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Affaire Betamax : zoom sur cette rupture qui… vaut des milliards

23 juin 2021

Veekram Bhunjun : «Je suis soulagé»

 

Une bataille juridique qui a duré de nombreuses années. Et le patron de Betamax peut pousser un «ouf» de soulagement : «Je suis soulagé. Nous avons vécu un vrai martyr.» Veekram Bhunjun a, également, décidé de ne pas les fre ! Betamax a fait servir une réclamation à hauteur de Rs 5,7 milliards à la STC. La Corporation a jusqu’au 22 juin pour payer. 

 

Ils étaient inquiétés…

 

Ils avaient été interpellés dans le cadre de cette affaire avant que les charges ne soient abandonnées. Il s’agissait de Private Secretaries et du directeur de Betamax. Mais aussi de  Navin Ramgoolam et d’Anil Bachoo, ancien ministre des Infrastructures publiques. Ce dernier a dit son soulagement. Et a précisé que «all procedures were followed» quant à l’octroi du contrat. Navin Ramgoolam, lui, a parlé de «justice divine» qui triomphe et a rappelé qu’il avait été injustement incarcéré et que l’annulation du contrat de Betamax était le fruit d’une «pure vengeance».

 

Ils s’expliquent….

 

En 2019, suite à la décision de la Cour suprême de donner gain de cause à l’État, Paul Bérenger disait : «Il ne faudrait pas oublier qu’en 2010, le MSM était en alliance avec le PTr et qu’il défendait le projet.» Au MSM, on ne souhaite pas vraiment commenter l’affaire Betamax. Surtout pas sous cet angle. La décision du Privy Council et le dédommagement à payer plomberaient le moral et provoqueraient des tensions.

 

Le PMSD, lui, faisait partie du gouvernement en 2015 au moment de la résiliation du contrat. Et c’est Xavier-Luc Duval, qui était alors Premier ministre adjoint, qui s’est expliqué sur le sujet. Il se rappelle, dit-il, avoir «supplié» ses collègues de ne pas se précipiter. Pourtant, «la décision a été prise dans l’empressement sans aucune étude et sans déterminer les implications légales».

 

La réaction de Roshi Bhadain, ministre de la Bonne gouvernance en 2015 et aujourd’hui leader du Reform Party, était également très attendue. Il aurait été, à l’époque, un des ardents défenseurs de la rupture de contrat. Sur ce point, il n’en démord pas : sa position reste la même. C’est la suite qui le fait tiquer. Il estime qu’on ne l’a pas écouté : «J’étais contre le fait que le gouvernement aille en arbitrage dans l’affaire Betamax.»

 

Une commission d’enquête ?

 

C’est une demande du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval. Qu’une commission d’enquête soit mise sur pied pour comprendre tous les tenants et aboutissants de l’affaire Betamax. Néanmoins, il semblerait que l’idée ne fait pas l’unanimité chez les Rouges. D’ailleurs, en conférence de presse du Labour Party, le député Ritesh Ramphul a clairement fait comprendre qu’il ne comprenait pas la pertinence de cette requête. Ce qui donne à réfléchir à la bande à Pravind Jugnauth, dont l’un des membres confie : «Qu’est-ce que le PTr a à cacher concernant l’octroi de ce contrat ?» Ivan Collendavelloo est allé dans ce sens au Parlement, cette semaine : «Peut-être que si une enquête est faite, les circonstances de l’octroi du contrat seront connues (…) One party has given the lion share to the other party.» Le ministre du Commerce, Soodesh Callichurn, a, lui, signifié son intention d’en parler au sein du Conseil des ministres.

