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Par Michaëlla Seblin
19 avril 2020 12:33
Des enseignements du Covid-19, nous retiendrons la gestion de cette crise par les gouvernements de tous les pays. Pour une fois qu’ils étaient un tant soit peu sur un pied d’égalité, nous avons pu assister, analyser chaque jour, d’une rive à l’autre, comment s’y prennent ceux qui sont au pouvoir pour gérer ces secousses inattendues et parfois dramatiques.
Et chacun d’entre nous, après avoir été témoins de la façon de faire des dirigeants, avons désormais nos préférences, nos interrogations, nos petites idées sur ceux et celles qui gèrent mieux, qui font preuve d’amateurisme ou qui démontrent leurs limites. C’est ainsi que nous avons vu le renforcement, sinon l’émergence, de certaines figures définitivement bien à leur place dans leur rôle de grands leaders.
En revanche, il y a de ces pays où, malheureusement, la pandémie a accentué davantage les travers d’un État répressif. À Maurice, il est dommage que Pravind Jugnauth n’ait su saisir ce mauvais temps – où une grande majorité de Mauriciens voulaient regarder ensemble dans la même direction – pour se montrer rassembleur. Au lieu de s’élever en homme d’État, il a préféré se mettre au niveau d’un chef de parti autocrate.
Dommage car il avait quelques points positifs : le confinement après trois cas avérés, l’annonce rapide du couvre-feu sanitaire, la fermeture des commerces, la mise sur pied d’un comité national présidé par le Dr Joomye, la participation de l’État dans les salaires, dont les Rs 5 100 à ceux qui sont dans des secteurs informels, etc. Bien évidemment, tout n’a pas été rose et nous avons assisté à de nombreux couacs, erreurs, menant parfois à de grandes incompréhensions, sinon quelques désordres, comme cela a été le cas après la réouverture des supermarchés. Mais, soyons honnêtes, tout n’a pas été complètement mauvais, ni catastrophique.
Certes, on pouvait toujours faire mieux. Sauf que le gouvernement de Pravind Jugnauth a choisi la direction inverse : montrer, en cette période de confinement, le visage d’un gouvernement autoritaire, bafouer la démocratie, restreindre la liberté d’expression.
Alors qu’on croyait avoir tout vu avec l’épisode de la suspension de la licence de Top FM pendant deux jours (une radio qui semble être dans la ligne de mire du pouvoir), voilà qu’une citoyenne est arrêtée et passe la nuit en cellule policière pour le partage d’un post humoristique qui se moque du Premier ministre sur les réseaux sociaux. Crime de lèse-majesté intolérable !
Sommes-nous si bêtes dans notre pays pour confondre une fake news (la prétendue faute) avec un mème humoristique, un brin vulgaire certes, mais dont le but est de faire rire ?
Est-ce que tous ceux qui font de l’humour sur les hommes politiques devront voir la police débarquer chez eux ? En sommes-nous là à Maurice ? Des sbires à la botte des princes du jour qui courent à l’arrestation d’une internaute pour le partage d’un post humoristique alors que des policiers se filmant fièrement frappant des hommes à terre ne sont toujours pas inquiétés.
L’arrestation de la citoyenne Rachna Seenauth est inacceptable, condamnable, jette la honte sur notre pays et blesse notre démocratie. L’affaire devient davantage gravissime quand on prend connaissance de la lettre de l’homme de loi Rooben Mooroongapillay qui raconte dans quelles circonstances la jeune femme a été arrêtée, expliquant ce qu’il appelle des disturbing factors.
Doit-on s’étonner que le Centre for Law and Democracy critique déjà notre pays à ce propos ? Quand on ajoute à cela que les avocats de l’accusée ont été verbalisés pour breach of curfew, l’on ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer tant c’est grotesque. Mais au-delà de la farce, c’est le signal envoyé par le gouvernement qui est dangereux : qu’il n’est pas permis de faire de l’humour sur le gouvernement, que nul n’est à l’abri d’une arrestation. Car sous prétexte de fake news – qui n’a rien à voir avec un joke –, on ne peut critiquer nos princes du jour. Sinon, gare au prix à payer.
Ridicule et pathétique !
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