Publicité

40e voyage apostolique en RD Congo et au Soudan du Sud - Le Mauricien Jean-Luc Mootoosamy : «Presque deux minutes passées avec le pape, avec la voix de ma fille dans mon téléphone. I did it !»

20 février 2023

Jean-Luc Mootoosamy rencontre Laurent, Congolais de 6 ans, habillé en cardinal, comme son grand-oncle, feu le cardinal Monsengwo Pasinya.

Mon troisième voyage avec le pape François : «Il est 10h03, ce 31 janvier. Après 90 minutes de vol, le rideau du couloir gauche de l’Airbus d’ITA Airways s’ouvre. Trois hommes en noir, membres de la sécurité papale, sortent précipitamment. Et très calmement, le pape François apparaît. Il nous salue, semble vraiment heureux de retrouver ses “compagnons de voyage”, comme il nous désigne, et prend la parole. C’est la troisième fois que cette scène a lieu sous mes yeux, toujours réglée de la même manière, et l’émotion est intacte. À seulement quelques pas se tient un pape d’une incroyable simplicité. François, handicapé par son genou droit, s’excuse de ne pouvoir marcher vers nous pour échanger, comme il le fait d’habitude. Le pape nous invite cependant à venir le voir pour partager quelques mots.»

 

La rencontre personnelle : «Assis à la première rangée de la classe économie du vol AZ 4000, il accueille, écoute, console, s’émerveille devant des dessins d’enfants et des cadeaux originaux, bénit des photos, éclate de rire avec quelques consœurs et confrères journalistes qu’il connaît, et entend quelques confidences. Nous sommes 75 à patienter. Arrive mon tour. Cet instant-là, je l’ai longuement préparé, comme en 2019 sur le vol pour l’océan Indien et en 2022 pour le Canada. C’est une rencontre personnelle, pas une opportunité d’interview et les secondes sont comptées. Après une chaleureuse poignée de mains, ce regard souriant et bienveillant que j’ai retrouvé, j’ai remis au pape ce que j’avais préparé. D’abord, une liste de noms de personnes rencontrées durant les derniers mois, issues de diverses confessions religieuses ou qui ne croient pas en Dieu. Toutes m’ont cependant dit tout le respect qu’elles ont pour l’engagement du pape. Je lui ai ensuite présenté la photo de Joseph qui avait 4 ans lorsque je l’ai connu en 2004 à Mbandaka, dans le Nord-ouest de la RDC. Joseph, accusé de sorcellerie, avait été rejeté par sa famille. Âgé maintenant de 22 ans, il vit toujours dans la brousse. Le pape a écouté attentivement l’histoire de Joseph en italien, via un enregistrement de ma fille Mahalia, 14 ans, qui lui demandait d’intervenir pour “redonner une vie” à ces enfants rejetés. Presque deux minutes passées avec le pape, avec la voix de ma fille qui lui parle de Joseph dans mon téléphone portable. I did it !»

 

À bord de l'avion : «Sur ce vol, la solidarité est le maître-mot. Tout ce que le pape nous dit est partagé. Les clés USB avec les traductions de l’italien vers d’autres langues passent. Place aussi aux intéressants échanges sur les interventions du pape. Nous avons les textes en avance mais sous embargo. Ils ne sont rendus publics que lorsque le pape a parlé et seuls ces mots sont à rapporter. Entre nos mains, donc, des déclarations fortes. Mais l’embargo est sacré et le moindre écart peut avoir des conséquences pour un journaliste ou un média accrédité. Une exclusion pour un prochain vol papal ? Oui, c’est une possibilité, m’explique un journaliste qui a voyagé plus de 100 fois avec un pape (Jean-Paul II, Benoît XVI et François).»

 

À Kinshasa et à Juba : «J'y constate encore combien notre statut de journalistes accrédités nous offre une énorme liberté. Cela commence déjà à l’aéroport où nous sommes très bien placés pour l’arrivée du Saint-Père. Et lorsque nos véhicules fendent la foule, je prends la mesure de l’attente de ces peuples qui vont voir passer le pape qui arrive juste derrière nous. À Kinshasa et à Juba, une foule innombrable attend le pape comme un sauveur : celui qui va écouter, consoler, panser les plaies, mettre les dirigeants et la communauté internationale devant leurs responsabilités.»

 

Un partage : «Tout au long de ce voyage, sur mes pages Facebook, Instagram et TikTok (@jlmootoosamy), j’ai voulu emmener le public qui m’a suivi – dont de nombreux Mauriciens que je remercie – sur les sites pour vivre ces ambiances folles. Un voyage rendu possible grâce au soutien d’une entreprise réunionnaise, PG Structure, qui m’a accompagné, et Radio Tamazuj, média sud-soudanais en exil au Kenya, qui a repris mes reportages. Merci également à Maurice (Philip Ah-Chuen), à La Réunion (Gérard Grondin) et à l’Australie (Ranee Veerassamy) pour leur soutien. J’ai ainsi pu raconter ces moments forts : à l’aéroport de Ndolo (Kinshasa), une belle messe avec des chants, des couleurs, de la joie. Au Stade des Martyrs de Kinshasa, une ambiance de fête avec des jeunes chantant en chœur et réjouissant le pape. Au Soudan du Sud, belle ambiance de fête également au Mausolée John Garang, pour la veillée de prières et la messe. J’ai aussi pu transmettre les témoignages terribles de victimes de guerre dans l’Est du Congo. Des femmes violées montrent leurs bras coupés, des enfants racontent comment leurs parents ont été massacrés sous leurs yeux. Et certains disant qu’ils pardonnent à leurs bourreaux !»

 

Un feu d'artifice : «Parmi les bonheurs de ce voyage : retrouver mes anciens collègues congolais et sud-soudanais. Une amitié intacte après plus de 15 ans. Enfin, immense responsabilité : pouvoir poser une question – une deuxième en trois voyages – lors de la conférence de presse du pape. La violence extrême qui continue en RDC et au Soudan du Sud, et le modèle d’intervention des Nations Unies, c’est le thème que j’ai choisi d’aborder sur le vol retour de Juba. La réponse est venue non-seulement du pape mais aussi de deux autres prélats : l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, et le modérateur de l’Église d’Écosse, Iain Greenshields. Comme un feu d’artifice pour conclure ces moments gigantesques que la pratique du journalisme avec Media Expertise m’a permis de vivre.»

Publicité