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21 décembre 2015 13:58
«Jeressens des sentiments mitigés par rapport aux derniers événements de mercredi, car j’ai presque passé la nuit en détention pour avoir été en retard de quelques minutes…»C’est avec ces mots que Laina Rawat-Burns, l’une des filles de Dawood Rawat, patron de la très controversée BAI, nous résume sa folle semaine.
C’est parce qu’elle s’est présentée au poste de police de Piton avec sept minutes de retard, enfreignant ainsi une des conditions de sa remise en liberté conditionnelle, qu’elle a été arrêtée. Elle a, toutefois, été libérée quelques minutes après l’intervention de son homme de loi, Me Shakeel Mohamed, et a écopé d’une amende de Rs 600.
«C’était un accident et je me suis excusée auprès du magistrat. Je suis un être humain et l’erreur est humaine»,nous confie Laina Rawat-Burns, actuellement enceinte. Il y a quelques mois, elle avait été arrêtée, puis libérée après une nuit en cellule dans le cadre de l’affaire BAI (voir hors-texte). Trois charges provisoires – conspiracy to defraud, money launderinget fraudulous use of company’s property– avaient été retenues contre elle. Elle avait été libérée après avoir payé trois cautions de Rs 125 000 chacune et signé trois reconnaissances de dette de Rs 5 millions. La magistrate lui avait aussi ordonné de se présenter au poste de police le plus proche de sa localité chaque lundi, mercredi et vendredi entre 6 heures et 20 heures.
Malgré sa grossesse, elle a essayé dignement, dit-elle, de gérer cette nouvelle épreuve qui a bouleversé sa semaine. Et dans ce tourbillon judiciaire et médiatique, la fille du grand patron de la BAI Dawood Rawat fait tout, précise-t-elle, pour protéger ses enfants : «L’ensemble des événements n’ont pas été une expérience des plus agréables pour mes enfants. Je suis triste pour ma famille, pour mes enfants qui ont à vivre dans ces circonstances. Et je suis si triste quand ma fille de 5 ans me demande, “pourquoi les méchants agissent comme ça avec toi ?”Elle est trop jeune pour que je lui explique les conséquences de la haine et du venin sur les personnes dites normales.»
Laina avoue que, plus le temps passe, plus elle ne comprend pas pourquoi on inflige un tel traitement à sa famille : «Je suis bien d’accord que les règles sont les règles, j’estime aussi qu’il y a quelque chose qu’on appelle être “raisonnable”. Il y a la loi et l’esprit de la loi. Pourquoi une personne doit aller faire acte de présence à un poste de police ? Je suppose que c’est pour s’assurer qu’elle ne fuie pas ! Donc, je pense que c’est injuste que les enfants de Dawood Rawat et leurs conjoints respectifs doivent aller faire acte de présence, trois fois par semaine, à la police. C’est comme si nous étions de grands criminels et que nous allions fuir le pays par bateau.»
L’année 2015 a définitivement, souligne-t-elle, été une pénible année pour les siens : «Est-ce qu’il y a différentes règles pour différentes personnes ? Pourquoi est-ce que d’autres personnes qui ont été trouvées coupables sont autorisées à voyager et ne doivent même pas aller faire acte de présence dans un poste de police alors que nous, nous sommes traités comme ça ? Je sympathise avec les nombreux citoyens qui ne disposent pas d’avocats pour les aider, surtout quand il y a des injustices. Cette saga dépasse l’entendement. Elle laissera une cicatrice profonde dans le pays.»
Suite à l’épisode de mercredi, Laina Rawat-Burns souligne avoir développé un profond respect pour les policiers.«Je pense souvent à l’image que j’avais de la police avant. Et pour être honnête, je pense que je ne me suis jamais posée les bonnes questions par rapport à leurs réalités, car je les ai toujours vu comme ceux qui donnaient des contraventions. Mais je dois dire que j’ai du respect pour ces hommes et ces femmes. J’ai pu déceler de la tristesse dans les yeux de ces policiers qui ont eu la tâche de m’annoncer que j’allais être arrêtée. Cela n’a pas été facile pour eux, surtout au moment où ma fille a commencé à sangloter parce que sa maman allait rester.»
Elle a son idée, dit-elle, sur la façon dont les choses se sont déroulées : «La décision vient certainement de plus haut, car les appels téléphoniques ont eu lieu alors que j’attendais avec ma fille. Les policiers ont effectué leur tâche de façon professionnelle et poliment et je leur serai toujours reconnaissante. Nous ne devrions pas juger tous les policiers par rapport à ce que nous avons vu, par exemple, dans la vidéo, où nous avions vu des flics danser. Je crois que ce type de jugements tout comme le fait de généraliser des choses, sont à l’origine de plusieurs maux dans notre société…»
Avec cette nouvelle arrestation, la saga BAI continue de plus belle à défrayer la chronique, comme elle n’arrête pas de le faire depuis avril.
Tout a commencé le vendredi 3 avril. Dans un communiqué, la Banque de Maurice indique que le permis d’opération de la Bramer Bank est suspendue pour non-respect des pratiques bancaires, entre autres, amenant dans son sillage la chute du groupe BAI et provoquant des scènes de colère de la part des clients et employés. Depuis, manifestations, arrestations (dont celle de sa soeur Adeela, entre autres proches), mandats d’arrêt internationaux contre Dawood Rawat (qui se trouve en France), rachats des entités et autres conférences de presse rythment cette saga. Alors que des compagnies du groupe, notamment Courts, ont été reprises par d’autres compagnies ou encore par le gouvernement, à l’instar d’Apollo Bramwell.
Le 17 décembre, un message signé Dawood A. Rawat a été posté sur la Like Pagedu grand patron de la BAI et a été adressé à la BA Family. «Chers membres de la famille BA, je suis sûr que vous êtes tous conscients de la raison pour laquelle il a été nécessaire pour moi de rester calme tout en préparant notre défense contre les attaques choquantes contre nous et la destruction de notre travail d’une vie. Cependant, comme nous nous approchons de fin de 2015, je voulais prendre un moment pour vous envoyer, ainsi qu’à vos familles, mes meilleurs vœux de santé et de bonheur pour la nouvelle année. Nous avons tous souffert des attaques sans précédent contre notre famille, qui comprend chacun d’entre vous, nos employés, nos clients et les autres, par un groupe en quête de vengeance pour des affronts perçus et pour leur gain personnel. Leurs actions vont rester dans l’histoire comme l’acte le plus ignoble de destruction à Maurice visant une famille, ses proches et ses clients, qui ont tous cru en nous. Je suis fier de ces cinquante années de travail que nous avons accompli. Nous avons toujours payé tout le monde. Tous nos clients bancaires et les propriétaires de polices d’assurance ont toujours été payés et ont reçu leurs fonds à travers le service d’une équipe dédiée. Nous avons toujours honoré nos responsabilités, comme vous le savez (…) Nous étions ensemble à chaque étape du chemin, et aujourd’hui, je vous demande à tous de rester ensemble, en contact et de vous soutenir mutuellement. Tout le meilleur à chacun de vous»,peut-on lire dans ce message, entre autres.
Par ailleurs, le Premier ministre sir Anerood Jugnauth s’est aussi exprimé sur l’affaire BAI lors de sa rencontre avec les radios de l’île pour le bilan de la première année du gouvernement au pouvoir. Il a précisé que les problèmes liés à l’affaire BAI sont réglés à 80 %. «Dawood Rawat pena pli bon kamarad ki mwa. Mais je me devais d’agir dans l’intérêt du pays», a-t-il déclaré.
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