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3 ans bientôt depuis le naufrage du MV Wakashio : le bonheur n’est plus dans la mer

Joseph Aristhene, Jean-Nöel Ova et Jagduth Hurlall avancent qu'il devient de plus en plus difficile de pratiquer le métier de pêcheur artisanal dans la région du Sud-Est.

Interrogez-les tous et ils vous diront la même chose : le lagon du Sud-Est n’est plus le même depuis le naufrage du MV Wakashio. L’association Eco-Sud vient d’ailleurs d’organiser un atelier – en collaboration avec la World Wildlife Foundation  du Japon – réunissant plusieurs acteurs concernés pour tirer des enseignements de la marée noire. Des pêcheurs y étaient. Ils ont «voice out» plusieurs difficultés auxquelles ils font face au quotidien depuis cette catastrophe écologique. Récit…

«Nou ti fami peser nou bizin al pli dan fon parski dan bor brizan nepli ena nanie pou nou, ansam nou tou krye protez nou losean nou ti peser ki pe soufer.» Le tube de Désiré François, Mo fami peser, sorti il y a bien des années, est plus que jamais d’actualité pour les pêcheurs de la région du Sud-Est. Leur quotidien est devenu un véritable cauchemar depuis le naufrage du MV Wakashio, le 25 juillet 2020. La marée noire qui en a résulté a a causé un écocide sur le récif corallien au large de Pointe-d’Esny.

 

Joseph Aristhene, 71 ans, fixe le bleu sans limite de la mer en ce mercredi matin. Le visage ridé par l’usure du temps, ce vieux loup de mer vient d’assister à un atelier organisé par l’association Eco-Sud, en collaboration avec la World Wildlife Foundation du Japon, sur les enseignements à tirer de la marée noire causée par le MV Wakashio. Un atelier qui a réuni des pêcheurs, des plaisanciers et des représentants de la communauté locale ainsi que des officiers du National Environmental Laboratory, de l’Albion Fisheries Research Centre, de la National Coast Guard et de la Tourism Authority.

 

Cet habitant de Mahébourg a écouté attentivement les exposés des différents intervenants qui ont tous souligné l’importance de tirer des leçons de cette catastrophe environnementale. Joseph Aristhene est toutefois convaincu que le métier de pêcheur artisanal est appelé à disparaître dans les années à venir. «Mo pa ankouraz personn fer peser aster. Lamer vid. Nepli ena nanie», dit-il. Ce zanfan lakot explique qu’il fait ce métier depuis son enfance. C’est son père qui lui a transmis cette passion : «Monn grandi bor lamer. Mo papa ousi ti peser. Sa lepok-la, li ti enn gran zafer kan ou ena ou bato ek ki ou konn lapes lalinn ek poz kasie pwason. Li ti ousi enn gran zafer kan ou ena ou kart peser, me tou inn sanze aster.»

 

Avec le réchauffement climatique, le poisson a commencé à devenir de plus en plus rare. La marée noire causée par le naufrage du MV Wakashio a empiré la situation.  «Parol sega Désiré François la vre sa. Bisin al pli dan fon aster pou resi gagn pwason. Ena zour ou bril lesans dan vid, ou retourn lakaz kasie vid. Lamer inn ousi pli danzere akoz bann sanzman klimatik. Mo marye mo ena enn tifi ek enn garson. Monn resi fer zot ledikasion ek sa travay-la. Zot a letranze. Monn dir zot res laba mem. Mo sorti de a trwa fwa par semenn kan lamer bon. Mo vann mo pwason ek bayan. Kan ou tir kas lesans pa res preske nanie», souligne Joseph Aristhene.

 

«Tou inn sanze aster»

 

Jagduth Hurlall, plus connu comme Jay, un autre zanfan Mahebourg qui pêche depuis l’âge de 13 ans, avance, lui aussi, que «tou inn sanze aster» : «Pwason ti deza rar. Linn vinn bien mizer depi Wakashio inn larg dilwil dan lamer. Pri pwason ki permet nou tir latet deor dilo. La ousi mo bizin trase rod klian vann mo pwason mo mem pou gagn mo lavi.» Ce pêcheur de 58 ans, qui gagne également sa vie comme plaisancier, explique que plusieurs espèces ont disparu dans le lagon du Sud-Est. «Le cheval de mer a complètement disparu. On ne trouve plus certaines espèces d’oursins et d’anguilles», dit-il.

