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Affaire Lutchmeenaraidoo : Crise attend dénouement

14 mars 2016

Le ministre des Finances a fait part de ses frustrations cette semaine.

Le grand final s’annonce palpitant. Ou pas ! Après une semaine de tensions, de révélations, de silence, de koz koze, de  «je suis fas avec toi» (mais en même temps pas tant que ça), de status visé (le poème de Rudyard Kipling, If, posté par Vishnu Lutchmeenaraidoo sur sa page Facebook, c’est un peu ça, non  ?), de spéculations en série et de rebondissements à la Scandal (Olivia Pope, où es-tu  ?), le dénouement approche… enfi n  ! Vous saurez quel sera l’avenir politique du ministre des Finances, le protagoniste de votre nouvelle série à succès, celui dont la rumeur du départ du gouvernement fait bouillonner l’échiquier politique en mode gloubi-boulga. Celui qui semble avoir oublié qu’il devait être un des artisans du deuxième miracle économique : trous de mémoire et défi cit budgétaire (dans une interview accordée à l’express). Celui qui a décidé de s’élever contre l’omniprésence d’un ministre tout terrain, qui lui ferait de l’ombre aux Finances : Roshi Badhain. En deux mots : Super Vishnu !

 

Les nuages autour de la situation de Vishnu Lutchmeenaraidoo devraient se disperser grâce à un sacré rayon de soleil, demain lundi 14 mars. Après  la trêve nécessaire pour les festivités autour du 12 mars, le couperet tombera ou pas. Sir Anerood Jugnauth devrait décider de la posture à adopter concernant son ministre des Finances. Le but des récentes manœuvres au sein du MSM (un week-end de fête et de kouchou kouchou) a été de convaincre le nouvel adhérent au parti du soleil (il siégeait en indépendant… au sein du gouvernement depuis les législatives de 2014 jusqu’à quelques semaines), de rester dans la grande famille Lepep.

 

En congé maladie depuis son retour de Washington (il a été admis en clinique à cause d’une bronchite), l’ancien membre du MMM aurait profi té de cette absence prolongée pour faire part de ses frustrations et de ses envies d’ailleurs dans la presse. Son absence des Conseils des ministres et des festivités du 12 mars (il devait accueillir le président malgache à un banquet) a épaissi le brouillard.

 

Au cœur de sa méchante colère : Roshi Badhain et ses envies de tout diriger, le Double Taxation Treaty Agreement (DTTA) (négocié par le ministre de la Bonne Gouvernance mais pas à la satisfaction de Lutchmeenaraidoo) mais aussi, et surtout, la décision du Conseil des ministres d’inviter l’ICAC à s’intéresser au projet de Smart City de Pailles de la société chinoise Yihai International Investment Management Ltd. Projet dont s’occupait le Grand Argentier depuis le début de son mandat. Le ministre des Finances a parlé de «blessures» dans une interview accordée à l’express. Depuis, il s’est muré dans le silence, refusant de s’apesantir sur ses prochains moves…

 

Dans quelques heures, néanmoins, vous devriez pouvoir répondre à ces quatre questions qui vous empêchent de somnoler au bureau : (1) Le ministre des Finances fera-t-il toujours partie du gouvernement ? (2) Restera-t-il le Grand Argentier ou sera-t-il remplacé par Roshi Badhain  ? (3) S’occupera-t-il d’un nouveau portefeuille ministériel ou prendra-t-il la porte… vers un autre poste à responsabilité ? (4) Démissionnera-t-il en tant que député (nouvelle partielle, nouvelle vie : voir hors-texte) ? Pour l’instant, il n’y a pas d’indications solides (mais beaucoup de rumeurs) sur les propositions qui lui seraient faites par le chef du gouvernement. D’ailleurs, c’est pour jouer au pompier que le leader du MSM, Pravind Jugnauth, et d’autres membres du parti soleil ont multiplié les rencontres pour convaincre Vishnu Lutchmeenaraidoo de rentrer dans les rangs de la Lepep band.

 

De trwa pake pistas : check. Enn dite bien corsé : check. Vous êtes paré pour faire le tour des spéculations. Préparez-vous à un spoiler ! De toutes les hypothèses émises, il doit bien y en avoir une qui aura un fond de vérité. Prenons l’entourage de Vishnu Lutchmeenaraidoo du côté des Finances.

 

Là-bas, il se murmure que le Grand Argentier est en mode lev pake ale : «Il en a marre. Il n’a pas les coudées franches pour faire son travail, comme il l’entend. De toute façon, il a l’impression que tous les gros dossiers sont confi és à Roshi Badhain. C’est une impression, peut-être. Mais il le prend comme ça», confi e un offi  cier des Finances. Néanmoins, après les discussions avec Pravind Jugnauth, Super Vishnu aurait mis de l’eau dans son infusion. «Il reste au gouvernement. Il en a donné la garantie», explique un membre du PMSD. Quelles sont les garanties qu’il a pu obtenir ? Notre interlocuteur ne pourrait le dire avec certitude.

 

Idem pour un député MSM qui avoue, néanmoins, ne pas être dans le secret des Dieux : «On entend des bribes, comme ça. Je crois que rien n’a encore été décidé. Il faudra que SAJ tranche. Mais il y a plusieurs versions.» Un de ces scénarios serait que le député de Piton-Rivière-du-Rempart (circonscription nº 7) quitte le poste de ministre des Finances, qui serait cédé à Roshi Badhain, et occupe d’autres fonctions, que ce soit au sein d’un ministère (les Aff aires étrangères pour certains, ou un nouveau portefeuille, celui de l’Économie, pour d’autres) ou à un haut poste de la fonction publique. Tout cela saupoudré d’un petit remaniement ministériel pour faire passer la pilule de ce changement drastique (un des arguments de campagne de l’alliance Lepep, c’était, quand même  : «Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances»).

