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27 septembre 2025 18:10
Le début de la semaine écoulée a eu de quoi interpeller. Entre une agression au couteau dans le métro, ce qui semble être des coups de feu au beau milieu des rues de Grand-Baie ou même une agression violente à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, on a eu des faits divers de plus en plus agressifs. Nous avons demandé à une psychologue et à des citoyens engagés d’essayer de nous faire voir plus clairement dans cette spirale souvent très sanglante.
Semaine rouge. Avec à nouveau du sang. À la différence que les faits divers les plus marquants et violents de la semaine écoulée ont eu lieu dans des lieux publics : coups de feu en pleine rue de Grand-Baie le dimanche 21 septembre, le même jour, une agression dans le métro où un homme est tombé dans le coma après avoir été poignardé, heureusement secouru par deux hommes (voir notre cover story), ou même le mardi 23 septembre, une agression à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, où deux hommes venus recevoir des soins après une première agression plus tôt ont été attaqués dans l’enceinte de l’hôpital par quatre assaillants, nécessitant l’intervention de la Special Support Unit. L’occasion pour nous de voir un peu plus loin que ces faits divers prenant place dans des lieux très fréquentés et peut-être de demander à des observateurs de la société d’analyser toutes ces histoires violentes qui font fi du caractère public des lieux.
Padma Utchanah, du mouvement Ralliement Citoyen pour la Patrie, nous fait un tableau plutôt noir : «Lors de cette semaine écoulée, notre pays a été plongé dans une spirale de violence vertigineuse, même nos malades dans nos hôpitaux publics sont pris pour cible. Nous sommes dans une République des sabres. Depuis la mise en place d’un nouveau gouvernement, le pays a basculé dans une insécurité sans précédent (…). La police est un pur échec institutionnel (…). L’État n’incarne plus aucune autorité (…). Les puissants, les anciens, tout comme l’actuel gouvernement sont mêlés à des crimes économiques, des cols blancs mouillés dans des magouilles. Le ‘petit’ peuple ne peut que s’en inspirer à sa manière. C’est pour ça que l’école doit être un vivier qui prépare les futurs citoyens à être des adultes respectueux. Les parents doivent aussi être des pères et des mères responsables.»
La citoyenne engagée Saffiyah Edoo tempère un peu plus et parle beaucoup de «stratégie collective» pour avoir une société moins violente : «C’est clair que rien que cette semaine, il y a eu des violences qui choquent, dans des lieux très fréquentés comme le métro ou l’hôpital. Ça en dit peut-être long sur le degré de frustration qui est actuellement dans notre société. Beaucoup de personnes trouvent cet échappatoire dans la violence, la drogue aussi n’est jamais loin dans bien des cas, comme cette semaine. Quand on voit qu’il y a la vie chère, le chômage, la corruption, cela crée une atmosphère qui est déjà très négative. Et cette impunité, cette audace de s’exprimer violemment dans un lieu public peut aussi venir du fait qu’il n’y a plus une confiance et un respect des forces de l’ordre, surtout quand on voit l’actualité en ce qui concerne tous ces policiers incriminés dans des histoires de fraude, souvent des hauts gradés en plus. Vous imaginez tout le boulot qui incombe donc aux autorités pour se refaire une santé de façon intelligente, mais c’est aussi une occasion en or pour le gouvernement d’opérer un paradigm shift et vraiment aller vers une société de changement ! Dans le court terme aussi, il serait bon de penser à des stratégies simples, comme une meilleure sécurité dans les hôpitaux et le métro, mais c’est aussi au citoyen de jouer le jeu et de comprendre que la violence n’est pas la solution.»
Olivier Précieux, enseignant et détenteur d’une licence en sciences sociales, abonde dans le même sens : «Je suis convaincu que ce qu’on vit est le reflet de la technologie : les réseaux sociaux accentuent et lèvent le voile sur beaucoup de violences qui, avant, étaient occultées ou étaient juste des articles dans des journaux, ce qui donne cette image que nous vivons dans une société plus violente, alors que je pense que la violence est bien présente dans notre société depuis un moment. Je pense qu’il y a beaucoup de facteurs psychologiques et sociologiques en jeu. On dit souvent que le mal du siècle est le stress et je suis d’accord. Nous sommes stressés tout le temps : boulot, maison, vie chère, frustrations et beaucoup n’arrivent pas à évacuer ce stress, ce qui peut mener à la violence. Les solutions sont pour moi de prendre conscience qu’il faut une responsabilité collective dans la société, que tout le monde doit jouer le jeu, les autorités, le public. Et aussi, une société moins violente commence avec la pédagogie et l’éducation des plus jeunes, faire comprendre que faire violence, que ce soit dans un lieu public ou privé, est bien sûr mal.»
Trois questions à Sanjana Gobin-Rambhojun, psychologue
Comment en arrive-t-on à toute cette violence, en plus dans des espaces publics ?
En tant que psychologue, je vois dans ces actes le reflet d’un malaise plus profond. Nous vivons à une époque où l’empathie s’érode. Les gens se parlent moins, se comprennent moins et oublient parfois que l’autre, en face, est aussi un être humain avec ses fragilités. À force d’être bombardés d’images violentes sur les réseaux sociaux et dans les médias, nous finissons par nous désensibiliser. La patience, elle, devient un luxe rare dans un monde où tout doit aller vite. Ajoutons à cela un quotidien rempli de stress, de pressions économiques et sociales, et nous obtenons une recette explosive qui peut transformer une frustration en violence en quelques secondes.
Pensez-vous qu’il y a une hausse de la violence ou une visibilité plus accrue de celle-ci ?
La réalité, c’est probablement un peu des deux. Les caméras de téléphones rendent tout visible et parfois, cela donne l’impression que la société s’embrase soudainement. Mais il serait naïf de croire que ce n’est qu’une illusion : les tensions sont bien réelles et notre tissu social se fragilise. La vraie question n’est donc pas seulement de savoir pourquoi la violence éclate, mais surtout, comment nous, collectivement, choisissons d’y répondre.
Comment construire alors une société moins violente ?
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des pistes pour inverser cette tendance. Et elles ne sont pas si compliquées. Revenir à des choses simples : renouer le dialogue, prendre le temps de se calmer, s’ouvrir à l’autre. Il est aussi crucial de cultiver et de modéliser l’empathie dès l’enfance, à travers l’éducation, la famille et les exemples que donnent les adultes. La violence ne se règle pas par plus de violence, mais par la construction patiente d’une culture du respect et de l’écoute.
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