Publicité

Befrienders Mauritius

30 ans de présence, d’écoute et de soutien contre le suicide

13 septembre 2025

Cela fait 30 ans que l'équipe de Befrienders Mauritius est à l'écoute des personnes en détresse.

En 2024, sur 112 cas de suicides officiellement enregistrés à Maurice, 38 concernaient des jeunes âgés de 16 à 25 ans et 56 des personnes âgées de 26 à 45 ans. Cette année, Befrienders Mauritius a choisi de marquer son 30e anniversaire ainsi que la Journée mondiale de prévention du suicide par une conférence centrée sur la santé mentale des jeunes et le lien affectif parents-enfants.

C’est un mot qui glace, qui dérange et qui fait peur : le suicide. Pourtant, ces derniers mois, il fait partie de notre actualité bien plus qu’il n’en faut. Des jeunes, des collégiens, des enfants même dans certains cas, se sont ôté la vie sans que leur détresse n’ait pu être entendue. 11, 12 ans, 13 ans, 14 ans, 18 ans, 20 ans… les jeunes semblent de plus en plus nombreux à sombrer dans un désespoir silencieux. Alors que l’âge de l’insouciance, des rêves et des projets devrait être leur quotidien, certains jeunes se retrouvent piégés dans une détresse invisible, prisonniers d’un mal-être qu’ils n’arrivent pas à exprimer et qui les pousse à commettre l’irréparable.

C’est une réalité cruelle, injuste et bouleversante qui marque au fer rouge les parents et les familles des victimes, qui secoue leur entourage et qui laisse perplexe toute une société en quête de réponses et de solutions. Face à ce constat, une question s’impose : que faire, qui les écoute, qui leur tend la main avant qu’il ne soit trop tard ? Depuis 30 ans, Befrienders Mauritius est aux côtés de ceux qui ont du mal à trouver une voie de sortie et n'arrêtent pas de sombrer, offrant une oreille attentive, une présence fidèle, un espace de parole sans jugement, pour briser le silence, sauver des vies et offrir un nouveau départ.

Dans le cadre de son 30e anniversaire et de la Journée mondiale de prévention du suicide, qui a été observée le 10 septembre, l’association a organisé la conférence Silent Signs, Listening Hearts. Cet événement, qui s’est déroulé sur deux jours, les 4 et 6 septembre, a été l’occasion de réunir plusieurs experts autour des thèmes liés à la santé mentale des jeunes et au lien affectif parents-enfants, des problématiques qui reviennent régulièrement dans les appels reçus par le Service d’écoute de l’ONG.

Mettre les jeunes au cœur de cet événement et des actions à venir de Befrienders Mauritius est une évidence, souligne Doris Dardanne, la présidente de l’association, au vu de l’augmentation significative des appels provenant d’adolescents et de jeunes adultes en détresse. En effet, sur la soixantaine d’appels et de messages reçus par Befrienders chaque semaine, la moitié provient d’adolescents ou de jeunes adultes. Sur l’année, l’ONG enregistre quelque 3 000 appels, un chiffre en nette augmentation depuis les confinements de 2020 et 2021, notamment grâce aux deux lignes d’écoute supplémentaires via WhatsApp. Ces chiffres n’incluent pas les contacts effectués par courriel, messagerie Facebook ou encore les appels provenant de l’étranger.

Une vraie souffrance

«Ils sont de plus en plus nombreux à nous contacter depuis quelque temps, et leurs appels font remonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Nous évoluons dans un contexte où la santé mentale des jeunes est mise à l’épreuve par de multiples pressions – sociales, familiales et académiques – qui les enferment dans un certain isolement au milieu d’une course effrénée contre le temps, à un âge où le sentiment d’appartenance à un groupe est crucial. Chez nos jeunes appelants, nous constatons une grande fatigue psychique, nourrie par une culture du silence et le sentiment d’être incompris ou en décalage avec le monde qui les entoure. À cela s’ajoute une phase de vie déjà complexe sur le plan biologique et émotionnel.»

