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Les dessous de la prise en charge des femmes enceintes

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Franceska Bégué n’avait que 15 ans.

Le Dr Abdool Yusuf Boodhoo a été trouvé coupable d’erreur médicale. Sa patiente est décédée après une césarienne en 2005. En attendant la sentence de la cour, qui sera prononcée ultérieurement, levons le voile sur la prise en charge des femmes enceintes dans les hôpitaux de l’île.

Le verdict est tombé cette semaine. Le Dr Abdool Yusuf Boodhoo a été jugé coupable d’homicide involontaire. Cela, après qu’une de ses patientes, Bibi Taslimah Baba Saib, est morte en mai 2005, à la suite d’une césarienne. Lors de l’intervention, l’artère principale avait été sectionnée, ce qui a provoqué un saignement abondant avant que la jeune femme ne décède.

Cette «erreur» est jugée grossière par le magistrat Raj Seebaluck. Ce dernier ne s’est toutefois pas prononcé sur la sentence infligée au médecin. Celle-ci sera annoncée à une date ultérieure.

Bibi Taslimah Baba Saib, n’est, hélas, pas la seule à avoir perdu la vie après avoir mis un enfant au monde. En avril, Franceska Bégué, une adolescente de 15 ans, a rendu l’âme quelques jours seulement après une césarienne. «Sa plaie s’était infectée. Elle avait de nouveau été admise à l’hôpital pour qu’on lui pose d’autres points de suture. Mais elle est restée avec la plaie infectée sans que personne ne prenne soin d’elle. Et elle en est morte», raconte Marie-France Bégué, la mère de Franceska. Après le drame, le ministère de la Santé avait initié une enquête pour situer les responsabilités. L’affaire est toujours en cour. Aujourd’hui, confie Marie-France, c’est elle qui s’occupe de sa petite fille qui vient d’avoir six mois.

Comme ces deux cas, tant d’autres sont rapportés quasiment tous les ans. Le comble, c’est que, selon le site www.worldbank.org, Maurice est le pays d’Afrique où la proportion d’accouchements assistés par un personnel compétent est la plus forte (99 %). À en croire ce même site, Maurice est le pays d’Afrique avec le taux le plus faible de mortalité maternelle. Alors comment expliquer tous ces cas de négligence médicale ?

Pour Natacha*, c’est une situation de deux poids, deux mesures. «J’ai accouché d’un petit garçon il y a un an. Je suis arrivée à l’hôpital à 4h30 et j’ai accouché à 6h15. Mais à mon arrivée, j’ai eu l’impression de déranger le personnel soignant. Certains se préparaient déjà à rentrer chez eux, d’autres dormaient. Bref, on m’a fait accoucher avant même que le col ne soit bien dilaté», explique-t-elle. Et d’ajouter : «Résultat, j’ai fait un accouchement nerveux et mes yeux sont restés rouges pendant deux semaines. Pour couronner le tout, la pose des points de suture a commencé à 7 heures et a duré jusqu’à 11h30. C’était horrible, une expérience traumatisante qui me marquera à vie.» Durant sa grossesse, Natacha précise qu’elle était suivie par un médecin du dispensaire de sa localité.

Ashanty*, pour sa part, affirme que son accouchement à l’hôpital s’est bien passé. Mais cela a été rendu possible, dit-elle, parce qu’elle a trouvé une astuce pour que tout se déroule dans la sérénité (ou presque). «Mon mari a des revenus assez modestes. Vu que je ne travaillais pas, notre budget ne me permettait pas d’accoucher dans une clinique. Alors, une de mes amies m’a conseillé de me faire suivre par un médecin du privé qui exerce aussi à l’hôpital. J’ai suivi son conseil», explique cette habitante des basses Plaines-Wilhems. «Je consultais le médecin chaque deux mois à son cabinet», poursuit-elle. Mais, dit Ashanty, «une consultation coûtait Rs 1 200» : «Mais en retour, il s’était arrangé pour que j’accouche dans les meilleures conditions à l’hôpital où il travaille. Toutefois, lorsque j’ai été admise, un des membres du personnel a eu un langage assez sévère à mon encontre. Mais un autre collègue lui a dit de changer de ton car j’étais la patiente du docteur X.»

Interrogée au sujet des cas de décès après accouchements, Monique Dinan, fondatrice et vice-présidente du Mouvement d’aide à la maternité (MAM), dit se poser des questions sur la conscience professionnelle de certains médecins. «Chaque médecin doit assurer le meilleur des soins à ses patientes, indistinctement. Un gynécologue doit mettre l’accent sur l’étique médicale. D’autant qu’il existe à Maurice toutes les structures nécessaires pour qu’une femme accouche dans les meilleures conditions. À chaque médecin sa consciences professionnelles», lâche Monique Dinan. Cette dernière trouve «regrettable le fort taux de césarienne pratiquée dans l’île».

Suite aux récents cas de mortalité maternelle et de négligence médicale alléguée sur des nourrissons, le ministère de la Santé a décidé d’attaquer le mal à la racine. Ainsi, après une décision du cabinet ministériel le 30 août, un Comité technique permanent a été mis en place. Cela, dans le but d’améliorer la prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés, et de réduire les risques de mortalité infantile et maternelle. Ce comité a également la responsabilité de retracer tous les cas de mortalité infantile et maternelle de ces deux dernières années.

S’agissant du manque de professionnels dans le secteur, le ministre de la Santé, Lormus Bundhoo, indique que le recrutement des médecins se fera incessamment. «Suite aux nombreux cas de négligence médicale alléguée et pour offrir un meilleur service à la population, des gynécologues, des pédiatres, des cardiologues et des anesthésistes, entre autres, seront bientôt recrutés», laisse-t-il entendre. «De ce fait, souligne le ministre, le système on call sera aboli» : «Il y aura un spécialiste de chaque pathologie présent 24 heures sur 24 dans tous les hôpitaux.»

*Prénom fictif

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