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Thérèse et Roger Bellejambe 

60 ans de mariage, 60 ans à s’accompagner

5 juillet 2025

Leur histoire est comme l’existence ; belle, parfois triste et, surtout, inspirante. Oui, tout cela à la fois ! Pour leurs noces de diamant, le couple se raconte.

Entre elle et lui, toute une vie. Thérèse, 83 ans, et Roger Bellejambe, 80 ans, fêtent ce dimanche 6 juillet leur 60e anniversaire de mariage, avec une bénédiction à l’église d’Albion le matin et un déjeuner familial (en attendant la grande fête le 13 juillet au Jardin du Nautilus). Une longue histoire à deux qu’ils sont heureux de partager. Car elle a défié le temps et les aléas de la vie. Car elle suspend la marche du monde où on s’aime, mais peut-être pas aussi longtemps. Et qu’elle vit encore, aujourd’hui, forte et résiliente. Ils se chamaillent, s’agacent et se cherchent mais, avancent main dans la main : pour aller au supermarché, au bazar, à la messe… Il n’y a pas besoin de «romantiser» leur histoire. Seuls eux la connaissent intimement. Des grandes joies, des belles émotions, mais aussi de la tristesse, des trouées sombres et des épisodes déchirants. Leur force réside dans le lien qui les a unis et réunis. Un fil d’amour qui a entortillé leur existence et leur chemin pendant plus de 60 ans !

Ce mercredi 2 juillet, en fin d’après-midi, Thérèse et Roger sont assis dans leur salon, à Albion. Dehors le vent s’est levé, faisant chanter les feuilles. Mais eux sont de retour dans la salle des fêtes du Plaza en 1963. La jeune femme de 23 ans est venue assister au mariage de sa voisine. Les lustres brillent de mille feux. Le parquet est ciré à la perfection et fait crisser les souliers des danseurs qui virevoltent d’un bout à l’autre de la pièce qui s’est parée de ses plus belles couleurs en ce jour de fête. On écoute Johnny Hallyday, Françoise Hardy, Claude François… Les amuses-bouche sont servis par les proches. Il n’en manque pas. Le moment est magique. «Quand on disait qu’on se mariait au Plaza, c’était un grand mariage», confie Thérèse.

Ce soir-là, la coquette jeune femme (qui l’est toujours bien des années après ; cheveux impeccablement faits et robe ajustée et brillante en ce 2 juillet!) s’est parée d’une robe en satin broché, raconte-t-elle. Elle est assise, parle avec ses amies. C’est là qu’arrive Roger, un ami des frères de la mariée. Un regard sur la salle – et ses occupantes, bien sûr ! – et ses yeux s’arrêtent sur Thérèse. «J’ai aimé son visage. Mo’nn kontan so manier», raconte-t-il, pudique. Ce soir-là, ils partagent trois danses, le rapprochement permet la conversation. Ces jeunes, qui habitent tous les deux Rose-Hill, se plaisent. «Nou’nn kontan», se remémore Thérèse.

En secret

Les jours qui suivent, ils se voient en secret. «Mon papa était très sévère», confie notre interlocutrice. Au bout d’une semaine et demie, Roger vient voir les parents de Thérèse pour leur demander la permission de voir leur fille : «Mon père a demandé à voir la maman de Roger. Elle est venue l’après-midi. Et les choses se sont faites.» Pendant un an et demi, letan frekente, Roger et Thérèse se voient sous le regard du papa de la jeune femme : «Quand il trouvait que Roger restait trop tard, il disait "inn ler la"», confie-t-elle dans un éclat de rire. Le 6 juillet 1965, le couple s’unit et célèbre au Plaza. La vie à deux commence ; avec la tête pleine de projets et d’envies. Au début, ils vivent avec la maman de Roger (son père était décédé quand il était très jeune). Les enfants arrivent ; trois garçons, Jean-Marie, Bruno et Jean-Noël. Le couple construit sa maison à Roches-Brunes, puis une autre à Albion. La carrière de Roger évolue : à 20 ans, il est maçon, puis il rejoint le port, à la Cargo Handling Corporation, et terminera sa carrière comme foreman. Thérèse, qui était couturière avant d’avoir des enfants, reste à la maison et s’occupe des siens et du quotidien. La vie et son tourbillon se chargent de grignoter les années. L’existence oscille entre des grands bonheurs : «Avoir les enfants, les faire baptiser…» Et des moments où elle n’a plus vraiment de sens (entre le quotidien, les langes à changer, les boubous des enfants et les rêves à réaliser), si ce n’est l’impérieux besoin d’avancer qui prend le pas sur toutes les autres entêtantes notes. La perte de leur fils aîné, il y a dix ans, a chamboulé le cœur de la famille. Un chagrin éternel qui les accompagne, désormais. Et qui teinte tous les grands rendez-vous de la vie, comme ces noces de diamant.

Le couple vit de moments avec sa tribu ; huit petits-enfants et 15 arrière-petits-enfants, dont le tout dernier vient juste d’avoir un mois. Dans leur monde, les souvenirs d’avant, là «où la vie était plus facile» : «C’était autre chose, le riz coûtait 30 sous, il y avait des lampes à pétrole. La viande et le poulet étaient frais et pas chers.» Ces réminiscences occupent leur journée. Mais le quotidien n’est pas fait que du révolu. Dans leur cuisine, où ils aiment se retrouver et cuisiner ensemble (rôti de porc, vinday, lasoup lapat bef), ils suivent une partition qui n’est jamais usée. Si la mélodie ne se réalise pas toujours dans l’harmonie, la musique joue quand même : *«Il y a eu des hauts et des bas. Maintenant, avec la vieillesse, c’est autre chose ! Nou tir defo nou kamwad *!» confie avec bonne humeur Thérèse, fringante madame qui s’occupe encore, elle-même, du ménage, du repassage et de la lessive. Et qui attend avec impatience de porter les belles tenues, réalisées par sa couturière, pour les deux journées de festivités.

Pour éviter les chamailleries, chacun a sa télé, les telenovelas pour Thérèse, les films d’action pour Roger, qui sort de son silence, pour évoquer Steven Seagal, Sylvester Stallone ou encore Sean Connery. Impossible de ne pas leur poser la question suivante : quel est le secret de la longévité de leur couple ? Roger et Thérèse n’ont pas de recette magique. Ils évoquent l’importance de l’amitié et de la compréhension. Aujourd’hui, ils n’ont qu’un souhait pour l’avenir : «Ki Bondie ekler nou ek permet nou get nou zanfan ek nou bann tizanfan ankor inpe letan.» L’essentiel, en bref. Un peu de vie, beaucoup d’amour pour nourrir, encore, ce lien unique.

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