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Par Yvonne Stephen
10 mai 2025 19:46
La tension était à son comble. Cette semaine, l’Inde et le Pakistan se sont bombardés provoquant une onde de choc au sein de leur population mais aussi dans le monde. Un épisode violent qui s’inscrit dans un long conflit entre ces pays voisins. Sur X, ce samedi 10 mai, Ishaq Dar, ministre pakistanais des Affaires étrangères, a annoncé que les deux pays étaient d’accord sur un «cessez le feu avec effet immédiat». L’Inde a confirmé cette nouvelle à travers un post de son homologue indien, Subrahmanyam Jaishankar, qui a précisé qu’il s’agissait d’une décision négociée directement entre les deux pays. Pour rappel, le 22 avril, des islamistes armés ont abattu des touristes, dont 25 d’origine indienne, à Pahalgam dans le Cachemire indien, ce qui a mis le feu aux poudres. Si la Grande péninsule a accusé le Pakistan d’être impliqué dans cette attaque, ce dernier a nié toute implication. Shafick Osman, docteur en géopolitique (Paris-Sorbonne), parle du conflit.
Quelle est l’origine de ce conflit ?
L’origine est très simple : c’est le Cachemire. Suite à l’indépendance de l’Inde et à la création du Pakistan par les Britanniques dans la même foulée, il y a eu la revendication autour de cette région. Le maharajah (sikh) du Jammu-et-Cachemire avait décidé de ne pas rejoindre l’Inde indépendante. Mais le Pakistan commençait à revendiquer l’État du Jammu-et-Cachemire, car très majoritairement musulman. C’est ainsi que peu après, le maharajah Hari Singh a demandé l’annexion de «son» État à l’Inde. C’est le début alors du conflit indo-pakistanais sur le Cachemire, qui a vu trois guerres en 1947, 1965 et 1971 (création du Bangladesh). Il faut dire que la Chine contrôle un petit bout du Cachemire également et qu’il existe un mouvement indépendantiste au Cachemire, c’est-à-dire ni indien ni pakistanais et encore moins chinois.
Quels sont les éléments déclencheurs de cette reprise ?
L’attaque meurtrière à Pahalgam le 22 avril dernier est le résultat direct de cette «reprise». Néanmoins, les tensions ont commencé en 2019, quand le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi, fort d’une promesse électorale, a abrogé le fameux article 370 de la Constitution indienne sur l’autonomie du Jammu-et-Cachemire, le plaçant sous le contrôle direct de New Delhi ! Ce fut une très grande victoire pour le BJP et ses alliés, mais beaucoup de violations des droits humains ont suivi cette violation constitutionnelle. Pahalgam permet au Premier ministre indien d’enclencher cette quatrième guerre pour prendre sa revanche et effacer l’affront de l’attaque du 22 avril.
Quelles répercussions ces affrontements ont-ils sur la sphère géopolitique et pour Maurice ?
Avec un quart de la population mondiale, toute guerre ou tout conflit sérieux entre l’Inde et le Pakistan pose un problème mondial, et non seulement dans la région et dans les diasporas en Occident ou ailleurs. Les deux États possèdent l’arsenal nucléaire et il faudra absolument éviter le pire, c’est-à-dire l’utilisation de l’arme nucléaire des deux côtés. Maurice, quant à lui, est un pays où les rivalités indo-pakistanaises peuvent facilement se répandre dans la société, surtout au niveau des hindous et des musulmans, mais on n’a rien vu de très grave dans le passé dans de telles situations, et souhaitons que la classe politique dans son ensemble ainsi que les mouvements socio-religieux ne jouent pas aux pyromanes ! Les autorités doivent aussi veiller de près aux messages et commentaires sur les médias sociaux, car tout dérapage est susceptible d’enflammer les choses. Personnellement, j’appuie la résolution des Nations unies de 1948 demandant l’organisation d’un référendum sur le sort du Jammu-et-Cachemire (voir ci-dessous).
Pour mieux comprendre…
Post-Seconde Guerre mondiale. Dans la mouvance des prises d’indépendance dans le monde, le vice-roi des Indes, Lord Louis Mountbatten, met fin au règne britannique sur l’Inde, les 14 et 15 août 1947. Deux entités sont créées (pour faire simple) : l’Inde et le Pakistan modernes. Néanmoins, les frontières définies ne satisfont aucun des deux camps, surtout en ce qui concerne la région du Cachemire (enclavée entre l’Inde, le Pakistan et la Chine), stratégique car le fleuve Indus y prend sa source.
Jocelyn Chan Low, historien, explique : «Le résultat de cette partition fut la création de l’État du Pakistan séparé de l’Inde et les déplacements de population dans un climat de violence et de massacre de civils en raison de leur appartenance religieuse. En outre, il y a eu des conflits autour du Cachemire divisé en deux parties, l’Inde et le Pakistan. Ces deux États sont des puissances nucléaires, d’où le danger de l’escalade. Sans compter que ces pays ont le soutien de grandes puissances.»
Des affrontements, des décisions internationales. De 1947 à 1949, ça chauffe. Mais la mise en place d’une «ligne de contrôle» vient quelque peu apaiser les tensions : le Cachemire est scindé. L’Azad-Kashmir pour le Pakistan, le Jammu-et-Cachemire pour l’Inde (avec un statut spécial d’autonomie). L’ONU, en 1948, prévoit alors de faire un référendum d’autodétermination pour que les habitants du Jammu-et-Cachemire décident où ils veulent se positionner, mais l’Inde refuse. En 1960, un accord bilatéral, sous l’égide de la Banque mondiale, est signé pour l’utilisation des eaux de l’Indus : il est question de partage, car l’agriculture du Pakistan dépend de cette source d’eau ; mais l’Inde garde le contrôle (d’où sa menace de «couper l’eau» des fleuves suite à l’attentat du 22 avril). Entre 1965 et 1971, les affrontements repartent. Un traité de paix, en janvier 1966, réinstaure le calme, en apparence. Néanmoins, les heurts perdurent. Chaque pays revendique le Cachemire en totalité. En 1971, les séparatistes locaux pro-Inde l’emportent au Pakistan et prennent leur indépendance ; ce qui verra la création du Bangladesh. Au fil des années, le processus de paix connaît des avancées puis des reculs, l’Inde accusant le Pakistan de faire appel à des terroristes. Les conflits n’ont pas cessé, depuis.
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