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Par Elodie Dalloo
12 avril 2023 21:26
Elle a le visage encore boursouflé, le pied droit plâtré et des ecchymoses sur tout le corps. Elle a également dû se faire poser des points de suture à la main droite après avoir été blessée avec une arme tranchante. Emily Jacques, une habitante de Cité Barkly, âgée de 24 ans, ne se serait jamais imaginée se retrouver dans un tel état. Le dimanche 2 avril, les limiers du poste de police de sa localité l’ont conduite d’urgence à l’hôpital Jeetoo après l’avoir récupérée chez des voisins où elle avait trouvé refuge après une dispute avec son concubin. Ce dernier l’aurait tabassée avec un manche de pioche et l’aurait blessée à la main en voulant lui ôter le couteau dont elle s’était emparée pour se défendre. Celui-ci, âgé de 23 ans, s’est livré à la police quatre jours plus tard et a été placé en détention policière après sa comparution devant le tribunal de Rose-Hill.
Lorsqu’elle a connu Jeremy Solamalay, il y a un an, Emily était sur un petit nuage. «Je n’avais pas eu une vie facile avant lui ; j’avais connu des partenaires violents et j’avais placé beaucoup d’espoir en lui. Au début, notre relation était tranquille, paisible ; j’étais heureuse. Jeremy faisait beaucoup pour mon fils et je ne manquais de rien.» C’est lorsqu’elle a emménagé avec lui et sa famille à Cité Barkly que les choses ont commencé à se compliquer. «Nous nous disputions pour des broutilles. Sak ti zafer ti pe vinn enn gro problem. Au fil du temps, les choses ne faisaient que se détériorer et il a commencé à être violent. Il m’injuriait, me bousculait, me giflait, mais je lui ai toujours pardonné. Je m’étais imaginée qu’il s’agissait juste d’une mauvaise passe, qu’il finirait par changer et qu’on pourrait même rire de ces mauvais moments passés plus tard mais je m’étais trompée.»
La jeune femme reconnaît avoir été aveuglée par l’amour qu’elle portait à Jeremy. «Lorsque je l’ai rencontré, j’ai cru que, pour une fois dans ma vie, j’aurais eu droit au bonheur. Je m’étais imaginée qu’il était différent de ceux que j’avais connus. Je refusais de croire qu’une fois encore, j’allais vivre un cauchemar.» Avant lui, dit-elle, «j’ai toujours su mettre un terme à la relation au moindre signe de violence car c’est quelque chose que je n’avais jamais toléré». Néanmoins, même après que Jeremy l’a injuriée et bousculée à plusieurs reprises, poursuit-elle, «je suis restée parce que je l’aimais». Elle a encore bien en mémoire un triste épisode en décembre dernier, après une énième dispute : «Il m’avait giflée à trois reprises. Je le lui ai pardonné, convaincue que c’était justifié et qu’il l’avait fait dans un moment de colère. Monn kompran li.» Quelque temps plus tard, il avait encore fait preuve de violences : «Li ti re-lager ar mwa ek li ti tourn mo lebra, monn rod kit li ek pran mo bann zafer ale me monn fini par pardonn li kan linn dir mwa li pa pou rekoumanse. Il m’avait dit qu’il faudrait qu’on travaille sur notre relation, qu’on arrête de se disputer de la sorte et je l’ai cru. Si mo ti kone ki ti pou ariv mwa apre, mo pa ti pou reste.»
Alors que leur relation n’était déjà pas au beau fixe, le dimanche 2 avril, Jeremy et Emily ont voulu passer la journée ensemble à la maison dans l’espoir de retrouver leur complicité. Cette fois encore, les choses ont mal tourné mais pour la première fois, leur dispute a pris des proportions bien plus graves. «Lorsque je lui ai fait des reproches, il est entré dans une colère noire. Linn pran enn lamans pios ki gard amba larmwar, linn koumans bat mwa.» Ce qui la désole davantage, c’est que la mère de son compagnon ne lui est pas venue en aide… bien au contraire. «Kan monn dir Jeremy aret tape parski sa pou mal fini, mo belmer inn dir mwa : “To nek bon pou menase mem twa.” Quand je lui ai demandé de m’ouvrir la porte, elle a prétexté ne pas savoir où se trouvait la clé. Elle a même prétendu ne pas avoir de crédit sur son cellulaire lorsque je lui ai dit d’appeler la police.» Ce n’est que lorsqu’elle s’est emparée d’un couteau pour faire peur à son concubin que la mère de ce dernier a déverrouillé la serrure et est partie chercher de l’aide.
Lorsque les voisins sont intervenus, Emily a finalement pu échapper aux mains de son bourreau et s’est réfugiée chez eux. De là, elle a alerté les limiers du poste de police de Barkly, qui sont venus la récupérer et l’ont conduite à l’hôpital Jeetoo pour qu’elle puisse y recevoir des soins. «Ce qui s’est passé par la suite est encore flou dans ma tête. J’ai perdu connaissance à plusieurs reprises et j’avais les yeux tellement gonflés à cause des coups reçus que je pouvais à peine voir quels examens les médecins effectuaient. Je me souviens uniquement du moment où on m’a fait mes points de suture à la main à cause de la douleur.» Elle profite, par ailleurs, de l’occasion pour remercier une inconnue qui lui a tenu compagnie jusqu’à l’arrivée de ses proches. «Dernye zafer mo rapel apre, se kan monn rant dan lasal ek mo bann kamarad inn dir mwa repoze, ki le landemin zot pou vinn get mwa.»
Durant son hospitalisation, dit Emily, «monn rann mwa kont ki lavi importan ek ki nimport kan mo kav perdi li. Passer aussi près de la mort m’a fait réaliser que la vie est précieuse. Dan ler mo ti pe gagn bate, se zis zimaz mo ti garson kinn vinn dan mo latet. J’ai même pensé que je ne m’en sortirais pas vivante». Elle se dit soulagée que son fils de 7 ans était chez sa marraine le jour de son agression et n’a pas assisté à la scène. «Azordi, mo pa fini dir mwa ki mo ti kapav perdi mo lavi. Mo sagrin mo pann ale avan.» Trois jours après son agression, la jeune femme a eu l’autorisation des médecins de sortir de l’hôpital. Elle est alors allée passer quelques jours chez une amie. Elle lance un appel à la population afin qu’elle l’aide à trouver une maison à louer dans la région de Beau-Bassin/Rose-Hill pour pouvoir recommencer à zéro avec son enfant. Elle est joignable sur le 5452 2936.
Par ailleurs, Jeremy Solamaley a donné du fil à retordre aux hommes du chef inspecteur Rajesh Moorghen car il avait quitté son domicile en apprenant que la police était à sa recherche. Ce n’est que dans la matinée du jeudi 6 avril qu’il s’est livré à la police de Barkly. Il a comparu devant le tribunal de Rose-Hill le même jour, sous une accusation provisoire de tentative de meurtre, avant d’être reconduit en cellule, la police ayant objecté à sa remise en liberté. Une reconstitution des faits devrait avoir lieu une fois la victime remise de ses blessures.
Consciente d’avoir échappé à la mort, Emily demande aux autres personnes subissant le même sort de «ne pas se voiler la face» : «Il ne faut pas vous imaginer que lorsque c’est arrivé une fois, cela n’arrivera pas à nouveau. Cessez de trouver des excuses à votre partenaire. Si zot pou pardonn li, li pou kontigne ziska zot perdi zot lavi.»
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