 

Les conditions climatiques dans cette région de l’île compliquent le quotidien des pêcheurs. «Nou sorti trwa fwa par semenn. Ou bizin bril boukou lesans pou resi tir fre. Nou aste enn kasie difil Rs 7 500. Kasie bambou nepli ena aster. Nepli kapav servi akoz lamer move. Bann vag-la pran zot ale kouma nanie ditou. Pwason mizer. Bizin al rod li lwin», souligne ce père de famille. Son fils aîné, âgé de 33 ans, est également pêcheur et plaisancier. Son fils cadet, qui a 30 ans, travaille sur un bateau de croisière. Âgée de 22 ans, sa benjamine occupe, elle, un poste à l’aéroport.

 

Il n’est un secret pour personne que le métier de pêcheur est difficile. Il requiert de la discipline. Le rythme de travail est toujours soutenu. Il dépend souvent de la durée des marées. Les journées sont longues quand le temps est clément. Il se sent souvent déconnecté de la vie à terre, car il est éloigné de son domicile. Jean-Noël Ova, 52 ans, abonde dans ce sens. Il est tombé dans la marmite de la mer depuis l’âge de 14 ans. Marié et père de trois fils âgés de 33, 23 et 15 ans, cet habitant de Beau-Vallon précise qu’il doit «mari trase dan lagon ek dan gran dilo pou resi gagn enn lavi». Son fils cadet vient de terminer ses études universitaires. Son benjamin a plusieurs années d’études devant lui.

 

«Lasans ki mo ena bato pou mo mem. Mo pa lapes lasenn. Mo fer zis lalinn ek kasie. Mo sorti zis kan lamer bon. Mo madam Paquerette ki rod klian ek ki pran bann komann kan mo sorti lapes. Pwason bien tigit aster. Lamer nepli parey. Klima inn sanze. Ziska ler bann perser Mahébourg ki ena zot kart lapes pann gagn okenn dedomazman ar gouvernman depi mare nwar MV Wakashio. Lavi pe vinn de plis an pli ser. Pwason pe vinn de pli an pli rar li ousi. Diferan dimounn akfekte diferaman depi episod MV Wakashio. Ena sertin pwason ek frwi de mer inn disparet», se lamente désespérément Jean-Noël Ova.

 

Une mer calme ne fait pas un bon pêcheur. Les temps ont toutefois changé. Il ne vaut plus la peine de prendre des risques inutiles pour rentrer à la maison bredouille. Jean-Noël Ova, Jagduth Hurlall et Joseph Aristhene l’ont déjà compris. Le métier de pêcheur artisanal est appelé à se perdre...

 


 

Eco-Sud prépare un rapport sur la marée noire

 

La marée noire provoquée par le naufrage du MV Wakashio continue d’interpeller Eco-Sud. Cette association – qui milite pour la protection de l’environnement et la biodiversité de Maurice – prépare un rapport à ce sujet. Le contenu sera les résultats d’un atelier organisé en collaboration avec la World Wildlife Foundation du Japon sur les enseignements à tirer de cet écocide. Eco-Sud viendra bientôt de l’avant avec une analyse approfondie des connaissances acquises durant cet atelier qui a eu lieu le 14 juin. L’association va également proposer des recommandations clés visant à renforcer notre préparation et notre résilience en cas d’autres marées noires.

 

«Ensemble, nous devons renforcer nos capacités, nos connaissances et nous donner les moyens et ressources nécessaires pour nous adapter et favoriser un lien profond avec notre environnement naturel. Nos lois doivent également être adaptées afin de préserver la nature et la vie», a souligné Sébastien Sauvage, CEO d’Eco-Sud, ce jour-là. Shigeki Yasumura, directeur de la conservation au WWF Japon, a, pour sa part, fait ressortir que «l'incident du MV Wakashio à Maurice nous rappelle brutalement qu'il est urgent de collaborer avec toutes les parties prenantes pour avoir un impact plus important et relever plus efficacement des défis environnementaux complexes».