En effet, confie Doris Dardanne, le manque de communication ou la difficulté à communiquer avec les parents est un aspect qui revient souvent, tout comme la souffrance liée à la violence domestique dont ils sont parfois témoins, ou à des situations de violences dont ils sont victimes, que ce soit dans le cadre familial ou scolaire.* «Le harcèlement est un autre fléau qui prend de l’ampleur. Ces derniers temps, nous avons reçu pas mal d’appels de jeunes en fin de cycle secondaire, qui se posent de réelles questions sur leurs perspectives d’avenir. Ce questionnement est nourri par la pression ressentie pour les performances académiques au détriment du lien social, et en faveur d’un sentiment de solitude.»*

En 30 ans d’existence, Befrienders Mauritius a connu une évolution significative, s’adaptant aux besoins changeants de la société et aux défis émergents liés à la santé mentale. «La détresse émotionnelle a toujours existé et existera toujours. Peut-être qu’il y a 30 ans, les gens cachaient davantage leur souffrance, ou faisaient preuve d’une plus grande résilience. Mais les non-dits étaient également nombreux. La jeunesse d’alors semblait plus innocente : le sens de la camaraderie et de la communauté était fort, la débrouillardise naturelle, et enfants, parents et grands-parents s’entraidaient au quotidien. Ces derniers étaient souvent présents à la maison.Aujourd’hui, les parents, pris dans des quotidiens surchargés imposés par la cherté de la vie, sont préoccupés et souvent absents, et ne perçoivent pas toujours la détresse de leurs enfants. Les liens avec les grands-parents sont plus faibles, voire rompus. Le monde virtuel occupe également une place importante dans les foyers, accentuant les non-dits et le manque de communication entre les membres de la famille. La déconnexion au sein de la cellule familiale est donc bien réelle, comme le révèlent les nombreux appels reçus par Befrienders», explique Doris Dardanne.

À cela s’ajoutent le cyberharcèlement, l’absence de cadre, les carences affectives, le manque de valorisation, la perte de repères, ainsi que des problèmes d’addiction à la drogue, à l’alcool, à la pornographie ou aux jeux. «Le jeune croit tout savoir, mais au fond il est perdu. Il se demande : de quoi sera fait mon avenir ? Ai-je vraiment un avenir ? Est-ce que cela vaut la peine de vivre ? Ce sont ces questions que nous entendons régulièrement chez Befrienders.» C’est pourquoi il est essentiel de créer un espace où chacun peut s’exprimer librement et en toute sécurité. C’est là que les personnes peuvent partager ce qui pèse sur leur cœur : leurs doutes, leurs frustrations, leur souffrance.

En cette année marquant ses 30 ans d’existence, Befrienders Mauritius se projette résolument vers l’avenir et réaffirme sa volonté de se consacrer aux jeunes, les piliers et futurs acteurs de notre société de demain. «Nous voulons regarder vers l’avenir, et c’est naturel de se tourner vers les jeunes, nos adultes de demain, nos dirigeants, nos piliers. Et avec le constat des appels que nous recevons, nous voulons conscientiser les personnes qui sont en lien direct avec les jeunes et qui font partie de leur vie, et voir ce que nous pouvons faire, chacun dans sa capacité, pour apporter un soutien et être à l’écoute. Voir comment nous pouvons faire pour nous assurer que les adultes de demain seront bien dans leur peau et dans leur tête, tout en ayant les pieds bien sur terre», dit-elle.

Pour les cinq ans à venir, Befrienders Mauritius entend intensifier ses campagnes de sensibilisation à travers l’île, car beaucoup de personnes ignorent encore l’existence et les services de l’ONG. L’association souhaite également étendre son soutien aux prisons, aux maisons de retraite, aux hôpitaux et à d’autres institutions. Des collaborations avec d’autres ONG sont aussi envisagées pour certains projets, tout comme l’extension du service d’écoute au-delà de 21 heures. Befrienders espère aussi lancer un podcast dédié à la santé mentale et recruter et former davantage de jeunes adultes afin de renforcer son équipe et mieux répondre aux besoins de ceux en souffrance.

Publicité