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Agressions sexuelles sur les enfants

19 juillet 2015

Aurore Perraud : «La protection des enfants doit être une priorité nationale»

Les agressions sexuelles sur mineurs sont en hausse selon les chiffres émis par la Child Development Unit. Quel est votre plan d’action pour pallier ce problème ?

 

Cela fait six mois que je suis à la tête de ce ministère et je me rends compte que j’ai un gros défi à relever, surtout lorsqu’il s’agit des agressions sexuelles sur les enfants. Déjà, un comité interministériel, regroupant les ministères de l’Éducation, de la Santé, de la Sécurité sociale, entre autres, a été mis sur pied pour mieux répondre à ce problème. Car les abus sexuels sur les enfants ne concernent pas seulement mon ministère ou moi. Mais tout un chacun. Puis, il y a déjà des programmes existants, comme le Child Watch et l’école des parents, qu’on évalue actuellement pour voir s’ils répondent efficacement aux besoins actuels et dans quelles mesures ils peuvent être améliorés. Bien sûr, pour cela, on travaille en étroite collaboration avec les ONG engagées dans cette lutte. Nos lois comportent aussi des lacunes. Nous travaillons actuellement sur un Children’s Bill afin de mieux assurer la protection des droits des enfants.

 

La Child Development Unit serait en sous-effectif. Des recrutements sont-ils à l’agenda afin de mieux faire face aux cas d’agression sexuelle sur les enfants et assurer un suivi régulier des victimes ?

 

Mon ministère travaille actuellement avec peu de ressources humaines. J’ai fait une demande en ce sens dans mon budget et le gouvernement y a répondu favorablement. Nous aurons plus de psychologues et plus de Family Welfare Protection Officers (FWPO). On reçoit aussi beaucoup d’appels anonymes qui nous signalent des cas d’abus sur les enfants ou encore des travailleurs sociaux. C’est justement là qu’interviennent les FWPO qui mènent des enquêtes sur le terrain, visitent les enfants pour voir dans quelles conditions ils vivent et les retirent des milieux à risques. Nous sommes également limités en termes d’infrastructure. Par exemple, il n’y a pas suffisamment d’abris pour accueillir les enfants.

 

Les abris eux-mêmes sont parfois sous le feu des projecteurs. Que faire dans ce cas ?

 

Hélas, il y a des abus sexuels et des cas de maltraitance sur mineurs dans des abris. C’est pour cette raison que j’ai initié un Fact Finding Committee il y a deux mois pour, d’une part, voir de près ce qui se passe dans les abris. Cela, afin de mieux protéger les enfants. Et de l’autre pour que ceux qui tiennent ces abris améliorent leur service.

 

Le budget accordé à votre ministère suffit-il pour combattre la violence à l’égard des enfants ou faut-il investir davantage dans ce secteur ?

 

Il faut définitivement plus de moyens pour lutter contre ce problème. Et la priorité de mon ministère est la situation actuelle des enfants dans l’île. Le gouvernement fait sa part, mais je lance un appel au soutien du secteur privé, qui peut jouer un grand rôle dans cette lutte, et des personnes qui ont une connaissance dans le domaine. Car il nous faut de l’aide.

 

Le meurtre d’Edouarda Gentil hante toujours les esprits, d’autant qu’un nouveau suspect a été arrêté après que son ADN a été retrouvé sur le sous-vêtement de la fillette. Votre sentiment ?

 

La photo d’Edouarda a une place spéciale dans mon bureau. J’ai eu un déclic à sa mort, car j’ai aussi aidé personnellement à la retrouver lors des recherches. Avec ce nouveau développement, j’ai eu un deuxième choc. Car le suspect a marché à mes côtés durant la marche organisée en mémoire d’Edouarda et scandait, comme nous tous, Non à la violence. Je suis dévastée. Les abus sexuels sur les enfants existent dans tous les milieux sociaux. Mais ces dernières années, les cas de meurtre sur les enfants ont eu lieu dans des poches de pauvreté. Est-ce un facteur ? La promiscuité entraîne-t-elle ce genre de situation ? Les questions restent posées, mais je suis d’avis que combattre la violence sexuelle passe aussi par l’élimination de la pauvreté.

 

Il y a une autre réalité criarde, soit les agressions sexuelles commises par des enfants sur des enfants. Le dernier cas en date se serait produit au Correctional Youth Centre où un interne aurait été agressé par ses compagnons de chambre. Quelle est la solution dans pareil cas ?

 

Le nombre de cas d’enfants qui agressent des enfants est très alarmant. On se demande ce qui ne fonctionne pas et pourquoi ils ont un tel comportement vis-à-vis des enfants du même âge. Ils ne mesurent peut-être pas leurs actes, encore moins les conséquences. La solution à ce problème n’est pas toute trouvée. Mais introduire l’éducation sexuelle à l’école va aider en ce sens. À condition que ce chapitre soit dispensé par des personnes formées, qui maîtrisent ce dossier.

 

Dans des cas d’abus sexuel sur les enfants, il n’est pas rare que les agresseurs aient eux-mêmes subi ce type de violence durant leur enfance. N’est-il pas temps d’investir également dans la prise en charge à long terme de ces personnes ?

 

Il faut faire un suivi régulier des victimes, tout comme il est primordial de donner un bon encadrement aux agresseurs. Car le problème, ce n’est pas les victimes, mais les agresseurs. Ici, ils sont jugés, on les envoie en prison pour quelques années. Ensuite, il se passe quoi ? Ils sont relâchés et ils récidivent. Il faut leur accorder un soutien psychologique et, avant qu’ils ne soient libérés, voir s’ils représentent un potentiel danger, comme c’est le cas en France.

 

La Sentinelle a récemment lancé une campagne nationale sur les abus sexuels sur mineurs, en partenariat avec votre ministère et des ONG. Votre ministère compte-t-il poursuivre sur cette lancée ?

 

La protection des enfants doit être une priorité nationale. Nous avons participé à cette campagne à la hauteur de nos ressources et nous allons effectivement continuer à sensibiliser la population. Les campagnes sont un bon moyen de communication qui doit interpeller. Mais si la population ne se sent pas interpellée par ces campagnes et ces affiches placardées un peu partout dans l’île, il y a un autre gros problème.

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