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Par Michaëlla Seblin
30 mai 2020 15:08
On aura beau chercher, on a du mal à comprendre le sens des priorités de ce gouvernement. On aura beau blâmer toute la bande d’inefficaces communicants du Premier ministre, il est de ces décisions qui relèvent uniquement du bon sens.
Ainsi donc, il y aura eu toute une chaîne de personnes qui, parce qu’elles détiennent les pouvoirs décisionnels, ont trouvé que c’était une bonne idée de démolir les petites cases en tôle des squatters en plein confinement.
Et de tous ceux qui ont étudié cette situation, qu’il s’agisse des officiers, des ministres, des exécutants au bureau du Premier ministre, des responsables au niveau de la force policière, il n’y a pas eu une seule âme capable d’empêcher le passage des bulldozers à Pointe-aux-Sables, Malherbes et bientôt ailleurs.
Évidemment, l’illégalité ne peut être encouragée et bien sûr qu’il faut détruire les structures vides que certains ont assemblées en plein confinement avec des numéros dessus comme pour réserver un petit lot de terrain.
Ça, c’est inacceptable et nous sommes tous d’accord que ces constructions sommaires doivent être enlevées. Mais il n’y a pas que ça. Et, malgré les explications d’Obeegadoo qui tente de justifier cette manière inhumaine de faire du gouvernement, il est un fait que plusieurs squatters n’avaient aucun autre recours que cette case en tôle qu’ils n’avaient, certes, pas le droit d’ériger.
Les questions n’ont échappé à personne : quelle est l’urgence de faire montre de cette autorité-là, alors même que le pays est toujours confiné ? Quel était ce besoin de mettre ces personnes-là à la rue, sans aucune proposition de solutions, sans savoir où elles vont trouver refuge ? Pourquoi cet impératif de tout détruire sans même prendre la peine de connaître l’historique de ces familles qui, si elles avaient le choix, ne dormiraient pas dans de fragiles structures avec des enfants en bas âge, par des nuits où l’hiver signe sa présence.
À écouter le ministre Obeegadoo, on ne peut laisser les squatters prendre possession du pays car ceux-là n’étaient pas SDF avant le confinement. Peut-être ! Encore faut-il préciser qu’il y avait certains déjà là avant le confinement. Mais a-t-il pris la peine de s’intéresser à leur vécu pour savoir quelles étaient leurs conditions de vie ?
Qu’on le sache, quand on a une maison décente, quand nous pouvons respirer à l’intérieur des murs chaleureux, on n’érige pas des bicoques pour y rester. À Maurice, il y a toujours eu, sous plusieurs gouvernements, la problématique des squatters. Souvent, il s’agit de démunis qu’on exploite en période de campagne électorale. La pratique est connue. C’est ainsi qu’à Cité Tôle, il y a des squatters à qui on avait brandi la carotte d’une régularisation. Cinq ans plus tard, ils attendent toujours leur contrat pour pouvoir être approvisionnés en eau et électricité. «Ce n’est pas une vie de rêve», témoigne une mère de famille.
Il est aisé aujourd’hui, pour des Mauriciens – quand ils ne détournent pas les yeux égoïstement devant ce drame humain –, de se laisser aller à des jugements faciles, hâtifs, comme on a pu le lire sur les réseaux sociaux, autour de tous ces squatters qui effectivement n’ont pas le droit de contourner les lois. Il est toujours facile de commenter, d’avoir sa propre opinion. Mais doit-on répéter que c’est notre regard sur l’autre qui traduit notre humanité ? Même si les squatters ont eu tort de s’installer sur les terrains de l’État, le gouvernement a tout aussi tort de choisir ce moment de confinement pour les déloger. Beaucoup sont déjà suffisamment stressés face à l’incertitude de l’avenir et voilà que l’on se presse pour leur faire comprendre que tous ne méritent pas d’avoir un toit. Ces images indignes montrant des personnes vulnérables qui assistent, impuissantes, à la destruction de ce qu’elles considéraient comme leur maison traduisent l’île Maurice d’aujourd’hui : la vision de plusieurs catégories de citoyens, l’écart entre riches et pauvres, l’incapacité à régler le problème de logements pour les misérables, la facilité à s’en prendre aux plus défavorisés pendant que certains, qui pourtant ne dorment pas dans des bicoques, payent une modique somme pour des terrains loués à bail…
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