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«Accord» PTr-MMM-PMSD : ce qu’en pense l’opposition extraparlementaire...

23 août 2022

Patrick Belcourt d'En Avant Moris, Géraldine Hennequin-Joulia, fondatrice d’Idéal Démocrate, et Dev Sunnasy de Linion Pep Morisien commentent les derniers mouvements sur l’échiquier politique.

C’est le scénario typique d’un feuilleton politique plein de rebondissements... Se fera, se fera pas ? La question d’alliance entre les partis de l’opposition reste toujours en suspens. En effet, entre le PTr, le MMM et le PMSD, il est, en ce moment, question d’accord mais pas d’alliance, selon les leaders respectifs. «Pou eleksion zeneral, nanye pa’nn finalize (...) Nou rekonfirme ki nou’nn ariv enn akor pou eleksion minisipal. Nou tou swet bann sanzman profon, a komanse par sanzman dan sistem politik», a déclaré Paul Bérenger, le leader du MMM, le mercredi 17 août, après la réunion des partis de l’opposition parlementaire : PTr-MMM-PMSD. Prenant aussi la parole à l’issue de cette rencontre, Navin Ramgoolam, le leader du PTr, a fait la déclaration suivante : «Apar sa, nou pa’nn koz okenn lalians.»

 

Avec cette confusion autour d’une éventuelle alliance ou pas, de nouvelles effervescences animent l’échiquier. Mais en politique, tout est possible. Trois membres de l’opposition extraparlementaire nous livrent leurs analyses de cet «accord» entre le PTr, le MMM et le PMSD.

 

Quel regard jetez-vous sur tout ce koze-koze, kase-ranze au sein de l’opposition et quel message cela renvoie au public ? C’est la question que nous avons posée à Patrick Belcourt d'En Avant Moris : «Je pense que cela vient dire aux Mauriciens que, peu importe l’insulte que ce type de politiciens fait à leur intelligence, ils continuent à s’y intéresser. Et, bien entendu, si ce public n’est pas en mesure d’exprimer son mépris pour ces personnages, ils seront là pour encore longtemps. Mais il faut que chacun assume ses responsabilités : vous avez aujourd’hui des influenceurs sur les réseaux sociaux qui gavent le public avec ce type d’animation folklorique. Malheureusement, il y a une partie de la presse qui propose aussi cela. Forcément, les Mauriciens finissent par penser que c’est cela la politique. Ils n’ont pas tort, puisque c’est tout ce qu’on leur propose. Ce qui me sidère, c’est que ce pays vit en campagne électorale de manière permanente. Sans que personne ne dénonce la paresse parlementaire du gouvernement comme de l’opposition !»

 

Est-ce que son parti serait prêt à s’engager dans une alliance avec ces partis ? Patrick Belcourt répond par la négation : «Faire alliance avec qui ? Sur quelle vision que nous pourrions avoir en commun ? La vision des dirigeants de ces partis est de faire partir Jugnauth. Pourquoi ? Pour prendre sa place ! Ça fait très court comme vision, vous ne trouvez pas ? C’est vrai que notre mouvement, En Avant Moris, est courtisé et je ne fais pas de difficulté pour écouter ceux qui viennent en émissaires. Mais, comme vous pouvez le constater, il ne se passe toujours rien. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que je ne vois pas le même sérieux que mes collaborateurs et moi-même mettons dans notre engagement politique. Je respecte les gens et les gens nous respectent parce qu’ils savent que nous considérons l’avenir de notre pays avec sérieux.»

 

«La saison des fiançailles»

 

Pour lui, En Avant Moris a d’autres priorités : «Si demain nous faisons alliance avec une organisation, ce sera sur des bases sérieuses. C’est peut-être la saison des fiançailles mais pour le moment, En Avant Moris a autre chose à faire que d’aller danser le séga politique. La situation économique du pays m’inquiète. On parle de l’inflation mais ça paraît théorique ; moi, je rencontre des gens qui doivent faire manger leur famille avec le même salaire. Que l’on parle de cela, voilà ce que je propose de mon côté. Que cela plaise ou pas, c’est de cela dont il faudra me parler.»

 

Commentant aussi l’actualité des partis de l’opposition ces derniers jours, Géraldine Hennequin-Joulia, fondatrice d’Idéal Démocrate, estime également que quelque chose ne tourne pas rond sur la scène politique locale politique. «Ce n’est pas seulement la situation au sein de l’opposition qui est confuse, c’est la situation politique dans laquelle se trouve notre pays qui tangue. Elle est devenue confuse au fil des années parce que l’action politique s’est vautrée dans des compromissions mandat après mandat. Et nous avons fini par aboutir à un pourrissement de ce système qui donne la nausée aux citoyens. S’il faut parler des gesticulations au sein des partis de l’opposition parlementaire, je dirai que ce cinéma nous est usuel, malheureusement. À qui reviendra quel poste ? Quelle part du gâteau ? Et cela crée des dissensions au sein même de ces partis. Pendant que ces mêmes personnes qui ont aidé à faire du système ce qu’il est aujourd’hui, calculent leur intérêt personnel, la situation sociale et économique continue à se dégrader», souligne Géraldine Hennequin-Joulia qui constate un malaise dans le pays.

