On fait quoi quand on a 16 ans ? On va à l’école, évidemment, on fait son School Certificate ou on entame son Lower VI, on sort avec ses amis, on passe son temps sur Facebook, on ne jure que par son smartphone ou sa tablette tactile, on commence aussi à penser à son avenir professionnel, certains vivent leur première histoire d’amour (presque tardivement)…
À 16 ans, on n’est plus un enfant mais on n’est pas encore un adulte. On commence à se prendre au sérieux mais on est encore très insouciant.
Mais, à 16 ans, est-ce qu’on s’intéresse à la politique ? Est-ce qu’on en comprend les tenants et les aboutissants ? Est-ce qu’on sait ce que cela implique et qui sont impliqués ? Et, surtout, est-ce qu’on a la maturité nécessaire pour aller voter ? Pour décider en son âme et conscience qui gouvernera le pays ou prendra les rènes des collectivités locales ? Pour choisir entre deux camps, qui est le meilleur ou, sinon, le moins pire ? Le débat fait actuellement rage en France où la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, envisage d’inscrire, dans un projet de loi, une disposition qui établit une pré-majorité dès 16 ans et qui permettrait, par là même, aux jeunes de cet âge d’aller voter.
Eh bien, à Maurice aussi le sujet fait débat depuis que le leader de l’opposition, Paul Bérenger, a lancé l’idée, il y a une semaine, d’accorder le droit de vote à 16 ans. Pour lui, ce serait «un moyen d’encourager davantage de jeunes à s’intéresser à la politique». Pourquoi pas ? Sauf que la question reste posée : à 16 ans, un jeune peut-il aller aux urnes et voter intelligemment ? Hélas, rien n’est moins sûr. Car il est un fait que les jeunes Mauriciens n’ont pas de culture politique et ne s’intéressent d’ailleurs pas (sauf dans de rares cas) à la politique. Pour eux, c’est un monde de magouilles, de démagogie, de malhonnêteté, de mensonges. Bref, tout sauf un monde qu’ils veulent côtoyer. Et ce n’est pas le droit de vote à 16 ans qui changera forcément leur perception de la chose.
Il faut aussi dire que nous avons à Maurice un système éducatif purement académique qui ne pousse pas vraiment à la réflexion. À l’école, on ne fait pas non plus l’apprentissage de la démocratie à travers une éducation civique de qualité, comme cela se fait dans certains pays d’Europe notamment. Et puis, bien des jeunes ne s’intéressent qu’à leur petite personne et à leur petit monde, qu’à leurs gadgets dernier cri, qu’aux derniers vêtements à la mode. La politique, c’est pas leur problème. Ce qui vaut aussi pour bien des citoyens de 18 ans à monter.
En même temps, à 16 ans, on devrait pouvoir penser par soi-même, pouvoir réfléchir à son avenir, avoir un avis sur la société, la politique et bien d’autres sujets. On devrait commencer à prendre sa vie en main, à se tenir sur ses deux jambes, à se débrouiller tout seul, à être indépendant. Car l’âge de la majorité approche dangereusement. Et il y a certainement pas mal de jeunes à Maurice dans ce cas. Des jeunes qui ont une maturité d’adulte (qui souvent n’en ont pas), des jeunes qui s’engagent, des jeunes qui n’ont pas peur de dire ce qu’ils pensent, qui n’ont pas peur de penser tout court et même d’agir quand il le faut.
Ces jeunes-là, oui, ils pourraient se rendre aux urnes, voter, choisir. Mais les autres, ne risquent-ils pas de suivre aveuglément leurs parents comme des moutons de Panurge, comme le font déjà beaucoup de ceux qui sont en âge de voter ? Si c’est pour en arriver là, cela n’en vaut pas la peine… Alors, prenons le temps de la réflexion.