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Le corps de Jean Curtis Félix, 39 ans, repêché dans le lagon de La Cuvette

Son entourage : «S’agit-il véritablement d’une noyade ?»

9 août 2025

La mère et les amis du jeune homme s'attristent de sa disparition si soudaine.

Il était un artiste talentueux, un danseur passionné, promis à un bel avenir. Hélas, les innombrables projets de Jean Curtis Félix, plus connu sous le nom de Bryan, ne verront pas le jour puisqu’il a perdu la vie subitement, tragiquement. Ce lundi 4 août, son corps sans vie a été repêché dans le lagon de La Cuvette ; une nouvelle ayant choqué et attristé ses proches. Submergés d’interrogations quant aux circonstances de sa mort, ils se sont confiés.

La perte d’un être cher, quelle qu’en soit la cause, est toujours une épreuve difficile. Cependant, lorsqu’elle survient dans des circonstances brutales, inattendues, ou encore louches, le deuil peut s’avérer encore plus douloureux et entraîner des séquelles psychologiques conséquentes. Cette détresse intense, la famille et les amis de Jean Curtis Félix, plus connu sous le nom de Bryan, la vivent en ce moment même. Restés sans nouvelles de lui pendant plusieurs jours, ils étaient loin de s’imaginer que leur prochaine rencontre avec leur proche se ferait après sa mort. Ce lundi 4 août, le corps sans vie de cet habitant de Roche-Bois âgé de 39 ans a été repêché dans le lagon de La Cuvette dans un état de décomposition avancé ; une nouvelle ayant profondément dévasté tous ceux ayant côtoyé le trentenaire de près comme de loin. A leur incommensurable souffrance s’ajoute une multitude de questions qui restent sans réponses. «S’agit-il véritablement d’une noyade ?» s’interroge son entourage, convaincu que son décès n’est pas simplement la conséquence d’un malheureux accident.

L’amour que Bryan portait à sa famille, il le manifestait de diverses manières ; à travers de petits gestes d’affection, des paroles bienveillantes, ou simplement en se montrant présent. Depuis peu, il séjournait régulièrement à Grand-Baie dans une villa qu’avait louée son petit-ami – un ressortissant suisse en vacances à Maurice. Cela ne l’empêchait pas pour autant de faire un saut chez sa mère de temps en temps pour échanger quelques mots avec elle. La dernière fois qu’ils se sont vus, relate Odette,* «c’était vers 18 heures le jeudi 31 juillet. Il était accompagné de son amie Shirley et est passé à la maison. Linn dir mwa li pa pou tarde, ki li bizin al deswit. Mo pa kone mem kiler linn ale»*. Il était prévu qu’il aille déposer son amie à Camp Carol, Grand-Baie, dans la voiture qu’il avait louée et qu’il aille acheter à manger avant de retrouver son petit-ami à la villa. Cependant, plus personne n’a eu de ses nouvelles après qu’il a laissé Shirley chez elle.

Les jours suivants, Odette dit avoir tenté de joindre son fils à plusieurs reprises sur son cellulaire, en vain. Elle a eu Shirley au bout du fil deux jours plus tard, soit le samedi 2 août, s’inquiétant de n’avoir pas eu des nouvelles du trentenaire. «Li ti pe dir mwa ki Bryan abitie vinn get li me ki li pa pe tann li ditou. Li ti pe anvi kone si monn gagn so nouvel. Mo ti panse ki mo garson avek so kopin, ouswa linn al kot bann kamarad.» Toutefois, elle a commencé à se poser davantage de questions lorsque le petit-ami de Bryan l’a, à son tour, contactée le dimanche 3 août, se demandant où il était passé. «Linn dir mwa ki zame linn vinn rezwen li, ki li pa kone kot linn ale. Monn koumans gagn traka. Ce n’était pas dans ses habitudes de nous laisser sans nouvelles. Lorsqu’il ne dormait pas à la maison, il faisait toujours en sorte de passer au bout de deux jours et retournait toujours mes appels. Je m’étais dit que quelque chose avait dû lui arriver.» Sous les recommandations des proches et amis de Bryan, elle s’est rendue au poste de police de Grand-Baie dans l’après-midi, le lundi 4 août, pour signaler sa disparition. Il n’aura pas fallu longtemps aux enquêteurs pour réaliser que le corps non-identifié qu’ils avaient repêché plus tôt, le même jour, était celui du trentenaire.

«Nou anvi konn laverite»

D’après nos renseignements, il était environ 8h30 lorsque le personnel de la National Coast Guard (NCG) a repéré le corps de cet homme en état de décomposition avancé flottant dans le lagon de La Cuvette, à environ 300 mètres de la plage. N’ayant pas retrouvé ses effets personnels, les forces de l’ordre n’avaient pas été en mesure de l’identifier. Après l’avoir sorti de l’eau, celui-ci a été transféré à la morgue de l’hôpital Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) jusqu’à ce qu’un membre de sa famille se manifeste. Après que ses proches l’ont positivement identifié, le Dr Seewooruttun, médecin légiste de la police, a pratiqué une autopsie à l’hôpital Dr A.G. Jeetoo le mardi 5 août. Celui-ci a attribué le décès de Bryan à une asphyxie provoquée par la noyade.

