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L’autre tête du coronavirus

25 avril 2020

Comme un réveil brutal. Après avoir appris à vivre avec la première tête du cauchemar du Covid-19 (nos malades et nos morts), voilà qu’une autre face du monstre surgit. Avant même la fin du lockdown, les signes d’une sévère crise économique sont palpables. À croire que le confinement était un cocon qui nous préservait des dangers de l’extérieur sur tous les plans.

 

Y a-t-il un exemple plus alarmant que celui d’Air Mauritius qui, comme d’autres compagnies aériennes ailleurs, est désormais placée sous administration volontaire ? Certes, cela n’a échappé à personne que notre Paille-en-Queue avait déjà les ailes fragilisées avant l’arrivée du coronavirus. D’où les protestations actuelles invitant à ne pas utiliser le Covid-19 pour justifier les secousses de la compagnie nationale d’aviation. D’où les nombreuses questions que se posent tous, du citoyen lambda aux employés de la ligne aérienne, en passant par l’opposition parlementaire qui dénonce la mauvaise gestion et les ingérences politiques.

 

S’il ne faut pas oublier que les opposants d’aujourd’hui furent les princes d’hier, qui ne se gênaient pas non plus pour pratiquer le copinage politique en faisant d’Air Mauritius une extension de leurs réseaux claniques, ils ont toutefois raison de crier au conflit d’intérêt après le choix de l’administrateur d’Air Mauritius.

 

Le bon sens dit que le gouvernement aurait pu faire l’économie d’une polémique en nommant quelqu’un d’autre que le controversé chairman de SBM Holdings, compagnie qui se trouve être un créancier d’Air Mauritius. Mais devrions-nous être toujours étonnés devant ces proximités qui ne respectent aucune logique ?

 

L’avenir nous dira dans quelle direction le gouvernement, qui est l’actionnaire majoritaire, veut emmener Air Mauritius avec cette stratégie adoptée. L’avenir nous dira aussi si cette administration volontaire servira à mieux faire passer quelques grosses pilules amères avant une réanimation de notre ligne nationale. Est-ce une affaire de licenciements que nos dirigeants ne veulent pas assumer après de trop mauvaises décisions antérieures ? N’assiste-t-on pas, avec cette situation, à un désaveu de la gestion du board d’Air Mauritius ?

 

Cela dit, loin des bruits sonores, loin de toutes ces voix qui ici dénoncent, là-bas réclament des comptes, c’est le moral des membres du personnel de la compagnie nationale qui est en berne, même si pour l’heure, ils ont eu la garantie d’avoir leur salaire du mois d’avril. Choc, peur, incertitude. Sentiments exprimés par plusieurs d’entre eux interrogés cette semaine «Souhaitons maintenant que ce ne sera pas les employés qui paieront pour les mauvaises décisions (…) La question est de savoir qui va gagner la bataille entre les gros salariés et les salariés normaux dans le nouveau modèle économique», confie un membre de l’équipe tandis qu’un autre reconnaît qu’il «y aura des sacrifices à faire et on espère que ce sera fait avec un degré d’humanité».

 

En vérité, il n’y a pas que les salariés d’Air Mauritius qui sont dans l’anxiété. Secteurs-clés, compagnies privées, petites et moyennes entreprises, Self-Employed… Un peu partout, la peur s’est installée parce que, quoi qu’on en dise, notre système, malheureusement, n’aura connu aucun changement d’ici quelques jours. Comment faire alors ? Est-ce que le gouvernement a le monopole des idées ? Non !

 

Plusieurs voix sensées se font entendre ces jours-ci, en proposant des solutions valables, rationnelles, pertinentes. Encore faut-il que nos dirigeants soient à l’écoute et encouragent un dialogue entre eux, l’opposition – dont les leaders se sont rencontrés le vendredi 24 avril – et la société civile.

 

À quelques jours du déconfinement, il est l’heure que le Premier ministre comprenne que la majorité des Mauriciens sont animés d’un esprit de patriotisme éclairé. Avons-nous un autre objectif commun aujourd’hui que celui de réussir à franchir ensemble la prochaine étape ? Que veulent les citoyens, si ce n’est d’éviter une deuxième vague de malades, tout en trouvant des solutions durables pour s’épargner la crise sociale qui nous guette ?

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