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Par Elodie Dalloo
27 avril 2025 19:41
Son décès subit, le 15 avril, a plongé son entourage dans le choc puisque, disent-ils, Mireille Huët, 57 ans, était «en bonne santé». Ce n’est que quelques heures après sa mort que ces derniers ont été stupéfaits d’apprendre qu’elle aurait été battue régulièrement par son petit ami. Le rapport d’autopsie préliminaire a attribué sa mort à un œdème cérébral aigu, mais d’autres analyses sont en cours afin d’en déterminer la cause. Entre-temps, son entourage, qui espère une enquête approfondie, a déjà consigné une déposition au poste de police, la soupçonnant d’avoir succombé à des coups infligés à la tête. Ses proches s’expliquent.
Le mardi 15 avril, elle a quitté ce monde de manière soudaine et inattendue ; un départ imprévisible ayant plongé les membres de son entourage dans le choc, au-delà de la tristesse. Car jusqu’ici, Mireille Huët, âgée de 57 ans, avait toujours semblé être «en bonne santé. Elle m’avait juste déjà fait part de douleurs qui apparaissaient, mais sans plus», nous confie sa fille Carole, installée en France depuis une dizaine d’années. Joviale et optimiste en toutes circonstances, la quinquagénaire, qui vivait à Quatre-Bornes, avait toujours donné à son entourage l’impression de vivre sa vie au maximum puisqu’elle dégageait un sentiment de bonheur, de satisfaction ; comme si le terme «bonne vivante» avait été inventé pour elle. Ce n’est qu’après sa mort que sa famille a appris qu’elle aurait vécu l’enfer auprès de l’homme qui partageait sa vie. Abasourdie et dans le flou, sa fille Carole s’interroge à présent : «A-t-elle succombé après avoir été victime de violences répétées ?» D’autant que depuis la veillée mortuaire, son compagnon n’aurait plus repris contact avec les membres de leur famille.
Séparée du père de ses deux enfants depuis de nombreuses années, Mireille Huët semblait filer le parfait amour avec Julien*, un ex-infirmier de 29 ans, dont elle avait caché l’âge aux membres de son entourage. Cet homme avec qui elle était en couple depuis environ cinq ans était très apprécié des membres de sa famille : «Il semblait calme, sympathique et attentionné.» Le jeudi 10 avril, à l’occasion de l’anniversaire de la quinquagénaire, le couple s’était rendu chez Sheila, la sœur de cette dernière, à Résidence Barkly, pour les célébrations. Ils y ont séjourné plusieurs jours, où «zot ti kalm, zot pa finn diskite zame», précise José, son beau-frère. Dans la soirée du lundi 14 avril, après une journée très arrosée, Mireille Huët et son compagnon sont allés se coucher au premier étage. C’est aux petites heures du matin, le lendemain, que Julien, l’air paniqué, a dû solliciter l’aide des autres membres de sa famille. «Il nous a dit que Mireille avait du mal à respirer et que juste avant, elle avait été prise de convulsions. Lorsque je suis allée la voir, elle a inspiré un grand coup, sans expirer, puis a inspiré profondément une deuxième fois, avant de fermer les yeux. Apre sa, li ti nepli ena okenn reaksion», relate la nièce et filleule de la victime, une assistante infirmière. Elle aurait tenté de lui faire un massage cardiaque, sans résultat.
Lorsque le SAMU est arrivé chez eux, le médecin n’a pu que confirmer le décès de Mireille Huët. «Il a dû la dévêtir, et c’est là qu’il s’est aperçu qu’elle avait énormément de bleus sur le corps», a appris Carole de ses proches. Comme le veut le protocole, les limiers du Scene of Crime Office (SOCO) ont été sollicités pour recueillir des preuves sur place à des fins d’enquête dans l’éventualité d’un acte criminel. Ils ont informé les proches de la victime qu’une autopsie devrait être pratiquée pour déterminer la cause de son décès «suspect», bien que les enfants de Mireille Huët s’opposaient à cet exercice ; la volonté de leur mère étant de ne jamais subir un tel examen médical après sa mort. Celle-ci a été pratiquée par le Dr Sudesh Kumar Gungadin, chef du département médicolégal de la police, qui a attribué son décès à un acute cerebral oedema dans un rapport préliminaire. Puisque l’œdème cérébral peut être causé par divers facteurs – les traumatismes crâniens, les infections, les tumeurs cérébrales ou les AVC, entre autres –, des examens plus poussés devront être pratiqués afin de déterminer ce qui a entraîné sa mort. Les résultats des prélèvements, envoyés au Forensic Science Laboratory (FSL), sont toujours attendus. Entre-temps, son compagnon Julien a déjà été questionné par la police, puis autorisé à partir.
Un tourbillon d'émotions
Dans un premier temps, les proches de Mireille Huët ne se sont pas posé de questions. Mais les témoignages des personnes qui connaissaient la quinquagénaire les a, bien vite, plongés dans un tourbillon d’émotions fortes et inespérées. Quelques heures après son décès, relate José, le beau-frère de la victime, «son manager a tenté de la joindre sur son cellulaire. Nous avons décroché pour lui annoncer son décès, et c’est là qu’il nous a fait part de toutes les fois où Mireille s’était confiée à lui pour raconter son calvaire. Il nous a envoyé des captures d’écran de ses conversations avec elle, ainsi que des photos où elle lui montrait ses graves blessures et disait qu’elle avait été battue». Le jour de la veillée mortuaire, poursuivent-ils, «nous avons aussi rencontré un peintre qui dit avoir déjà vu Mireille se faire tabasser. Deux semaines avant son décès, il s’était rendu chez elle, à Quatre-Bornes, et y effectuait des travaux lorsqu’il l’a entendue hurler en recevant des coups. Mireille lui avait permis – après le départ de son compagnon – de faire des photos de toutes les ecchymoses qu’elle avait sur le corps. Elle avait des traces de morsures impressionnantes à la jambe. Nous n’avions jamais rien constaté car elle se couvrait tout le temps ou trouvait toutes sortes d’excuses pour justifier ses blessures». C’est toujours après son décès que d’autres proches qui vivent à quelques mètres de la quinquagénaire ont aussi raconté à son entourage l’avoir régulièrement entendue se faire injurier. «Ils ont évoqué des cris et des bruits de vaisselles brisées lors des disputes», relate la famille.