Bien que l’entourage du trentenaire ne remet pas en question la cause de sa mort, il continue de s’interroger sur les circonstances ayant conduit à cette tragédie. Odette est catégorique : «Mo sir li pa enn sinp noyad. De trwa zour avan, li ti gagn problem avek bann kamarad. Mo pa kone si tousala relie. Mo kone mo garson pa ti pou al naze laba, sirtou pa sa ler-la. An plis, li ti enn bon nazer. Fode inn ariv li enn zafer mem pou ki li pann kapav debat dan dilo.» La voiture de location, dit-elle, a été retrouvée mais «nou touzour pa kone kot so kas ek so bann zafer ete». Elle lance un appel aux autorités : «Nou espere lapolis fer so travay. Nou anvi kone kinn pase, nou anvi konn laverite.» Une enquête a été ouverte.

Les proches de Bryan évoquent quelqu’un de «sympathique, populaire et très apprécié. Il avait le cœur sur la main». Selon sa mère, le trentenaire avait plusieurs cordes à son arc : «Il était non seulement champion de judo, mais était un artiste vraiment talentueux. Il dessinait, peignait des tableaux, qu’il revendait même à des hôtels. Je l’encourageais souvent à exposer ses œuvres». Son domaine de prédilection était cependant la danse, dans lequel il excellait. «Ce métier, il l’exerce depuis l’âge de 16 ans. Il a pris part à d’innombrables spectacles à Maurice, comme à l’étranger. Avant le confinement, c’était son principal gagne-pain, mais depuis la réouverture des hôtels, il ne l’a fait qu’à temps partiel», relate Odette. Son décès a plongé bon nombre de ses amis, notamment ceux issus du monde du spectacle, dans un profond désarroi.

A l’instar de Vanessa Augustin, elle-même danseuse, qui a toujours du mal à réaliser qu’il n’est plus de ce monde. «Cela me fend le cœur de parler de lui au passé, de me dire qu’il n’est plus parmi nous. J’ai toujours du mal à l’accepter. J’ai connu Bryan dans un groupe de danse en 2012, mais ce n’est que bien plus tard que nous nous sommes rapprochés. De mon point de vue, c’était le meilleur danseur et chorégraphe à Maurice. J’ai beaucoup appris de lui ; tout mon savoir-faire, je le lui dois. Sur le plan professionnel, il pouvait parfois se montrer sévère, dur, mais c’est ce qui nous poussait à nous surpasser. En tant que personne, il était un bon vivant, ne se préoccupait pas de ce que les autres avaient à dire sur lui et était toujours jovial. Il avait un fort caractère, n’avait pas la langue dans la poche, mais sa franchise et son honnêteté étaient ses plus grandes qualités. Je lui suis reconnaissante d’avoir été à mes côtés durant mes moments difficiles, car sans son soutien, je ne serais probablement pas de ce monde aujourd’hui.» Submergée de questions, elle s’interroge aussi sur les circonstances ayant entrainé son décès. «Mo pa kone ki kapav inn ariv li, si kikenn inn fer li kitsoz, me li pa ti merit al dan sa sirkonstans-la.»

Jonathan Hubon, qui a aussi eu l’occasion de côtoyer le trentenaire pendant de nombreuses années à travers leur passion commune pour la danse, est tout aussi dépassé par cet événement tragique. «Je suis toujours en état de choc ; c’est inacceptable.» C’est en 2016 que les deux danseurs ont fait connaissance, lors des répétitions pour un spectacle en marge de la fête de l’Indépendance au Champ-de-Mars. Depuis, les deux amis ne se sont plus quittés. «Bryan était quelqu’un doté d’une grande franchise. Avec lui, c’était toujours tout ou rien, jamais entre les deux. Quand il aimait, il se donnait à cent pour cent, et lorsque quelque chose le dérangeait, il ne pouvait pas le cacher longtemps. Sa manière d’aller droit au but faisait de lui quelqu’un d’authentique.» Il décrit également le défunt comme «un talentueux chorégraphe ; un véritable mentor et cadreur, incroyablement créatif et passionné. Durant les saisons festives, cela pouvait lui arriver de vider entièrement l’atelier de costumes pour un seul show», relate notre interlocuteur en riant, nostalgique de ces bons moments. Mais ce qu’il retient avant tout de la victime, c’est le souvenir d’«un véritable ami et un artiste complet ; une personne spéciale, vraie et sincère. Pour lui, l’amitié, la famille, la fraternité, l’amour et le travail avaient un sens profond».

Les funérailles de Bryan ont eu lieu ce mardi 5 août. Il laisse derrière lui des proches et amis inconsolables, dont sa fille de 16 ans.

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