 

Big big money

 

Rs 5,7 milliards, c’est une sacrée somme ! Mais c’est celle que devra débourser l’État mauricien. Comment compte-t-il s’y prendre ? Le ministre du Commerce, Soodesh Callichurn, a donné des indications en réponse à la Private Notice Question de Xavier-Luc Duval au Parlement. Pour l’instant, les modalités de paiement sont en cours. Mais déjà, il a pu préciser que les réserves de la STC, environ Rs 2 milliards, seront utilisées et que le gouvernement paiera le reste. Le leader de l’opposition a demandé au ministre si des hausses des prix du riz, de la farine, du diesel et de l’essence étaient prévues pour tenter de couvrir cette dépense. Soodesh Callichurn a assuré que ce ne serait pas à la population de payer le montant des dédommagements. Une assurance qui n’a pas convaincu. L’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), à travers la voix de son porte-parole, Jayen Chellum, se dit inquiet : «C’était une décision dangereuse et c’est la population qui en paie le prix. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n’a pas fait de provision pour ce genre d’imprévu.» D’autres inquiétudes se font entendre : la STC fonctionnera-t-elle correctement sans réserve ? Quel sera l’impact pour les consommateurs ?, entre autres.

 

Coup de chaud au «lunch room»

 

Ça fait perdre des milliards. Mais aussi le sang-froid visiblement. Un incident a eu lieu le jeudi 17 juin dans le lunch room de l’Assemblée nationale. Le député Shakeel Mohamed aurait fait une blague concernant l’affaire Betamax et serait entré en conflit avec des élus de la majorité, parmi les ministres Kailesh Jagutpal, Bobby Hurreeram. Le ton serait vite monté et des députés et policiers ont dû intervenir pour calmer les choses, selon les explications des Rouges. Du coup, deux camps et différentes versions s’affrontent. Mais aussi deux stratégies : les élus de la majorité ont voté une motion pour que le bureau du DPP prennent les actions nécessaires. Et Shakeel Mohamed, lui, a consigné une Data Book Entry contre les deux ministres et le député Ashley Ittoo. Il leur reproche d’avoir tenté de l’agresser et de l’intimider.

 


 

Pour situer

 

STC. La State Trading Corporation (STC) se charge de l’importation de commodités essentielles aux Mauriciens. C’est le «trading arm of the Government of Mauritius».

 

Betamax. Cette société de Veekram Bhunjun fait partie du Bhunjun. Elle a été «incorporated in the year 2009», selon le site internet du groupe.

 

2009. La STC alloue un contrat à Betamax pour le transport des produits pétroliers.

 

2015. En décembre 2014, le pays connaît un changement de gouvernement. Le 30 janvier 2015, le Conseil des ministres décide de mettre fin à ce contrat estimant qu’il y a une violation de la Public Procurement Act 2006 (PPA). Une décision qualifiée, alors, de vendetta politique dans le contexte post-électoral. En réponse, Betamax saisit le Centre international d’arbitrage de Singapour.

 

2016. Le bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) abandonne les charges provisoires contre les six personnes inculpées dans cette affaire, dont Navin Ramgoolam et Anil Bachoo. Ils avaient été arrêtés en 2015.

 

2017. Veekram Bhunjun, le big boss de la société s’assurant du transport des produits pétroliers entre l’Inde et Maurice, obtient gain de cause auprès du Singapour International Arbitration Centre. Il est stipulé que la STC doit fournir à Betamax un «award»/des dommages de Rs 4,5 milliards pour rupture de contrat.

 

2019. Une décision arbitrale que la Cour suprême renverse, estimant que le contrat de Betamax s’est fait de façon illégal, en «violation de la Public Procurement Act». Le ministre du Commerce, d’alors, Ashit Gungah,  commente : «Nous sommes un gouvernement qui prend des décisions dans l’intérêt de la population. Il n’y aucune politique de vengeance».

 

2021. Le Judicial Committee du Privy Council, saisi par Veekram Bhunjun, entend l’affaire en janvier 2021. Et c’est cette semaine, qu’elle a fait parvenir sa décision et donne gain de cause à Betamax. L’État devra lui verser plusieurs milliards de roupies.

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