Le manager de Mireille Huët, Joé, se dit choqué par sa disparition soudaine. Pour cause, il ignorait que la quinquagénaire s’était remise en couple car elle lui aurait promis de dénoncer les actes de violence qu’elle subissait à la police. Il lui avait aussi parlé la veille de son décès et celle-ci aurait réclamé une avance sur son salaire, prétextant être dans «une situation difficile». Notre interlocuteur relate qu'il y a environ sept mois, Mireille Huët aurait récupéré son poste au restaurant où ils travaillent. «J’avais constaté un changement dans son comportement. Elle semblait perdue dans ses pensées, n’avait plus la même joie de vivre. Elle s’absentait souvent – environ six fois depuis le début de l’année – et avait toujours des excuses peu plausibles, comme des chutes dans la salle de bain. Je lui avais dit “Mireille, derrière ton sourire, tu caches quelque chose. Il faut parler”. Elle a longtemps hésité, mais a fini par se confier deux mois avant son décès.»
Culpabilité
Joé, toujours très secoué, poursuit son terrible récit : «Elle m’avait envoyé des photos de ses blessures au visage, me disant qu’elle avait été frappée. Elle était en pleurs et avait peur. Elle m’avait aussi expliqué qu’elle venait souvent au travail ivre car son compagnon la forcerait à boire pour ensuite avoir des relations sexuelles avec elle. Elle disait qu’il l’obligeait à avoir des relations sexuelles avec lui plus d’une dizaine de fois par jour. Elle m’a dit qu’ils s’étaient déjà séparés, mais qu’après qu’ils se soient remis ensemble, il aurait commencé à se montrer très jaloux. C’est comme s’il voulait la posséder.» «Linn dir mwa li pou touy mwa. Linn bat mwa koumadir linn bat enn zom», peut-on lire dans les messages qu’elle lui a envoyés et qui viendraient de son compagnon. Mireille Huët lui aurait affirmé avoir consigné une déposition au poste de police de Quatre-Bornes contre celui-ci en présence de l’une de ses nièces mais qu'il aurait prétendu être la victime une fois au poste. Son entourage n’a, toutefois, pas été en mesure de s’entretenir avec ladite nièce pour des précisions jusqu’ici. «Je lui avais remis le numéro d’un homme de loi pour ses démarches, mais elle n’a jamais pris contact avec lui», lâche Joé. Aujourd’hui, il se dit «choqué d’apprendre que son entourage n’avait aucune idée de ce qu’elle vivait».
De fait, à la tristesse de Carole s’ajoute un lourd sentiment de culpabilité. «Lorsqu’on leur parlait, tout semblait aller bien. On ne voyait jamais les bleus sur le corps de ma mère car elle était toujours couverte ; on ne voyait que son visage. Lorsqu’elle avait des bleus au visage, elle évitait les appels vidéo pendant plusieurs jours. Quand j’avais enfin pu la voir, le visage toujours boursouflé, elle a prétendu qu’elle était tombée dans les escaliers et avait eu un abcès. Elle disait qu’elle ne m’en avait pas parlé pour éviter que je m’inquiète. À aucun moment je n’ai remis en doute sa parole. Aujourd’hui, je m’en veux de n’avoir rien pressenti ; je ne sais pas si j’avais des écailles sur les yeux.» En «assemblant les pièces du puzzle», les proches de Mireille Huët se demandent pour quelle raison le compagnon «n’est pas venu aux funérailles et n’a plus repris contact avec nous. Est-ce qu’il a quelque chose à se reprocher ? Il semblait aussi préoccupé par les résultats du rapport d’autopsie et n’a cessé de nous questionner à ce sujet jusqu’à ce qu’on ait le rapport temporaire».
Le samedi 19 avril, la nièce de Mireille Huët a consigné une déposition au poste de police et a fait part aux officiers de ses soupçons. Elle se dit convaincue que la quinquagénaire est décédée des suites des violents coups qu'elle a reçus, puisque des blessures antérieures à la tête ont été décelées après sa mort. Puis, ce vendredi 25 avril, c’est sa sœur Sheila qui s’est rendue aux Casernes centrales pour réclamer l’ouverture d’une enquête. «Les enquêteurs du Central Criminal Investigation Department prévoient de récupérer les éléments de notre déposition consignée à Barkly. Ils nous ont indiqué qu’ils attendront que tombent les résultats finals du rapport d’autopsie et pourront ensuite décider de la marche à suivre», lâche l’entourage de la victime, qui veut connaître la vérité sur la mort de Mireille. Nous avons contacté ledit Julien pour avoir sa version des faits. Il nous a répondu dans un premier temps : «Que voulez-vous ?» Et lorsque nous lui avons fait part des soupçons des proches de Mireille Huët, il ne nous a pas répondu et est resté injoignable. S’agit-il d’un énième féminicide ? Seule la suite de l’enquête déterminera les causes du décès de Mireille Huet et permettra à cette famille de faire son deuil. (*prénom modifié)
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