un terrain a déjà été localisé pour ce projet. «D’ailleurs, des experts de la University of College of London étaient chez nous récemment en ce sens. Ils vont nous soumettre leurs recommandations sous peu et nous irons ensuite de l’avant avec le projet.»