 

«Nos citoyens souffrent, se serrent la ceinture sans commune mesure.Qui pense à notre devenir ici et maintenant ? Qui saura penser demain et Maurice dans 10 ans ? Ce n’est pas avec une marche des politiques le 3 septembre qu’on décidera de l’avenir du pays. C’est de la flagornerie. La révolution se fera dans les urnes si elle doit arriver ! Que le Reform Party ne fasse pas partie de cette alliance en gestation n’est une surprise que pour ceux qui ne suivent pas les séquences des «ennemis hier, amis aujourd’hui» mais qui prétendent faire de la politique. Vous pensez que Navin Ramgoolam va accepter de marcher aux côtés d’un de ceux qui l’ont cloué au pilori ? Allons, soyons sérieux. Mais profondément, qu’est-ce que tout cela va changer à la vie du citoyen ? Rien. Il faut rebattre les cartes. De nouvelles figures vont émerger si les Mauricien.ne.s en veulent.»

 

Que proposez-vous de votre côté ? Pour la fondatrice d’Idéal Démocrate, c’est important de donner un nouveau souffle au pays : «Chez Idéal Démocrate, on ne construit pas des alliances selon les intérêts caséistes, personnels et démagogues. Les alliances de circonstance ont montré leurs faiblesses, leurs limites. Les partis émergents ne doivent pas tomber dans ce même piège. Idéal Démocrate a ouvert une ligne de communication avec d’autres mouvements politiques émergents. Il est important de poser d’abord une base de valeurs, de comprendre quelle éthique guide ceux qui s’engagent en politique. Ensuite, l’idée est de voir si notre vision de Maurice demain converge. À partir de là, on pourra bâtir une nouvelle force.»

 

En vue des prochaines élections, Géraldine Hennequin-Joulia lance un appel aux citoyens. «Faire comme les anciens n’est pas mon sport favori. Je préfère m’inspirer de ce qui fait sens en démocratie que de copier les erreurs, l’arrogance et l’opportunisme des autres. J’appelle les citoyens à réfléchir à qui ils accorderont leur confiance aux prochaines élections ; qui sont ceux capables de donner un nouveau souffle à notre pays ?»

 

«Dégoût»

 

Quelle lecture fait-il de ce qui se passe du côté des partis de l’opposition ? Dev Sunnasy de Linion Pep Morisien nous donne aussi son avis sur le sujet. «Le sondage d’Afrobarometer, qui date de quelques mois, atteste que la majorité des Mauriciens inn degoute ar la classe politique et n’ont plus confiance dans les politiques traditionnels. Le sondage aussi disait roughly que 45 % des sondés, à peu près, disaient qu’ils ne savaient plus pour qui voter. Tou sa bann simagre, koz-koze, kase-ranze whatever-la viennent augmenter ces chiffres. Les gens auront encore moins confiance dans la classe politique. Une des raisons, je crois que c’est que ces partis n’arrivent pas à venir de l’avant avec un vrai programme. Le public a aujourd’hui envie d’écouter les programmes. Nepli anvi ekout dimounn», nous confie celui qui souligne que son parti, Linion Pep Morisien, s’est d’abord attelé à établir un programme. «Nounn get dabor nou program. Apre, nou a gete ki sannla pou implement le programme. On est dans cette optique notamment avec les différents sujets qui nous ont amenés à manifester, que ce soit le fuel strike ou encore l’affaire du Mauritius Turf Club ou notre action par rapport à la liberté d’expression des radios, entre autres thématiques que nous trouvons importantes en tant que mouvement citoyen.»

 

Voilà cinq mois, ce dimanche, précise-t-il, depuis que Linion Pep Morisien a été fondé et que le parti milite pour faire bouger les choses. «On a à peine cinq mois d’existence et on a notre propre agenda qui est de nous consolider. On croit beaucoup dans la formation. On travaille aussi sur des dossiers dont celui sur le Freedom of Information (présenté durant la semaine écoulée). On l’a écrit comme un projet de loi complet. Notre philosophie de la politique est complètement différente des partis traditionnels. Notre politique, c’est sur le travail, le travail des dossiers notamment. Puis, c’est aussi le terrain. Kan nou get bann kongre ki pe pase actuellement, nou trouv bann zistwar de bas niveau. La population, les jeunes, sont dégoûtés par ce qu’ils voient en politique. Il n’y a pas d’élections pour l’instant et nous, on continue à travailler pour consolider notre parti. Dans tous les cas, si les municipales arrivent, par exemple, on ira affronter les urnes tout seul», conclut Dev Sunnasy qui fait partie de l’opposition extraparlementaire et qui souhaite voir, comme beaucoup de personnes, du changement sur l’échiquier politique...

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