 

Un autre permettrait… de ne rien changer ! Le Grand Argentier ne bougerait pas d’un iota. Tout ce ramdam n’aurait servi à rien, qu’à faire un peu d’animation. «Et de détourner l’attention des Mauriciens sur la débâcle du gouvernement Lepep», confi e un ancien MSM, à la retraite politique et un peu déçu par le bilan de l’alliance au pouvoir. Il estime que Vishnu Lutchmeenaraidoo a simplement décidé de faire un coup d’éclat : «Parce qu’il en a marre de Roshi Badhain. C’est aussi simple que ça. Il n’a pas vraiment l’intention de s’en aller et de se consacrer à sa spiritualité.» Un petit caprice de ministre ? Il n’est pas le seul à être de cet avis  : «Il a sûrement, à plusieurs reprises, fait part de ce qui l’agaçait. Personne n’a écouté. Il a décidé d’employer les grands moyens. Mais bon, s’il remporte sa bataille, qu’il conserve son ministère, il faudra que Roshi Badhain accepte de s’eff acer un peu et de rester à sa place. Ce qui est très peu probable», explique un de ses anciens alliés au MMM.

 

Et comme en politique, tout est possible, la question se pose quand même : le ministre de la Bonne Gouvernance le fera-t-il ? Réponse dans le grand fi nal de la dernière telenovela gouvernementale.

 


 

Nouvelle partielle, nouvelle vie

 

Qu’il abandonne le poste de minister des Finances; ça passe ! Mais qu’il démissionne en tant que député et les choses seraient beaucoup moins faciles à gérer. Si le Grand Argentier se retire complètement de la scène politique, une élection partielle sera organiée à Piton-Rivière-du-Rempart avec la possibilité pour Navin Ramgoolam de revenir au sein du Parlement… Ce que les têtes pensantes du MSM souhaitent empêcher à tout prix.

 


 

Ça s’en va et ça revient…

 

«La voix Lepep, c’est la voix de Dieu. C’est un miracle qui a libéré notre pays. Nous avons sauvé notre famille, notre pays.» Déclaration de Vishnu Lutchmeenaraidoo, le 11 décembre 2014. L’alliance Lepep vient d’écraser l’alliance de l’Unité (PTr-MMM) aux dernières législatives et celui qui sera nommé ministre des Finances est heureux, tout simplement. Quelques semaines plus tôt, il avait pris une retraite politique en démissionnant du MMM, mécontent de l’alliance Ramgoolam-Bérenger, et avait assuré qu’il était dans une «phase de silence» et de retrait. Néanmoins, il n’avait pas tardé à accepter la proposition que lui avait faite sir Anerood Jugnauth : qu’il soit ministre des Finances en cas de victoire de cette alliance nouvelle.

 

Si en décembre 2014, moment de grande joie, il invoquait Dieu, le Grand Argentier l’a encore fait pendant ses instants de doute, récemment. Au cours des années et des portraits qui lui ont été consacrés, l’homme a toujours fait part de l’importance de la spiritualité dans sa vie. «Je fais de la méditation au moins deux heures par jour. C’est mon jardin secret», confi ait-il à 5-Plus, il y a quelques années. Une connexion nécessaire pour son équilibre, expliquait celui qui est le huitième enfant d’une fratrie de 14 enfants (huit frères et six sœurs), fils d’une maman, femme au foyer, et d’un père, inspecteur des écoles et propriétaire terrien. Un besoin de se recentrer vers l’essentiel qu’il a ressenti depuis son plus jeune âge. Il a 5 ans quand son frère Krishna, avec qui il partage le même lit, est atteint de polio et est handicapé des jambes. Il se demande alors pourquoi c’est son benjamin qui a été frappé par la maladie. Commence alors son cheminement.

 

Côté scolarité, il fait ses classes primaires à l’école de Saint-Pierre où il vit une vie «ni pauvre, ni riche», il poursuit ses études aux collèges New Eton et Saint-Joseph et obtient son HSC. Il prend de l’emploi comme enseignant d’anglais. Plus tard, il rejoint Aix-en-Provence, en France, pour débuter ses études tertiaires en gestion d’entreprise et marketing (en 1967). C’est là qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme, Suzanne zanne Poli, une Française originaire de Corse. Il l’épouse en 1971, alors qu’ils sont tous les les deux étudiants. Krishen naît en France, alors que leurs deux autres fi ls, Danesh et et Ashwin, naissent à Maurice, quand le couple décide de s’installer dans l’île.

 

C’est en 1974 que l’actuel Grand Argentier rejoint les rangs du MMM, il est alors lors fonctionnaire au ministère du Plan. Les idées de Paul Bérenger lui parlent. D’ailleurs, cinq ans plus tard, il démissionne et lance une compagnie de commerce régional avec le leader du MMM. La victoire aux législatives de 1982 et la cassure d’avec le MSM sont un tournant dans sa vie. Élu à Souillac-Rivière des Anguilles (circonscription nº 13), il n’obtiendra pas de poste de ministre. Jayen Cuttaree lui est préféré. Il estime, alors, être victime d’une injustice. En 1983, suite à la fi n de l’alliance MMM-MSM, il change de bord politique. Et devient le ministre des Finances de SAJ. Il est réélu en 1987 et occupe le même ministère jusqu’en 1991.

 

Il quitte alors le MSM qui parle de faire alliance avec le… MMM. Il vivote pendant quelques années au sein du Mouvement des démocrates libéraux, parti qu’il a créé avec Ajay Daby, revient au MSM de 1997 à 1998 et s’eff ace de la scène politique jusqu’en 2007 où il refait son apparition au MMM.

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